16/10/01
Dixit
Datamonitor, les places de marché publiques ont encore
de beaux jours devant elles
Le
cabinet d'études américain Datamonitor
vient de réaliser une étude qui
fait le point sur l'état actuel des places de
marchés publiques et tente d'analyser les causes
d'insuccès de ces dernières. Intitulée
"La
faillite des places de marchés publiques a-t-elle
été exagérée ?", cette
analyse n'hésite pas à faire quelques
pronostics intéressants, qui vont parfois à
contre-courant des évidences admises...
Un
marché fructueux... pour celles qui survivront
Premier
constat chiffré : sur 134 places de marchés
publiques européennes observées qui etaient
opérationnelles en 2000, 64% sont toujours en
activité, 4% ont temporairement cessé
leur activité et 32% ont définitivement
mis la clef sous la porte. Encore faut-il savoir si
l'on doit considérer le verre vide ou le verre
plein... La structuration du marché ne donne
pas vraiment d'indications à ce niveau : les
1 350 places de marchés publiques aujourd'hui
présentes dans le monde devraient être
environ 1 100 en 2005 (contre 1 300 privées
à la même date). En revanche, le volume
d'affaires traité à nombre de places de
marché publiques presque constant devrait croître
dans des proportions conséquentes : il passera
en effet, prévoit Datamonitor pour les places
de marché publiques, de 70 milliards de dollars
en 2001 à 750 milliards de dollars pour 2005
(contre 12 milliards en 2001 et 650 milliards en 2005
pour leurs homologues privées). De belles perspectives
donc à moyen terme dans un environnement concurrentiel
à peu près stable, sous réserve
toutefois que les places de marché publiques
tirent les leçons de leur échecs passés.
Cinq
erreurs à ne plus commettre
Datamonitor
liste en cinq points majeurs les causes de fragilité
des places de marché publiques. Nous avons interrogé
Patrick Navarro, directeur général de
Commerce
One France pour avoir son sentiment sur chacun de
ces éléments, à la fois en tant
qu'éditeur de logiciels pour les places de marché
et en tant qu'acteur du débat à part entière,
disposant de sa propre place de marché baptiseé
Commerce One.net.
Premier
facteur pointé par Datamonitor, le modèle
de tarification des places de marché à
la transaction opérée par leur intermédiaire,
qui a refroidi les plus enthousiastes des fournisseurs.
"Il est vrai que cette politique n'a pas contribué
à créer le climat de confiance nécessaire
qu'il aurait fallu instaurer au préalable avec
les fournisseurs", reconnaît M. Navarro.
Résultat : de plus en plus de places de marché
proposent un ticket d'entrée assez lourd pour
mettre en ligne le catalogue des fournisseurs qui veulent
apparaître au référencement.
Second
point : le manque de services à valeur ajoutée,
et notamment de services de CRM ou de SCM (Supply Chain
Management), qui lorqu'ils ont été intégrés
ont engendré un surcoût mal compris par
les clients. En amont (services de financement) comme
en aval (livraison), il est vrai que les places de marché
auraient pu être plus imaginatives. "Là
où la plupart des places de marché se
plaçaient dans une problématique d'achat
il y a encore 2 ou 3 ans, elles commencent à
envisager le problème par l'autre bout, et à
se concevoir comme des espaces de ventes", ajoute
Patrick Navarro. Livraisons améliorées,
opérations coup de point sur des stocks à
écouler, etc., tout reste à penser et
à réaliser de ce côté-là.
Troisième point, et non des moindres, ce que
Datamonitor nomme le "facteur confiance",
qui dans le cas d'une place de marché publique
s'avère à double tranchant... En effet,
quel fournisseur peut se permettre d'étaler sur
la place publique ses tarifs privés sans savoir
avec certitude qui va y avoir accès ? Quelle
entreprise va dévoiler ses besoins et son carnet
de commandes sans être certaine que ses concurrents
ne vont pas en tirer avantage ? Là encore, la
réponse de Commerce One est l'évangélisation.
"Il faut expliquer aux entreprises les garanties
qu'on leur offre avant de les contractualiser".
Internet ne dispenserait donc pas les places de marché
de fournir des explications à leurs clients hors
de l'agument central des économies qu'elles ne
sauraient manquer de réaliser ?
Quatrième facteur, le manque d'intégration
entre les systèmes d'information des partenaires.
Faux problème selon le directeur général
de Commerce One : "Le problème fondamental
est celui de l'accompagnement des entreprises qui souhaitent
franchir le pas. Techniquement, les solutions d'EAI
sont nombreuses, et certaines places comme celle de
Schlumberger en utilisent déjà",
fait-il remarquer. Soit. Encore qu'il s'agisse en l'espèce
d'une place de marché privée et que les
investissements acceptables par une société
au nom de ses propres intérêts ne correspondent
pas forcément à ceux que l'on peut consentir
en tant que société indépendante.
Surtout lorsqu'il faut fédérer un maximum
de partenaires aux SI hétérogènes,
sur lesquels on n'est pas en position de force...
Dernier
frein : l'absence de segmentation opérée
par les places de marché publiques, qui à
vouloir trop embrasser ont finalement mal étreint.
A l'inverse des places de marché privées
qui par définition connaissent parfaitement la
chaîne de valeur et les acteurs de leur secteur
d'activité, les places publiques doivent faire
des choix dans un marché potentiellement infini,
et se positionner là où elles peuvent
réellement créer de la valeur. "Certaines
comme Answork ou Hubwoo ont fait un pas en ce sens,
la première en s'adressant au marché des
PME/PMI, la seconde en se dirigeant vers les grands
comptes", explique M.Navarro.
On le voit, si sur le papier les prévisions se
veulent rassurantes, dans les faits de nombreux facteurs
d'incertitude demeurent pour les places de marché
publiques. D'ailleurs, lorsque l'on demande à
Patrick Navarro qui sont aujourd'hui les clients de
Commerce One France, la réponse est révélatrice
: deux places de marché publiques (Answork et
Constructeo) pour cinq privées (Schlumberger,
Valeo, Air Liquide, Renault et Peugeot).
A
lire aussi notre question-réponse
sur les places de marché.
Egalement,
l'étude
du cabinet Ovum de mai dernier sur les places de
marché BtB.
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