30/10/01
Comment
AXSMarine a conçu toute sa place de marché en PHP
En janvier 2000, le courtier
d'affrètement maritime Barry
Rogliano Salles (BRS, premier rang français
et cinquième mondial) rencontre Fabrice Demichel,
qui travaillait alors sur des produits dérivés
de ce secteur et totalisait 6 ans d'expérience
des marchés financiers après avoir été
trader au sein de la banque anglaise Natwest. Suite
à ce premier contact, l'idée leur vient
de lancer une place de marché dédiée
aux acteurs du fret maritime. Et c'est ainsi qu'en juin
de la même année naît la société
AXSMarine,
dont l'objectif premier est de devenir à terme
l'opérateur de la place de marché du même
nom. Au final, celle-ci ne sera mise en ligne officiellement
qu'en mai 2001 dans sa première version, un mois
après une levée de fonds qui fait entrer
dans son capital le fonds français d'investissement
Siparex, ING et le Crédit Agricole Indocam.
Sur une trentaine d'utilisateurs en totalité
après moins de six mois d'existence, AXSMarine
compte un tiers de courtiers, un tiers d'armateurs et
le dernier tiers d'affréteurs. Chez les deux
dernières catégories d'acteurs, une forte
propension se manifeste à échanger les
casquettes selon les négociations en cours. Parmi
les sociétés présentes figurent
de grands noms tels que les industriels Péchiney
et RAG (allemand), les armateurs Louis Dreyfus, Enron,
ABC (anglais) et IBC (italien), le trader de grain allemand
TopFer et les courtiers Fearnleys (norvégien),
FEM (espagnol) sans oublier l'actionnaire principal
BRS.
Le différenciateur:
l'information à forte valeur ajoutée
|
Fabrice
Demichel
Président-directeur
général d'AXSMarine
|
Aujourd'hui la place de
marché propose trois grandes fonctions: Market
Intelligence mise en ligne dès le départ
et passée en mode payant quelques mois après
sous forme d'abonnements entre 1 000 et 3 000 dollars,
la plate-forme de transaction en tant que telle qui
n'a vu le jour qu'au 1er août 2001, et la partie
back-office d'analyse financière des opérations.
"A l'avenir, nous avons prévu de charger
des commissions sur les affaires réalisées",
déclare Fabrice Demichel, le pdg d'AXSMarine.
"Le marché global du frêt se monte
à 100 milliards de dollars par an. Un affrêtement
moyen tourne autour de 500 000 dollars, et
la commission que nous avons prévu de charger
sera de 1 %."
Mais de ces trois
modules, c'est avant tout le premier qui constitue l'élément
différenciateur vis-à-vis de concurrents
comme LevelSeas, en combinant l'information ciblée
à forte valeur ajoutée avec des fonctions
d'organisation, de tri et de messagerie collaborative.
"Aujourd'hui, l'information existe mais elle est
diffuse", explique Fabrice Demichel. "Il faut
consulter un livre pour obtenir des informations sur
le port de départ, et une deuxième source
pour connaître la distance avec le port d'arrivée.
Ensuite, il faut appeler le courtier pour avoir les
frais de stationnement dans ces ports, et attaquer une
base de données sur les navires (longueur et
largeur, tirant d'eau/profondeur jusqu'au bas de la
coque, capacités de cargaison...). Enfin, il
faut obtenir les frais de livraison et le prix des carburants
par d'autres sources d'informations."
Ici, chacun échange des informations publiques
et privées avec les partenaires de son choix.
L'environnement, qui propose aussi des outils pour effectuer
des calculs sur ces données, a pour vocation
de remplacer les systèmes mis en place en interne
par les participants. Bilan de l'opération: de
30 à 40 % de gains de productivité
selon des études réalisées par
certains clients de AXSMarine.
La
totalité des composants développée
en PHP
Pour parvenir à
ce niveau fonctionnel, il aura fallu un peu plus de
six mois consacrés aux développements
et aux tests avant production. A partir de novembre
2000, 3-4, puis 5-6 développeurs élaborent
toute la place de marché à l'aide du langage
de scripts serveur PHP. "Lors de la phase de consultation,
tous les intégrateurs que nous avons rencontrés
nous ont dit qu'il n'était pas possible de nous
appuyer sur PHP pour réaliser ce que nous voulions
faire, et nous ont produit des devis exceptionnels",
témoigne le directeur technique d'AXSMarine Olivier
Vigneron, ancien responsable du système d'information
de BRS pendant 18 mois.
"Nous pensions au début avoir recours à
un serveur d'applications, mais finalement nous n'en
avons pas installé. Nous avons réalisé
des prototypes pour voir ce qui était faisable
ou non, et nous nous sommes basés dessus pour
effectuer notre choix. Or, PHP nous a permis des temps
de réaction très rapides. Cela ressemble
à du C pour la syntaxe, mais pas du C++. Il est
plus facile de trouver des bons programmeurs que pour
Java. Or, ce sont des raisons économiques qui
nous ont fait étudier ce langage de scripts orienté
objet. Nous avons regardé du côté
d'ASP, mais nous avons eu peur d'être coincés
par un module propriétaire que nous voulions
contourner, car c'est du coût caché."
Afin d'exporter les données vers les systèmes
back-office des participants, l'autre langage utilisé
est XML avec XSLT qui transforme les données.
Là aussi, l'on retrouve PHP. Dans certains développements
d'API spécifiques dont SAP, mais aussi par un
connecteur à XML fourni en standard avec PHP.
"L'un des avantages d'utiliser du libre est le
support de la communauté", complète
Olivier Vigneron. Une visite du web indexé par
php.net
donne une idée
des ressources logicielles disponibles gratuitement.
D'autre part, continue-t-il, "les détracteurs
disent qu'il n'y a pas de support, mais il est permanent
de la part de la communauté. Chez les gros éditeurs,
il faut souvent des tickets pour la hotline, et celle-ci
ne fonctionne pas toujours en 24/7."
Colt
Telecom élu hébergeur au bout de quatre
mois
En septembre 2000,
aussi, a au lieu un appel d'offres pour déterminer
quel hébergeur serait en charge de la plate-forme.
Celle-ci se compose de serveurs Linux Debian avec deux
frontaux web Apache entre lesquels la charge est répartie,
et deux serveurs de données MySQL (un en maître
et l'autre en esclave pour assurer la répartition
de charges en lecture). A côté, un serveur
IMAP s'occupe de la messagerie et se réplique
sur le serveur esclave, qui sert aussi de console d'administration.
Les deux frontaux web se situent en zone démilitarisée
entre 2 rangées de pare-feux.
Toute l'architecture est dont hébergée
chez Colt Telecom, et il aura fallu entre 4 et
5 mois à AXSMarine pour se décider.
"Ce sont des professionnels qui ne font pas n'importe
quoi", affirme Olivier Vigneron. "Lorsqu'ils
nous garantissent de la bande passante dédiée,
elle est vraiment dédiée. Au départ,
nous voulions un centre en France chez un prestataire
qui dispose de son propre réseau, donc nous avons
éliminé tous les autres."
"Les contrats des hébergeurs sont très
épais et il y a à boire et à manger.
Nous les avons fait revoir par des experts, notamment
en sécurité. Colt a répondu au
questionnaire sans trop déborder du côté
commercial. Parmi les autres, l'un d'eux nous proposait
du mutualisé alors que nous voulions du dédié.
Après, certains n'avaient pas de guichet unique
et sous-traitaient des opérations comme la maintenance
au jour le jour. Cela ne pose pas de problème
quand tout fonctionne, mais si quelque chose tombe en
panne, cela conduit à des réunions sans
fin pour déterminer le domaine de compétence.
Si c'est pas moi c'est l'autre parce que c'est sa baie,
ou ce sont ses tuyaux. Et le jour où cela ne
marche pas, nous n'avons pas de temps à perdre
avec ces discussions."
AXSMarine
évite les écueils, et prévoit sa
réplication
Au total, l'opérateur
de la place de marché aura dépensé
près de 1,5 million d'euros sur les développements,
qui constituent environ 80 % du budget technique.
Passé en mode payant, AXSMarine espère
maintenant atteindre le seuil de rentabilité
vers la fin du premier trimestre 2002. A la fin de l'année
2001, l'attente se porte sur un nombre de 70 abonnés.
Et le bilan de la mise en oeuvre de la plate-forme s'avère
plutôt positif, puisque d'après AXSMarine,
aucune difficulté n'a été rencontrée.
A partir de maintenant, la société étudie
donc la possibilité de répliquer son modèle
sur d'autres marchés, avec de nouveaux sites.
D'un point de vue "business", il semble aussi
que de nombreux écueils aient été
évités. Ainsi, la place ne marché
n'a pas trop tardé avant de facturer ses services.
"Depuis que nous sommes payants, les participants
utilisent plus le système que lorsque nous étions
gratuits", renchérit Fabrice Demichel. D'autre
part, la concurrence entre les participants ne paraît
pas les inciter à s'observer sans agir. "Les
meilleurs ennemis sont autour de cette table, analyse-t-il,
mais pour chaque type d'information, nous avons mis
en place une certaine flexibilité" pour
personnaliser la diffusion.
Enfin, à la question "êtes-vous concurrents
des courtiers ?", le pdg répond "oui,
mais les courtiers qui disparaîssent sont ceux
qui le méritent." Comme le marché
du trading en frêt maritime est un monde où
chacun se connaît, celui qui en dit trop se fait
rapidement évincer. "Nous étions
une vingtaine de sites l'an dernier et nous ne sommes
plus que trois", conclut Fabrice Demichel. "Tous
ceux qui se sont basés uniquement sur le modèle
transactionnel ont fait faillite. [...] Comme nous sommes
arrivés sur le tard à la mi-2000, nous
avons aussi profité de l'expérience des
autres places de marché."
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