28/12/00
Jean-Pierre Brulard, Intershop : "Montrer
un site viable avant de personnaliser.".
Depuis
le lancement de sa première version en janvier 2000,
la suite marchande Enfinity a glané près de
250 clients en 9 mois dont Bertelsmann, Deutsche
Telekom, Time Warner, France Télécom, Carrefour
et Péchiney. Editée par l'Allemand Intershop,
celle-ci a depuis évolué vers une plate-forme
commune pour les transactions b-to-c et b-to-b. Depuis le
début de l'année, l'éditeur a doublé
son effectif qui dépasse à présent
le seuil de 1 000 personnes, dont 40 en France.
Son chiffre d'affaires, qui provient à 70 %
des ventes d'Enfinity, a presque triplé dans la même
période pour atteindre les 92 millions d'Euros
à la fin du troisième trimestre 2001. A l'heure
où la version 2 d'Enfinity vient d'être mise
sur le marché en tant que plate-forme unifiée,
le directeur général Europe du Sud d'Intershop
nous accorde une interview dans laquelle il revient sur
les avantages de son offre et sur sa stratégie en
tant qu'éditeur.
JDNet
Solutions : b-to-c, b-to-b... quel est votre positionnement ?
Jean-Pierre
Brulard : Notre positionnement est très clair :
nous sommes éditeur de logiciels applicatifs du côté
Sell Side. Ce créneau regroupe seulement trois grands fournisseurs
indépendants, qui sont ATG, Broadvision et Intershop. En
parallèle existent aussi deux autres acteurs généralistes :
IBM et Microsoft.
Quelle
est votre définition du "Sell Side" ?
Etre positionné Sell Side signifie
que nous sommes tournés vers l'accroissement du CA de nos
clients entreprises grâce au média Internet. Notre
promesse de vente consiste à améliorer celui-ci d'au
moins 10 % par la commercialisation de produits et services
sur le
Web.
La
version 2 de Enfinity permet de vendre en b-to-b et vous
êtes désormais alliés avec Commerce
One. Pourquoi ce
choix ?
Des éditeurs comme Commerce
One, I2, Ariba et Oracle sont sur la partie Buy Side avec
leurs logiciels d'e-procurement (ou gestion de la fonction
ayant trait aux achats de l'entreprise) et leurs plates-formes
permettant de construire des places de marché. Lorsque
le partenariat a été signé fin août,
j'étais encore directeur Europe chez IBM pour la
partie e-commerce et je m'occupais de l'Alliance avec I2
et Ariba.
Pour Intershop, il s'agit d'un choix stratégique.
Soit nous allions concurrencer ces acteurs et travailler
sur des logiciels de place de marché et de gestion
des achats, soit nous décidions de signer un partenariat
stratégique avec l'un de ces acteurs. Nous avons
donc choisi de renforcer notre offre et de nous allier avec
Commerce One.
Pourquoi
ne pas avoir choisi I2 et Ariba puisque vous travailliez
chez IBM ?
IBM édite déjà
un outil Sell Side, donc il n'y avait pas de sens pour Intershop
de s'allier avec eux. En même temps, notre concurrent
Broadvision qui est l'un de leurs partenaires a annoncé
qu'il se lançait sur le segment du Buy Side, ce qui
à mon sens va mettre en danger l'Alliance.
Surtout
qu'en étant alliés avec Commerce One, vous
l'êtes aussi avec SAP... ?
Oui, et cela a beaucoup de sens pour
nous vis à vis de l'autre alliance. De plus, nous
avons notamment su rallier à la nôtre les principaux
partenaires en matière de hardware que sont Hewlett-Packard,
Sun et Compaq. Aujourd'hui, notre offre Enfinity tourne
sans aucun problème sur ces plates-formes et nous
avons fondé des centres de compétences techniques
en commun. Une fois que l'investissement est réalisé,
il est naturel de le prolonger par des accords commerciaux
et marketing. N'oublions pas que l'un des buts de l'Alliance
entre IBM, I2 et Ariba est aussi de vendre du matériel
IBM.
Revenons
au b-to-c. Pourquoi avoir lancé Enfinity alors que
vous commercialisiez déjà la suite marchande
Intershop ?
Enfinity est vendue entre 300 000
et 500 000 Euros tandis qu'Intershop 3 et 4
étaient entre 10 000 et 30 000 francs.
Alors pourquoi avoir changé de direction ? Parce
que les éditeurs orientés vers la vente de
produits en volume représentent aujourd'hui plein
de cadavres laminés par Microsoft. Afin d'éviter
de subir ce sort, nous avons donc pris la décision
technologique de construire le produit Enfinity.
Hormis
son caractère unifié, quelles sont les nouveautés
de la version 2 ?
Nous avons travaillé dans deux
directions différentes. Tout d'abord, nous avons
amélioré les performances et la montée
en charge de la plate-forme. Ensuite, nous avons développé
des interfaces natives avec beaucoup d'autres éditeurs :
SAP,
Peoplesoft et Oracle Applications côté ERP
(progiciels de gestion intégrés), Siebel en
matière de CRM (gestion de la relation client), puis
Commerce One et Ariba avec leurs plates-formes b-to-b. Nous
avons aussi des interfaces natives avec DHL et UPS pour
la logistique, et Cybercash qui est un système de
paiement en ligne.
En
dehors des interfaces natives, comment la solution s'intègre-t-elle
à d'autres applications ?
Nous fournissons aussi une plate-forme
d'interconnexion qui rend l'intégration plus facile.
Pour cela, elle s'appuie sur notre technologie VPM (Virtual
Pipeline Manager) qui permet d'encapsuler les composants
EJB (Enterprise JavaBeans) entre eux.
Notre corps technologique se base exclusivement sur des standards
comme XML, Java
et la base de données Oracle 8i. Après, VPM permet
de définir des business models pré-organisés.
Il s'agit de règles métiers mais pas seulement d'un
moteur de règles puisque ce sont des EJB. En tout, la plate-forme
Enfinity en intègre près de 120 aujourd'hui,
certains dédiés à l'intégration, et
d'autres pour de nombreux domaines comme la vente à travers
des affiliés, avec ou sans intermédiaires, etc.
Quel
est l'intérêt d'avoir développé
une solution couvrant à la fois les aspects b-to-c
et b-to-b ?
C'est réellement une force du produit.
Cela correspond à notre slogan, Sell Anywhere, qui résume
le fait de servir nos clients quel que soit leur modèle de
vente. Dans les faits, Enfinity accompagne une grande entreprise
sur tous ses modèles. Avec une plate-forme technologique
unique, celle-ci peut à la fois développer un business
additionnel et créer de la valeur
ajoutée sur tous ses canaux.
Par exemple, nous avons signé avec Manutan
sur
17 pays d'Europe,
un important fournisseur de matériels de bureau qui
pratique à la fois la vente par catalogue par l'intermédiaire
de distributeurs et la vente directe auprès des professionnels.
Toutes ses politiques commerciales sont sur son site, et
notre plate-forme couvre la panoplie de tous ses canaux.
En
parlant de modèles de ventes, quels sont vos principes
de tarification ?
Nous sommes éditeur de logiciels
avec des modèles ultra-traditionnels. Nous pratiquons
un prix de licence au module sans augmentation en fonction
du nombre d'utilisateurs ou de la montée en puissance
de la plate-forme. Les trois modules que nous vendons sont
Enfinity Catalog Server pour gérer la partie catalogue,
Transaction Server qui s'occupe des transactions commerciales
et s'appuie sur le serveur web PowerTier de Persistence,
et l'ensemble formé par les connecteurs natifs.
Votre
solution intègre-t-elle une, voire plusieurs méthodes
de personnalisation comme Broadvision ? Quels sont vos choix
dans ce sens ?
Nous avons un moteur de personnalisation,
mais nous avons procédé différemment
sans prendre le parti de méthodes proprement dites.
Comme nous tenons aux 10 % de CA additionnel que nous
faisons gagner à nos clients, nous avons travaillé
avec le Boston Consulting Group selon les secteurs d'activité
pour savoir quels étaient leurs retours d'investissement
possibles sur Internet. Or, dans notre approche vis à
vis de notre clientèle, nous renforçons les
aspects de conseil. Le one-to-one était à
la mode il y a trois ans, mais ce n'est pas lui qui crée
la valeur.
En fait, nous nous sommes affranchis de ce type de débats
et nous travaillons avec des partenaires en avançant
secteur d'activité par secteur d'activité.
Nous travaillons sur l'identification de la création
de valeur grâce au média de vente Internet.
Car avant de se lancer dans la personnalisation, il faut
montrer que le site est viable, c'est à dire qu'il
gagne de l'argent. Et de plus, lorsque nous avons interrogé
nos 250 clients sur nos orientations en matière
de complémentarité de notre offre, ils ont
répondu en grande majorité qu'ils préféraient
la connectivité et la performance.
Quelles
sont les autres évolutions prévues pour la
prochaine version d'Enfinity ?
Du côté fonctionnel,
nous avons racheté la société Subtonic,
basée à Berlin, qui a développé
une solution de gestion de contenus basée sur Enfinity.
Nous sommes en train de l'intégrer en recherche et
développement. Enfinity 3, qui devrait être
annoncé vers le milieu de l'année, a priori
lors d'un événement au CeBit, intègrera
en natif toutes les fonctions de gestion de contenus. En
d'autres termes, nous allons devenir un compétiteur
de Vignette.
Enfin, nous développons aussi la verticalisation
avec le BCG, et nous travaillons aussi avec quatre catégories
de fournisseurs ASP : les opérateurs de télécommunications
et leurs filiales, les acteurs indépendants qui viennent
du monde Internet, les outsourcers comme EDS, et les distributeurs
de logiciels et de PCs. Mais cette dernière catégorie
concerne moins Enfinity.
Ayant quitté son poste de directeur EMEA des logiciels
e-commerce chez IBM, Jean-Pierre Brulard a rejoint
Intershop depuis quelques mois en tant que directeur général
pour l'Europe du Sud. Depuis 1993, il a notamment exercé
les fonctions de directeur marketing d'Ingres puis directeur
général d'Informix France. Avant de travailler
pour ces deux éditeurs de bases de données,
il était directeur marketing et commercial chez Syseca,
la filiale SSII de Thomson. De 1983 à 1990, il a
occupé divers postes de vente et de management chez
les constructeurs Unisys et Sun.
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