22/03/01
Pierre Pezziardi, Octo Technology:
"Les promesses des éditeurs d'EAI sont
indécentes"
Cabinet de conseil en architecture des systèmes d'information,
Octo Technology
intervient naturellement sur les projets d'intégration b-to-b.
Observateur attentif du petit univers des éditeurs estampillés
"EAI", "AtoA" ou encore "b-to-b", Pierre Pezziardi nous
livre son analyse de la consolidation en cours sur ce marché.
Une consolidation menée au pas de charge comme en témoignent
les récents rachats : Netfish par Iona, Neon par Sybase
ou encore Extricity par Peregrine. L'occasion de se livrer
à un exercice de décryptage plutôt salé
JDNet
Solutions : dans quel contexte s'inscrivent les acquisitions
en cours parmi les éditeurs qui oeuvrent dans le domaine
de l'intégration b-to-b ?
Pierre Pezziardi : Il est clair que la récession
américaine pousse bon nombre d'éditeurs dans leurs derniers
retranchements pour tenir les promesses faites à l'actionnaire.
Et les récentes acquisitions répondent avant tout à ce type
de besoin et non à celui des utilisateurs. Il est assez
surprenant de voir des éditeurs qui viennent du middleware
ou des bases de données se proclamer du jour au lendemain
rois de l'EAI (Enterprise Application Integration). Ces
promesses me semblent parfois indécentes pour au moins deux
raisons. Tout d'abord, intégrer des technologies issues
de différents éditeurs demande du temps. Il y a maintenant
un an que Webmethods a acquis ActiveSoftware, et les deux
gammes de produits ne partagent toujours pas le même référentiel.
La
seconde raison concerne la réalité du terrain. Aujourd'hui,
les utilisateurs ont encore les mains dans des projets de
portails qui consistent à agréger l'information pour la
présenter de manière personnalisée. Peu d'entreprises se
demandent comment mettre en uvre un portail bi-directionnel
assurant un dialogue entre les diverses applications de
l'entreprise. Bref, l'empressement des éditeurs à monter
en puissance sur les problématiques d'EAI me semble disproportionné
au regard de la réalité du besoin. D'autant que sur les
couches hautes de l'EAI, la modélisation des processus notamment,
ces logiciels sont loin d'être mûrs.
En matière d'intégration
b-to-b, c'est un peu la surenchère aux acronymes : EAI,
A to A, IAI
Faut-il y voir des concepts réellement
novateurs ?
Pas vraiment. A l'instar des notions d'intranet
et d'extranet, ces termes ne désignent que des périmètres.
Le A to A, pour Application to Application, couvre
les logiciels destinés à la gestion du dialogue inter-applicatif
dans les murs de l'entreprise tandis que le terme IAI, pour
Internet entreprise Application Integration, renvoie à tous
les logiciels capables d'assumer cette tâche en dehors des
murs de l'entreprise. A terme, il est évident que ces catégories
d'outils fusionneront. En attendant, les utilisateurs qui
sont confrontés à des problèmes d'interfaçage entre applications
doivent prendre quelques précautions. Par exemple, mieux
vaut choisir un outil A to A capable, nativement,
de parler XML. L'évolutivité de la solution en dépend.
Les prix des produits d'EAI
semblent les réserver aux grands comptes. Quelles sont les
voies possibles pour les PME ?
Il est vrai que la majeure partie des offres
d'EAI sont pour l'heure clairement tournées vers les grands
comptes. Pour les PME, un produit comme Biztalk (de Microsoft),
positionné en milieu de gamme, semble adapté. Des kits de
connexion à des places de marché "clé en main" devraient
aussi arriver prochainement. Et puis, n'oublions pas de
surveiller ce qui se passe du côté du logiciel libre qui,
dans ce domaine, devrait nous apporter quelques bons produits.
Enfin, cette polémique sur l'évolution de l'offre ne doit
pas faire oublier l'essentiel : un bon produit ne sert pas
à grand chose s'il ne s'inscrit pas dans une bonne architecture.
D'ailleurs, pour faciliter des projets d'intégration b-to-b,
il est tout à faire possible de prendre quelques mesures
saines avant même d'en venir au choix d'un produit d'EAI.
Justement, quelle est la méthodologie
à suivre ?
Le jeu consiste à abandonner la logique des
flux traités par diverses technologies (transferts de fichiers,
outils d'extraction, middleware divers) au profit d'une
architecture unique, sécurisée et administrable. Toutefois,
il ne faut pas s'imaginer qu'il est possible du jour au
lendemain de disposer d'une architecture dans laquelle les
processus seront superbement modélisés. Des étapes s'imposent
: identifier les principaux processus, les décrire afin
de les centraliser dans un référentiel, normaliser les interfaces
entre les différentes applications, etc. Un vaste chantier
qui demande beaucoup de pragmatisme.
Agé
de 29 ans, Pierre Pezziardi a rejoint Octo Technology
en 1998, où il assure la conduite de projets de conseil
en architecture technique. A ce titre, il conseille notamment
les principales banques françaises, des sociétés de capital
risque ainsi que des grands comptes et dotcoms. Auteur de
plusieurs ouvrages ("Les serveurs d'applications",
ainsi que "Le livre blanc de l'EAI, congrès DNAC 1998"
aux éditions Eyrolles), il a auparavant travaillé
pour la société de conseil Sycomore. Pierre Pezziardi est
diplômé de l'Ecole Centrale de Lyon.
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