Sécurité
Quand les virus choisissent leurs cibles
Nimda anti-américain et Sircam anti-européen ? Vers et virus tiennent-ils compte d'éléments "géo-techniques" pour mieux se propager ? Tour d'horizon des dernières tendances. (Jeudi 21 mars 2002)
     
Au sommaire de notre dossier Virus

Nos amis sportifs diraient qu'il n'y a pas photo. Le simple fait de comparer les infections par continents sur la carte temps réel fournie par Trend Micro sur son site antivirus.com donne des disparités étonnantes côté infections d'un point de vue géographique. En Amérique du Nord, certaines versions de Nimda arrivent largement en tête devant le continent européen. Sur les 30 derniers jours, on compte près de 242 000 infections par Nimda.A-O dans le monde, dont 192 000 outre-Atlantique soit environ 80 % du total. Sur les dernières 24 heures mercredi 20 mars à la mi-journée, ce taux passe à plus de 90 % concernant Nimda.A, soit 16 400 infections nord-américaines sur 17 900 autour de la planète. Au niveau européen, aucune des dix premières menaces n'est liée globalement dans le même laps de temps à quelque variante de Nimda que ce soit.

En revanche, le ver Sircam paraît nettement plus attaché au Vieux Continent. Sur le même site, la fiche statistique le concernant fait état d'un peu plus de 650 000 infections rapportées en Europe depuis son apparition le 18/07/2001.
Ce nombre vaut pour plus de 75 % des cas sur le plan mondial. Les Etats-Unis, le Canada et le Mexique ne totalisent ensemble qu'environ 33 000 infections, soit 4 % du total. Sans rentrer dans les détails de tous les pays, une telle différence d'un côté comme de l'autre de l'Atlantique ne manque pas de soulever des questions. Outre les aspects techniques sur lesquels nous allons revenir, il semble important de rappeler l'impact que peuvent avoir les différences culturelles sur la propagation de certains vers et virus.

Ainsi, pour en revenir à Sircam, le Portugal compte pour la moitié des infections européennes depuis le début. La France, quant à elle, ne figure pas parmi les 10 pays les plus touchés. Le fait que le message apparaîssant à l'arrivée de ce code malicieux existe aussi bien en anglais qu'en espagnol n'y est probablement pas pour rien. Le niveau de sensibilisation offert par les médias portugais à l'égard de leurs concitoyens quant à l'ouverture des pièces jointes peut-être pas non plus. Remarquons aussi que le Portugal a connu une très forte croissance ces dernières années qui a stimulé l'équipement en informatique. Dans le cadre de cette expansion rapide, la sécurité des systèmes pourrait ne pas avoir été la principale des priorités.

De la sélection d'adresses IP au langage du système
Les deux exemples choisis, Nimda et Sircam, ont été sans conteste deux des principales menaces virales en 2001.
Attention : les différences de propagation entre continents sont illustrées plus haut par les statistiques d'un seul fournisseur, et la comparaison doit tenir compte de la pénétration de Trend Micro sur ces différents marchés. Malgré tout, et pour en venir enfin aux aspects techniques, plusieurs vers et virus sont programmés pour cibler localement certaines régions, communautés de langues ou parties du réseau plutôt que d'autres.

Parfois il s'agit de sélection des adresses IP attaquées, comme dans le cas de Nimda (lire notre article "Les 12 travaux d'Hercule pour enrayer Nimda"). Ici, difficile de dire si le ciblage va au delà d'un choix de saturation de la bande passante : le simple fait qu'un réseau soit mieux sécurisé fait que la propagation s'arrête à son niveau mais se poursuit sur un autre réseau. Autrement, un ver peut très bien choisir d'infecter préférentiellement un ordinateur selon le langage défini par défaut dans le système d'exploitation. Tel a été le cas de CodeRed l'été dernier, qui s'attaquait aux PC dont la langue de l'OS était l'anglais.

FBound.c / Zircon.c mise sur l'exception japonaise
Et maintenant, un nouveau code malicieux découvert la semaine dernière, baptisé FBound par la plupart des éditeurs d'anti-virus et Zircon par Kaspersky/AVP, use d'une toute autre technique. Il traduit l'objet du message en fonction de l'extension du site auquel l'adresse e-mail cible est rattachée. A priori, cette fonction apparaît restreinte au Japon. En clair, l'objet du message choisi parmi 17 possibles sera traduit en japonais s'il est envoyé à une adresse e-mail se terminant par .jp.

Actuellement, c'est surtout la variante FBound.c qui se propage à grande vitesse, classée dans les 10 plus grandes menaces virales du moment par plusieurs éditeurs (dont Trend Micro et MessageLabs). Comme l'on pourrait s'en douter, le Japon est le pays le plus touché. En sa qualité de "mass mailer", le ver récolte les e-mails dans le carnet d'adresses de Windows, et exploite ensuite son propre moteur SMTP pour s'y auto-expédier. Pour cela, il faut déjà que l'utilisateur ait cliqué sur la pièce jointe Patch.exe. Apparemment non résident sur le poste infecté, il disparaît en cas de redémarrage. Par ailleurs, les experts anti-virus n'auraient remarqué aucune action dangereuse de sa part, sauf sa capacité à saturer certaines passerelles de messagerie.

Parallèlement à ce ver et à sa technique un peu spéciale, un autre code malicieux a récemment fait son apparition en se faisant passer pour une alerte de sécurité de Microsoft doublée d'un faux correctif. Un procédé d'ingénierie sociale qui n'a visiblement pas autant fait recette, puisqu'apparu 8 jours avant FBound.c, Gibe.a est loin d'avoir connu un tel "succès" dans sa propagation (respectivement 3 500 contre un peu plus de 20 témoignages d'infection). Notons au passage que, pour la plupart des experts anti-virus, la principale menace réside encore dans l'exploitation de failles de sécurité pour éviter toute intervention humaine. Une spécialité de Nimda ou Badtrans.B, par exemple, qui ont ponctué l'actualité virale de la fin 2001.

Les moyens à la disposition des auteurs de codes malicieux ne cessent donc de se diversifier. Procédés de ciblage "géo-techniques", exploitation de failles, ingénierie sociale, nouveaux langages de script (Flash), chiffrement, polymorphisme... composent un cocktail particulièrement détonnant. Et demain ? Encore du fil à retordre pour les éditeurs de produits anti-virus.

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[François Morel, JDNet]
 
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