Article
02/07/2001
Pourquoi
les projets Open Source sont supérieurs
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par Alain Lefebvre, vice-président du groupe SQLI (www.sqli.com)
3. Les OSS sont supportés
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Le problème du support technique peut, à lui seul, freiner bien des ardeurs en faveur de logiciels libres. L'opinion générale qui prévaut est qu'il n'y a tout simplement pas de support technique pour ce type de logiciels ! Cette perception est très éloignée de la réalité. InfoWorld a même décerné le prix du meilleur support technique à la communauté Linux en 1998 Les communautés d'utilisateurs et de développeurs qui entourent les OSS sont connues pour être très réactives : lorsqu'un bug est identifié, le correctif associé est mis en ligne dans des délais le plus souvent très courts. Mais les décideurs ne peuvent se contenter de ce type de support, pour efficace qu'il soit, ne serait-ce que pour des conditions psychologiques !
Une
offre commerciale de services
C'est pourquoi, on a vu croître récemment une offre commerciale
de services autour des OSS. Pour commencer, les éditeurs diffusant
Linux offrent également des services de formation, hot line,
etc. En dehors de ce premier cercle assez naturel, on constate
que des sociétés se sont créées pour répondre à la demande
comme LinuxCare aux Etats-Unis. Autour de SendMail ou d'Apache,
des sociétés spécialisées proposent des contrats de support
centrés sur ces logiciels. Ce phénomène n'est pas restreint
aux Etats-Unis : en France, des prestataires spécialisés comme
Alcove proposent des contrats de support offrant un service
de qualité comparable à celui des éditeurs traditionnels.
Encore plus significatif, ce sont des géants comme HP ou IBM
qui offrent désormais le support technique de Linux au niveau
mondial et disponible en permanence (7 jours sur 7, 24 heures
sur 24). Avec une telle diversité de l'offre, la question
du support technique se résume désormais au choix d'une démarche.
4.
Quelle évolution pour les OSS ?
Derrière cette question, on peut sentir toute l'incertitude
(voire même l'inquiétude) que le modèle de développement collaboratif
peut générer dans l'esprit des décideurs ! Elle révèle aussi
l'incompréhension profonde de la motivation des contributeurs
aux projets OSS
Effectivement, si les contributeurs de tel ou tel projet OSS
ne faisaient cela que pour la beauté du geste, il y aurait
de quoi douter de la pérennité du résultat. En fait, la plupart
des développeurs qui contribuent activement à l'évolution
d'Apache, PHP ou Linux sont directement intéressés et bénéficient
de la popularité du logiciel sur lequel ils travaillent "
bénévolement ". Un seul exemple : l'éditeur Red Hat a dédié
une équipe de ses salariés pour participer exclusivement au
développement du noyau Linux.
Red
Hat préserve ses intérêts
En agissant ainsi, Red Hat ne fait pas preuve d'altruisme
mais préserve ses intérêts. En effet, plus le noyau est évolué,
plus Linux se diffusera et plus les produits et services de
Red Hat pourront toucher une clientèle qui ira en s'élargissant
Les sociétés qui font du développement Web et qui ont construit
leurs réputations sur leurs maîtrises d'Apache, PERL ou PHP
agissent de la même façon et pour les mêmes raisons. Les OSS
sont une des illustrations du principe mutualiste où les participants
retirent plus qu'ils n'apportent (l'autre cas célèbre est
l'Internet lui-même).
SendMail,
un exemple de cohabitation mutuellement profitable
Un exemple pour illustrer cet aspect d'entraînement du marché
: le célèbre logiciel de messagerie SendMail (un OSS donc
disponible gratuitement avec son code source) est également
commercialisé dans une version plus "accompagnée" par la société
créée par le développeur (Eric Allman) à l'origine de SendMail.
Cette version (SendMail Pro) n'est pas une divergence de SendMail
qui continue d'évoluer et d'être la base de la version "Pro",
c'est en fait une application d'administration (reposant sur
une interface graphique) de SendMail afin d'en faciliter la
mise en uvre. D'autres exemples illustrent la cohabitation
bénéfique entre développement basé sur un code source ouvert
et commercialisation avec valeur ajoutée.
Un
projet qui reste indépendant de son créateur
Ce qu'il est important de comprendre (dans le cas de SendMail
mais c'est pareil pour tous les autres cas similaires) c'est
que même Eric Allman (le développeur/créateur originel de
SendMail) n'a pu tirer profit de sa création sur le plan commercial
qu'en créant une société en marge du mouvement sans pouvoir
prétendre à aucun moment contrôler, diriger ou réclamer des
droits sur sa création. Au contraire, il est même toujours
de son intérêt de voir la version libre de SendMail se diffuser
largement (et aussi d'évoluer régulièrement) afin d'élargir
le marché de ses additifs
Une autre raison objective milite
en faveur d'une pérennité supérieure des OSS face aux logiciels
commerciaux : comme les OSS ne sont pas (et ne peuvent pas)
être sous le contrôle d'une entité privée ou publique, il
n'y a pas de danger de voir les projets arrêtés pour des raisons
marketing ou politiques. Au contraire, les projets OSS naissent
souvent pour assurer la pérennité d'un logiciel, l'histoire
d'Apache en est une illustration.
Arrêté
pour raisons "politiques"
En revanche, dans la sphère commerciale ce type de coup d'arrêt
est chose courante (par exemple quand Sun décida de faire
passer ses clients de SunOS à Solaris ou quand le même Sun
racheta trois serveurs d'applications -Net Dynamics, Forté
et Netscape ex-Kiva- sans être capable de choisir ensuite,
les tuant finalement tous les trois !) au gré des changements
de stratégies des éditeurs et constructeurs. Les clients sont
très regardants sur la question de la pérennité des produits
sur lesquels ils font reposer leurs développements et on les
comprend ! Or, il est de plus en plus clair qu'il n'y a pas
de pérennité quand les acteurs (éditeurs, constructeurs) s'en
mêlent. Les projets Open Source sont les seuls projets vraiment
pérennes.
Nous
venons de le voir, les logiciels Open Source sont performants,
fiables, supportés et pérennes. Rien que cet ensemble de qualité
devrait suffire à provoquer un mouvement de fond, mais il
y a plus
Les
logiciels Open Source vont faire au paysage du logiciel ce
que le Net a fait au monde des télécoms : une explosion et
une standardisation à une échelle inconnue jusqu'alors. On
peut facilement prédire une explosion de la demande en matière
de logiciels puisque la phase brochureware du Web est déjà
derrière nous et s'entame maintenant la construction du système
de communication. Le besoin en matière de système de collaboration,
de tracking, d'échanges et autres va devenir tout simplement
énorme ! Ce nouvel afflux de demandes coïncide justement avec
une disponibilité large et à moindre coût d'une panoplie complète
de logiciels de qualité couvrant pratiquement tous les secteurs
de base, sans barrière d'accès au niveau budgétaire et sans
contraintes d'utilisation par des licences absurdes...
Le
standard est clé
Mais c'est l'aspect standard qui va favoriser l'adoption
des projets Open Source dans la cadre de la mise en uvre
des grands systèmes de communication. En effet, on imagine
bien que ces systèmes de collaboration, tracking et d'échanges
(et d'autres) vont devoir communiquer entre eux afin d'atteindre
leurs objectifs. Et bien sûr, ceux qui respectent et supportent
les standards les plus ouverts et les plus répandus seront
forcément mieux placés que ceux qui restent dans une logique
"propriétaire et fermée". De plus, toujours pour être pleinement
utiles, ces systèmes devront être largement interfacés avec
l'existant, et, une fois encore, l'ouverture est un atout
déterminant. La construction des systèmes de communication
pour les entreprises va donc entraîner une explosion de la
demande de logiciels mais celle-ci ne va vraiment profiter
qu'aux logiciels standards, soit essentiellement les logiciels
Open Source.
Quels intérêts pour les clients d'adopter ce type de logiciels ? Tout d'abord, on peut constater que les utilisateurs n'ont pas attendu pour profiter de la qualité des logiciels Open Source. Les exemples d'utilisation à grande échelle de Linux, de SendMail, d'Apache, de Samba, de Perl ou de PHP foisonnent dans des organisations réputées pour leurs sérieux comme Sony, Mercedes Benz AG, l'US Navy ou l'US Postal. Tous ces exemples sont des grands classiques de l'utilisation des logiciels Open Source et on retrouve souvent ces noms dans les articles qui commentent le phénomène. Tout récemment encore, on a vu EADS (l'ex-Aerospatiale) adopter OpenCascade comme logiciel de dessin 3D, la compagnie pétrolière Shell commander un cluster sous Linux à IBM , Telia mettre en place un grand serveur d'accès sous Linux ou encore la Direction Générale des Impôts (la DGI en France) généraliser l'usage de serveurs sous Linux.
Pourquoi
un prestataire choisirait-il l'Open Source ?
Les clients ne s'intéressent [avec raison !] qu'aux résultats.
C'est donc au prestataire de services de choisir le type de
logiciel qui lui convient le mieux en fonction du but à atteindre.
Quel peut donc être l'intérêt, pour le prestataire de services,
d'avoir recours aux logiciels Open Source ? Pour tous les
intégrateurs développant pour les clients, il y a une grande
différence entre utiliser une boîte noire (ce que sont en
fait les logiciels propriétaires) et utiliser les projets
Open Source qui sont eux, complètement transparents et ouverts.
Le garant de la bonne fin vis-à-vis des clients, le développeur/intégrateur doit être en mesure de garantir la bonne fin du projet. Cette garantie réside essentiellement dans le niveau de compétence et la maîtrise technique réelle affichée sur telle ou telle solution. Or, cette maîtrise sera toujours plus facile à acquérir sur les logiciels Open Source et toujours plus difficile sur les logiciels propriétaires et fermés. Pour une raison simple : les logiciels propriétaires gardent leurs codes internes inaccessibles et cela restera ainsi. Avec les outils Open Source, la latitude d'intervention des intégrateurs est bien plus grande et aussi, par la même, la capacité d'aboutir avec succès. Sans accès au code source, pas de cercle vertueux découlant de la "très grande exposition" et du peer review. La qualité reste donc, au mieux, limitée et les évolutions, lentes. On se retrouve tributaires de services de support débordés et faiblement compétents des éditeurs, juste capable d'enregistrer nos plaintes et de répondre "Attendez le prochain service pack, cela devrait aller mieux"
"Je
préfère choisir du sûr"
Reconnaissons toutefois qu'acheter la licence d'un logiciel
commercial est rassurant : l'éditeur a des obligations. Le
décideur cherche souvent à se rassurer avec un nom connu et
sa direction générale ne lui reprochera jamais d'acheter de
l'IBM, du Microsoft, de l'Oracle ou du SAP
Que devient cette
"protection" avec les logiciels Open Source ? C'est tout à
fait exact, cet obstacle existe et le réflexe "je préfère
choisir du sûr" est bien présent dans les grandes organisations,
il serait absurde de le nier. Cependant, la croyance dans
les "obligations" de l'éditeur et dans sa capacité à y faire
face est tout à fait illusoire ! La vérité est que l'industrie
des logiciels propriétaires est en crise comme est en crise
l'industrie du PC. Il s'agit d'une crise latente mais qui
va en s'aggravant.
Un symptôme significatif qui indique que le point de rupture est proche : le site Web BugNet (spécialisé dans l'information sur les bugs des logiciels, comme son nom l'indique) a renoncé en 1999 à attribuer son prix annuel de la meilleure correction ! En effet, BugNet estimait alors que la qualité globale des logiciels commerciaux n'a jamais été aussi basse et que les éditeurs sont de plus en plus désinvoltes dans leur façon de traiter le support technique. La situation ne s'est pas améliorée depuis et cela commence à se savoir. Les éditeurs sont de moins en moins considérés comme un "recours" solide. Donc, l'argument du parapluie sera de moins en moins "politiquement correct". Comment justifier, face à une direction générale, d'avoir retenu un produit coûteux s'il n'est pas généralement considéré comme le meilleur de son domaine ? Or, dans le cas des serveurs Web (par exemple), le meilleur, c'est Apache, un projet Open Source ! Idem en matière de proxy, de cache et de multiples autres exemples.
Il est
indispensable pour les clients de pouvoir se tourner vers
un interlocuteur tangible si, par malheur, les choses tournent
mal. Cet interlocuteur existe dans le cadre de l'utilisation
de logiciels Open Source, c'est le prestataire de services
! En effet, c'est l'intégrateur qui assume la responsabilité
de la bonne fin du projet vis-à-vis du client. Ça toujours
été comme cela et cela ne change pas. Ce qui change, c'est
que, désormais et grâce aux logiciels Open Source, l'intégrateur
a bien plus de moyens pour assumer ce rôle. Parions que les
prestataires de services les plus compétents revendiquent
bientôt franchement cette position...
[Alain Lefebvre, vice-président du groupe SQLI]
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