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13/04/01

Jean-Michel Planche, Witbe: "Nous avons recréé un backbone de mesures externe"

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Retrouvez ici tous les articles du dossier consacré à la mesure de la performance Web

Née au cours du premier semestre 2000, Witbe s'est rapidement développée en lançant dès le mois de juillet de la même année son service Mywitbe, qui permet aux entreprises de personnaliser la mesure d'audience et de performance de leurs services Internet. D'un positionnement de prestataire, orienté vers la mesure de la qualité de service des sites web, l'entreprise évolue à présent vers une double casquette, à la fois société de services et revendeur de sa technologie en mode ASP (location d'applications en ligne) ou directement installée chez le client. A l'inverse de certains compétiteurs, le prestataire incontournable du secteur développe en effet sa propre technologie de surveillance réseaux. Aujourd'hui, Witbe communique notamment sur de nouvelles offres consacrées à la surveillance de la qualité des messageries Internet et intranet. Dans le cadre de notre dossier sur la mesure de la performance des sites web, son P-D.G. Jean-Michel Planche nous apporte son point de vue sur la question et tente d'ouvrir de nouvelles perspectives.


JDNet Solutions : Comment le besoin s'exprime-t-il en rapport avec la mesure de la performance des sites web ?
Jean-Michel Planche : Sur le plan philosophique, nous pouvons constater plusieurs niveaux de problématiques simplement en nous intéressant au besoin de l'entreprise elle-même. Parfois, celle-ci n'est même pas sûre qu'elle a besoin de ce type de système. Nous constatons souvent que les responsables dans l'entreprise ne savent pas si leur service fonctionne, s'il est performant et s'il est intègre. Or, ce sont vraiment là les trois principaux problèmes qui peuvent survenir.
Donc, d'une part l'entreprise n'est pas forcément consciente. Et, d'autre part, les responsables peuvent imaginer qu'ils disposent déjà des outils en interne. Or, notre position est de dire que tout le monde est touché, aussi bien l'entreprise, que son ISP et son opérateur. Mais traditionnellement, les entreprises appréhendent la mesure en supervisant leur réseau interne.


Face à cette demande un peu confuse, comment l'offre se comporte-t-elle ?
Ce que je viens d'évoquer, c'est à dire la "supervision inside", représente la première génération des acteurs, dont les outils situés à l'intérieur de l'infrastructure regardent si le système fonctionne. Dans ce cadre, il est possible d'obtenir une certaine vision des problèmes lorsque le site est hébergé ailleurs dans un centre, mais s'il est installé en interne, la vision est forcément polluée. Or, la plupart de nos concurrents sont issus de cette approche centrée sur l'obligation de moyens et non de résultats.
Avec la deuxième génération, les acteurs comprennent bien qu'il n'est pas suffisant de surveiller depuis sa propre fenêtre, mais qu'il faut aussi regarder le système depuis l'extérieur, c'est à dire en se mettant à la place des clients. Aujourd'hui, c'est ce que font tous nos concurrents. Qualiope, IPLabel, Keynote... sont tous issus de cette deuxième génération que j'appellerais la "supervision outside". Déjà, c'est un progrès, mais il s'agit seulement de mesurer la disponibilité d'un opérateur par rapport à un site. Et cette mesure reste perturbante, car si le trafic transite par un autre opérateur qui rencontre des problèmes, les mesures ne seront pas capables de le prendre en compte. Il s'agit en fait d'une évolution de la première vers la deuxième génération. Les prestataires qui en sont issus essaient souvent de revendre en mode ASP des solutions qui étaient auparavant de manière générale internalisées dans l'entreprise.


Et dans tout cela, quel est votre positionnement ?
Witbe représente la troisième génération. Notre modèle est la "supervision upside-down". Plutôt que de placer des sondes chez l'opérateur, nous le faisons venir à nous. Le premier intérêt réside dans le fait de disposer moins de serveurs autour de la planète. A Paris, nous avons notre propre plate-forme, et non des serveurs chez chaque opérateur. De fait, notre service coûte moins cher.
Et puis, nous ne pouvons pas mesurer Internet sans en faire partie. Or, tous ceux qui placent leurs machines chez des opérateurs n'en font pas partie, car ils subissent les politiques de routage de ces derniers et n'ont pas la capacité de fournir une information intelligente au client. Par exemple, si une panne survient chez UUnet où sont situées les sondes du prestataire, la question est de savoir si l'internaute pourra se connecter au site de la Fnac. Or, si son fournisseur d'accès est France Télécom, la Fnac sera toujours disponible pour celui-ci, mais peut-être pas pour un autre internaute.


En quoi votre position externe apporte-t-elle plus de pertinence aux mesures ?
Nous avons recréé un backbone de mesures externe avec un numéro AS (Autonomous System), et nous avons trouvé un moyen de recevoir les routes de nos pairs. Par exemple, si France Télécom est en panne, tout le trafic passe par Level 3. Et nous ne pourrions pas nous permettre d'effectuer des mesures si un opérateur était en panne. Donc, soit il s'agit d'une panne franche et nous le diagnostiquons, soit il s'agit d'un problème touchant une partie du réseau Internet et nous passons par un autre endroit. Mais dans tous les cas, il faut que nous soyons au courant. Et c'est pourquoi nous avons mis en place un réseau dit "upside down".


Avez-vous définis des critères standards de qualité de service pour les sites web ?
Pas en terme de chiffres. Lorsqu'un internaute clique sur une bannière, l'annonceur ne veut pas que son site s'affiche en une minute mais plutôt en trois secondes. Et là, la règle des 8 secondes peut s'appliquer. Mais s'il s'agit d'une consultation de son compte sur une banque en ligne, le fait que le temps de réponse soit de 8 ou de 30 seconde lui importe peu. Selon la nature du service, l'internaute sera plus ou moins exigeant sur la vitesse d'affichage de la page.
En revanche, tous sont exigeants sur le fait que le service fonctionne et que la réponse doit être exacte. Là, il s'agit de véritables standards, car personne ne peut accepter qu'un site soit en panne. La performance tient plus de la politique de qualité de service de l'entreprise par rapport à sa cible, à la fois en fonction de ses moyens financiers et de ses ressources en interne. Nous appelons cela la nouvelle démarche de qualité de service en environnement IP. Notre volonté consiste donc à aider l'entreprise à développer cette démarche en ayant les outils qui permettent de traiter les dysfonctionnements. Et s'il faut "amputer le cerveau", nous travaillons avec des spécialistes de la sécurité et du développement. Nous effectuons des préconisations, et nous mettons notre client en relation avec tous les intervenants.


On entend parfois qu'Internet est tellement complexe que tous les problèmes ne peuvent être évités. Qu'en pensez-vous ?
Internet est en effet très sensible aux effets de bord. A un moment donné, tout peut être remis en cause. Il n'y a qu'à voir les pannes de Yahoo ou de Microsoft pour appréhender cette sensibilité aux effets de bord. Par exemple, je peux vous citer une annecdote sur un grand de la place à Paris, qui a vécu une panne de 17 heures que nous avons pu diagnostiquer en 5 minutes. En interne, ils étaient équipés de tous les outils nécessaires, les BMC Patrol, les Micromuse, etc. Leur serveur de noms de domaine était planté à l'extérieur et n'annonçait plus les adresses IP. Mais de l'intérieur, tout semblait fonctionner, sauf que les caches ne marchaient plus. Ils n'avaient aucune solution pour superviser les DNS, et ça, Witbe le fait. Aujourd'hui, si vous ne disposez pas d'un backbone pour appréhender le problème depuis l'extérieur et produire un diagnostic, vous êtes plantés pendant des heures et vous ne comprenez pas pourquoi.


Certains prestataires proposent de mesurer la qualité d'expérience vue de l'internaute en plaçant des sondes directement chez eux...
...et bonjour les effets de bord ! D'abord, si l'internaute est équipé d'un 386 avec modem, comment mesurer avec des machines qui rament ou qui sont éteintes pendant 22 heures ? Ensuite, est-ce qu'une personne équipée d'une liaison ADSL avec un câble pourri va produire des mesures pertinentes ? Franchement, je ne pense pas. Il s'agit d'une fausse bonne idée. C'est intéressant pour s'amuser quand les associations d'usagers du câble mesurent la qualité des réseaux câblés. Mais un vrai professionnel doit pouvoir maîtriser les routes de l'Internet, sans quoi il ne trouvera pas la solution. Celle-ci, qui doit être la moins mauvaise possible, doit aussi être trouvée tout de suite. Et comme Internet se compose de plus de 40 000 réseaux majeurs, et qu'il est impossible de placer des serveurs sur tous ces réseaux, il n'est pas possible d'appréhender la qualité de service avec des outils de bout en bout.


Pouvez-vous nous citer un exemple d'une vue à la fois plus globale et plus détaillée que vous pouvez fournir grâce à votre backbone de mesure ?
A partir du moment où nous travaillons avec notre réseau "upside down", nous pouvons mesurer depuis Witbe quel est le véritable niveau de service. Nous savons, à travers une simulation de liaison par modem classique, comment le site sera vu depuis Free, Wanadoo ou Liberty Surf. Et cela peut rentrer en ligne de compte lorsque, par exemple, l'entreprise trouve étrange que seulement 500 internautes se plaignent.
C'est bien pour cela que notre backbone est aussi bien interconnecté à des liaisons haut débit, qu'au RTC et à Numéris. Nous pouvons simuler des connexions en passant par les uns et les autres. Et je peux comparer comment le site de la Fnac sera vu par les abonnés de Liberty Surf et par ceux de Wanadoo.


Quelles technologies employez-vous pour les mesures ?
Nous sommes 100 % propriétaires de notre technologie. Quand une société se lance dans ce type de prestations, elle commence par chercher des outils du commerce. Mais en général, ceux-ci proposent de nombreuses fonctions dont il n'a pas besoin, et ne proposent pas toutes celles dont il a réellement besoin. Le plus souvent, ils intègrent tellement de fonctions qu'ils ne répondent plus au besoin primaire. Du coup, ces produits sont utilisés par des personnes aux responsabilités précises, et le prestataire développe ses propres robots de mesure. Mais à un moment donné arrive un nouveau protocole, et il n'est pas possible de tout refaire en R&D. Du coup, nous avons dit stop et nous avons préféré développer nos propres outils, qui vont beaucoup moins loin dans les détails qu'un Micromuse, mais beaucoup plus loin dans la pertinence. Nous sommes incapables de vous dire combien de cellules ATM ont été perdus, et nous nous en moquons car il s'agit d'un moyen et pas du résultat. Nous préférons de loin mesurer la qualité perçue par l'utilisateur.
Nous avons donc développé notre propre protocole de mesure pour la qualité du réseau. La plupart de nos concurrents utilisent des "ping", mais en général, les routeurs sont configurés pour ne pas traiter ceux-ci en priorité. Le protocole Witbe, quant à lui, permet d'appréhender TCP, UDP et ICMP, et de dire ensuite d'où provient la panne, s'il s'agit d'un problème applicatif, de routage, ou autre.


Que mesurez-vous ?
Côté applicatif, nous mesurons la performance, la disponibilité et l'intégrité en utilisant des protocoles existants. Il existe trois niveaux de protocoles et l'ultime est le niveau applicatif. Nous pouvons mesurer si l'interaction avec la base de données au travers des pages dynamiques fonctionne correctement. Car si un problème survient plus bas dans les couches, la cause provient peut-être de la base de données. Nous mesurons donc HTTP, et aussi DNS, car si une opération est récurrente, elle crée un temps de retard qui ne sera pas vu de l'intérieur, mais qui sera perçu par l'internaute. La liste des protocoles auxquels nous avons recours comprend SMTP, POP-3, DNS, HTTP et HTTPS. Pour les protocoles à venir, nous travaillons sur le broadband. Et nous allons bientôt annoncer que nous pouvons mesurer la qualité du streaming.


En dehors de votre activité de services, vendez-vous aussi vos applications ?
Notre technologie est mise en oeuvre sur de grands intranets - qui sont comme le backbone pour une entreprise - et chez des opérateurs. Lorsqu'ils achètent la technologie, nous leur montons leur propre Witbe. Ensuite, ils disposent d'une base de données type Oracle et de logiciels de planification, ainsi que de toute la mécanique en interne. Nous sommes ainsi présents sur l'un des plus grands réseaux intranets de France. Dans ce cadre, nous proposons 3 mois d'essai gratuit, et au delà l'entreprise décide d'adopter ou non. Et si nous intervenons maintenant de cette façon, c'est parce que nous sommes tirés par la demande.


Vous représentez la troisième génération. Quelle sera la quatrième ?
Nous devrions la retrouver dans la notion de peer-to-peer avec des sondes chez les internautes. Mais cela n'amènera rien de plus. L'utilisateur verra par exemple qu'il n'est pas visible en Alaska septentrional.


Juste avant de fonder Witbe
l'année dernière, Jean-Michel Planche a également créé début 2000 le fonds d'accompagnement de start-ups Tancred Venture, qui a notamment financé à 100 % son projet de société spécialisée dans la mesure de la perfomance des sites web. En 1989, il lance la SSII Apysoft spécialisée en ingénierie des sous-systèmes ouverts, et signe un an plus tard un partenariat avec l'Américain NeXT Computer visant à intégrer la technologie Internet. Sur cette base, il ouvre en 1991 une division baptisée Oléane consacrée au développement d'offres IP destinées aux entreprises. Devenue indépendante en 1993, la société le restera jusqu'en 1998, année de son rachat par France Télécom. A cette occasion, Jean-Michel Planche est nommé directeur de la branche Internet Entreprises de l'opérateur historique français. Aujourd'hui, avec Tancred Ventures, il participe entre autres au financement de sociétés comme Algety Télécom et Netcentrex.


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