22/12/00
Dale L. Fuller, Borland : "Kylix
sera encore plus fort que Delphi"
Fondé
en 1983 par le français Philippe Kahn, Borland
s'est fait connaître à ses débuts comme
l'un des principaux concurrents de Microsoft en matière
d'outils de développement. Presque tous les programmeurs
des années 80 ont entendu parler de la marque qui
a lancé des langages comme Turbo Pascal ou sa version
de C++. Après avoir rencontré quelques difficultés
notamment d'ordre financier, l'éditeur adopte le
nom d'Inprise à la fin des années 90, puis
revient à ses anciennes lettres de noblesse à
partir de cette année avec une croissance de nouveau
positive. Ainsi, l'activité Java a progressé
de 250 % en un an, et l'activité produits d'entreprise
a gagné 50 % durant la même période.
Malgré l'échec de la fusion avec Corel en
début d'année, l'éditeur continue sa
politique en faveur de Linux et du mouvement Open Source.
Dale L. Fuller, le président et CEO de Borland, revient
sur ces points et dévoile certains développements
en cours.
JDNet
Solutions : Borland est devenu Inprise, puis Inprise est
redevenu Borland. Pourquoi ?
Dale L. Fuller : Après avoir fondé
la société il y a des dizaines d'années,
nous avons rencontré beaucoup de succès et
Borland est alors devenue une référence. Puis,
après avoir vécu quelques problèmes
financiers, nous avons changé le nom en Inprise,
mais la nouvelle marque ne s'est pas imposée dans
les esprits. Finalement, il y a quelques mois, nous avons
décidé de conserver le nom Borland et de lui
procurer une assise sur le long terme. Cette année
a été pour nous source de nombreux profits,
et le retour à Borland symbolise aussi le retour
vers le succès.
Vous
venez d'annoncer la version 4.5 de votre serveur d'application.
Que comporte-t-il de nouveau?
Il s'agit d'une technologie très
sophistiquée de haut niveau. Tout en constituant
un sérieux héritage de nos précédentes
applications, Borland AppServer 4.5 est désormais
certifié par Sun et procure une infrastructure de
communication basée sur les standards J2EE. D'une
part, il convient parfaitement aux nouvelles technologies
comme Internet et les WebTV. D'autre part, il apporte une
connexion particulière et standardisée vers
les systèmes centraux.
Comment
procède-t-il pour s'interfacer avec le back-office
?
La principale façon consiste
à assurer les connexions à l'aide de Corba.
Mais en réalité, trois méthodes différentes
sont proposées aux développeurs : le
recours à des EJB (Enterprise Java Beans) ou d'autres
connecteurs J2EE, le fait de passer à travers Corba,
ou alors l'emploi du langage XML au niveau des données.
A priori, nous préconisons une connexion directe
avec Corba, ce qui permet par exemple une intégration
plus étroite avec d'autres applications comme Siebel
qui supporte ce standard.
Certains
considèrent que Corba est dépassé.
Qu'avez-vous à dire pour la défense de ce
standard ?
Non seulement Corba est toujours d'actualité,
mais il est aussi beaucoup plus efficace que d'autres technologies.
Il suffit de demander à d'importants fournisseurs
comme Siemens, Ericsson et Nokia ce qu'ils en pensent. A
l'heure actuelle, Corba est toujours utilisé dans
près de 55 % des applications métiers.
Car les entreprises se basent sur leurs acquis pour continuer
à avancer.
Vous
éditez aussi JBuilder pour le développement
Java. Quelle est aujourd'hui sa place sur le marché
face à des produits comme Visual Cafe de Webgain
?
En grande partie grâce à
ce produit, nous avons enregistré 250 % de croissance
de notre chiffre d'affaires sur l'activité Java au
dernier trimestre par rapport à la même période
l'an passé. Aujourd'hui, JBuilder représente
plus de 40 % du marché qui compte beaucoup d'acteurs.
JBuilder
est aussi en train d'évoluer d'un environnement RAD
(Rapid Application Development) vers un REII (Rapid Environment
Integration and Interoperability) capable d'assurer une
intégration rapide.
En utilisant des technologies de persistence des données,
nous pouvons combler le fossé entre le développement
Java et la plate-forme d'intégration Java. Quant
à Webgain, nous avons annoncé l'intégration
de JBuilder avec le serveur d'application WebLogic de son
actionnaire principal BEA Systems.
L'accélération
des développements est-elle pour vous une priorité
?
Prenons un exemple concrêt pour
illustrer. Nous avons signé cette année avec
un important opérateur de télécommunications
en France, qui n'est pas France Télécom mais
dont je ne peux dévoiler le nom. En utilisant JBuilder,
ses équipes ont réussi à mener à
terme des projets significatifs en moins de 6 mois
dans le cadre de systèmes critiques de transactions
métier. Evidemment, cela dépend du projet.
Parfois, la durée des développements peut
descendre en dessous de 4 semaines grâce à
ses capacités très productives.
Vous
venez de rejoindre l'initiative UDDI. Pourquoi ?
Nos clients ont besoin de standards
comme les EJB, le langage XML, et maintenant UDDI. Cette
stratégie est particulièrement "clef"
pour nous. Sur ce plan, nous ne nous concentrons pas sur
un seul standard. Nous entretenons une communauté
de développement et de déploiement, et ce
qui l'intéresse réside d'abord dans la capacité
de montée en charge. Dans ce contexte, nous supportons
aussi bien les environnements Windows que Linux ou même
Unix Solaris. Internet est la plate-forme. Notre objectif
consiste à fournir des environnements pour développer
rapidement des applications. Et notre avenir restera concentré
là-dessus.
Vous
étiez sur le point de racheter Corel en début
d'année. Quel bilan faites-vous de cet échec
?
Je pense que nous avons bien fait
de ne pas les racheter, car ils ne pouvaient pas répondre
aux objectifs de la fusion compte tenu de leurs problèmes.
En tout cas, ils n'ont pas réussi à réunir
les conditions indispensables.
Selon
vous, l'avenir sera-t-il mobile ?
A l'avenir, les ordinateurs seront
obsolètes. Les assistants personnels, les téléphones
mobiles, etc. seront les nouveaux postes de travail. Le
passé appartient aux PC de bureau et le futur à
Internet. Ce qui rend d'ailleurs la stratégie Open
Source particulièrement adaptée, car nous
pouvons avoir beaucoup plus de développeurs qu'avant.
L'utilisateur est mobile. En tant que CEO, je peux avoir
besoin d'accéder à certaines données
institutionnelles alors que je suis dans un avion. Il existe
un champ d'application énorme de ces technologies
qui répondent à de réels besoins pour
les utilisateurs.
En
abandonnant Corel, vous perdez du même coup sa distribution
Linux. Que devient votre contribution au mouvement Open
Source ?
Nous continuons à supporter
cette démarche. Notre produit Interbase 6 est
le seul environnement SQL qui soit Open Source. Le produit
est gratuit et téléchargeable sur notre site,
mais nous fournissons aussi une version commerciale identique
à d'autres éditeurs qui paient la licence
pour profiter du label de certification associé.
Cela dit, tous nos produits ne seront pas Open Source car
ils n'ont pas à l'être. Certains peuvent aussi
l'être en fonction de la demande.
Préparez-vous
votre propre distribution Linux ?
Non, mais nous allons fournir un environnement
RAD natif pour la plate-forme Linux. Ce produit, du nom
de Kylix, sera encore plus fort que Delphi et constituera
la voie la plus rapide pour bénéficier d'une
plate-forme mixte Windows et Linux. Nous avons prévu
sa sortie pour le premier trimestre de l'année prochaine.
Pourquoi
dédier Kylix à Linux en particulier ?
Si nous remontons aux années
70, les développeurs utilisaient le langage Fortran
sur des calculateurs. Puis, les années 80 ont vu
l'arrivée de Cobol, grâce auquel pour la première
fois le business communiquait vraiment avec la technologie.
Les années 90 ont surtout été marquées
par l'architecture client/serveur qui permettait de créer
des applications plus vite avec des outils RAD. A présent,
il n'existe plus que deux principaux éditeurs d'environnements
de développement rapide : Borland et Microsoft. Avec
Visual Studio, ils touchent près de 4 millions
de développeurs dans le monde, et nous plus d'un
million avec Delphi Studio.
Aujourd'hui, le problème tient à l'apparition
et la croissance d'Internet. Or, Windows NT ne tient pas
vraiment la montée en charge. Car, si en client/serveur
le développeur sait combien de personnes seront connectées,
ce n'est plus le cas avec Internet. Le problème se
pose de savoir comment développer des applications
qui soient bien dimensionnées. Dans ce domaine, Linux
remplit son contrat et assure une bonne montée en
charge. Ce qui n'est pas le cas de Windows, même si
celui-ci reste très important pour nous.
Mais
aujourd'hui, beaucoup de sites tiennent la montée
en charge sous Windows, non ?
Avec Linux, au lieu d'investir 6 millions
de dollars dans des batteries de serveurs, il suffit de
dépenser 600 000 dollars
pour une plate-forme matérielle avec des résultats
équivalents suivant la même échelle.
Le fait de recourir à l'environnement Microsoft peut
ainsi se révéler très coûteux.
Quelles
avancées représente Kylix pour les développeurs
?
Grâce à Kylix, les applications
Windows peuvent directement être portées sous
Linux. Or, le monde des développeurs Visual Basic
est en train de se rapprocher de nous car Microsoft n'est
pas assez réactif. De plus, avec Delphi intégré
au serveur d'application, le déploiement devient
très rapide.
Nous avons des partenariats avec les éditeurs de
systèmes Linux comme RedHat, SuSe et Mandrake et
nous proposons une plate-forme RAD unique pour toutes ces
distributions. Nous apportons du développement natif,
et les applications produites avec Kylix sont directement
compilées pour la plate-forme Linux.
Que
pensez-vous des technologies de machines virtuelles ?
Lorsque le langage est interprété,
il devient plus difficile de l'exécuter car les machines
virtuelles ralentissent
la communication elle-même. Les applications Kylix
peuvent utiliser 100 % des ressources du système.
De plus, l'augmentation des performances avec Linux est
très rapide. C'est d'ailleurs pour toutes ces raisons
que nous ne sommes pas les seuls sur ce créneau,
et que d'autres grands fournisseurs comme IBM disent que
l'avenir des technologies de l'information passe par Linux.
A 41 ans, Dale L. Fuller bénéficie
d'une expérience de 20 ans de l'industrie des
nouvelles technologies dont il fait profiter Borland dès
sa nomination en avril 1999. Depuis 1997, il dirigeait le
site communautaire WhoWhere? et a été à
ce titre responsable du succès de sa filiale AngelFire.com
en 1998. Entre 1994 et 1996, il était vice-président
et directeur général de Nec Technologies en
charge de ses activités de terminaux PC portables.
Auparavant, il travaillait chez Apple, où sa dernière
fonction a été celle de vice-président
et directeur général de l'unité d'affaires
PowerBook.
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