La loi prévoit dans certains cas, par exception au monopole
de l'auteur, la possibilité pour l'utilisateur d'accéder
aux codes source du logiciel sans l'autorisation de
l'auteur. Celui-ci doit donc encadrer strictement
et organiser, par le contrat, cette atteinte à ses
droits.
L'auteur d'un logiciel jouit sur celui-ci,
du seul fait de sa création, d'un droit de propriété
exclusif et opposable à tous (article L. 111-1 du Code
de la Propriété Intellectuelle ou CPI). Pour en retirer
un bénéfice commercial, l'auteur choisit souvent de
concéder à des clients tout ou partie de ses droits,
au premier rang desquels celui d'utiliser le logiciel.
Aussi, le Code de la propriété intellectuelle précise
que tous les actes que l'auteur n'aura pas autorisés
par contrat seront strictement interdits (article L.
131-3 CPI).
Pourtant, l'utilisation
du programme contraint fréquemment le client à devoir
l'adapter ou le modifier en fonction de ses besoins,
en corriger certaines erreurs ou le rendre interopérable
avec d'autres logiciels. Il lui faut alors accéder aux
codes source, langage de programmation seul compréhensible
par le développeur, bien qu'il n'y soit pas nécessairement
autorisé par le contrat de licence.
En considération de
cette difficulté, l'article L. 122-6-1 CPI (transposant
la Directive européenne du 14 mai 1991) prévoit dans
certains cas, par exception au monopole de l'auteur,
la possibilité pour l'utilisateur d'accéder aux codes
source du logiciel sans l'autorisation de l'auteur (A/).
Il convient par conséquent pour l'auteur d'encadrer
strictement et d'organiser, par le contrat, cette atteinte
à ses droits (B/).
A.
L'utilisateur peut accomplir certains actes sans l'autorisation
de l'auteur
L'article L. 122-6-1
CPI autorise l'utilisateur à accomplir deux types d'actes
: ceux permettant une utilisation du logiciel conforme
à sa destination (1°) et ceux visant à " décompiler
" le logiciel à des fins d'interopérabilité avec d'autres
logiciels (2°).
1°. L'utilisateur
peut accomplir des actes permettant une utilisation
du logiciel "conforme à sa destination"
L'article L. 122-6-1 CPI dispose que les actes de reproduction,
traduction, adaptation ou arrangement d'un logiciel
"ne sont pas soumis à l'autorisation de l'auteur lorsqu'ils
sont nécessaires pour permettre l'utilisation du logiciel,
conformément à sa destination, par la personne ayant
le droit de l'utiliser, y compris pour corriger des
erreurs". Faute de définition légale de la notion de
"destination", la doctrine précise que le logiciel est
conforme à sa destination lorsqu'il est capable de traiter
les informations en vertu des "fonctionnalités voulues"
par l'auteur et programmées comme telles. Mais cette
définition demeure relativement vague et, sauf pour
corriger les erreurs, hypothèse explicitement prévue
par la loi, il est malaisé de déterminer dans quels
cas l'utilisateur peut intervenir sur le logiciel.
En particulier, il
convient de se demander si l'article L. 122-6-21 CPI
permet à l'utilisateur de faire évoluer le logiciel.
La doctrine le suggère en indiquant que, par "droit
d'adaptation", la loi réserve à l'utilisateur la faculté
de faire évoluer le logiciel. Ainsi, l'on peut considérer
que l'utilisateur peut notamment faire évoluer le logiciel
pour l'adapter à la réglementation administrative ou
fiscale (par ex. en cas de changement du taux de TVA
ou de l'impôt). Il est toutefois certain que le droit
de faire évoluer le logiciel ne saurait en aucun cas
permettre à l'utilisateur d'ajouter au logiciel de nouvelles
fonctionnalités. De tels ajouts peuvent entraîner, juridiquement,
la création d'une uvre dérivée, synonyme, en l'absence
d'autorisation de l'auteur
de contrefaçon (Versailles,
7 octobre 1999, Bakary-Gando c/ SA Fiat Auto France).
2°. L'utilisateur
peut décompiler le logiciel à des fins d'interopérabilité
avec d'autres logiciels
La décompilation est l'opération qui consiste à passer
du code objet, seul compréhensible par la machine, au
code source qui peut être lu par tout programmeur. En
principe soumise à l'autorisation de l'auteur du logiciel,
la décompilation peut être réalisée sans cette autorisation
lorsqu'elle est nécessaire pour permettre au logiciel
"d'échanger des informations et d'utiliser mutuellement
ces informations" avec un ou plusieurs autres logiciels
(définition de l' "interopérabilité" retenue par la
Directive de 1991).
Bien que le droit de
décompilation soit d'ordre public, il est enfermé, en
raison des risques que l'opération présente pour l'auteur,
dans des conditions strictes. Il suppose d'abord que
les informations nécessaires ne soient pas facilement
accessibles par une autre voie. Il ne peut ensuite être
exercé que par l'utilisateur lui-même ou une personne
dûment autorisée par lui. Enfin, il doit se limiter
strictement aux parties du logiciel nécessaires à son
interopérabilité et les informations obtenues ne doivent
pas être utilisées à d'autres fins que la réalisation
de l'interopérabilité. Toutefois, malgré l'encadrement
du droit d'accès aux codes source par l'utilisateur,
l'aménagement du contrat de licence reste à bien des
égards la meilleure garantie de ses droits pour l'auteur.
B.
L'encadrement des droits de l'utilisateur par le contrat
Le contrat peut notamment permettre de circonscrire
la notion de "destination" du logiciel, qui limite les
droits de l'utilisateur (1°) et prévoir que l'auteur
se réserve la maintenance corrective (2°). Il peut également
organiser la remise des codes source par l'auteur ainsi
que les modalités d'accès à ces codes (3°).
1°. Le contrat sert
de référent à la notion de "destination"
L'utilisateur ne peut accomplir, sans l'autorisation
de l'auteur, que les actes permettant une utilisation
conforme à la destination du logiciel. La jurisprudence
a eu l'occasion de préciser que cette destination est
essentiellement définie par les documents contractuels.
Ainsi, la Cour de cassation a refusé de considérer comme
faisant partie de la destination d'un logiciel des fonctionnalités
décrites dans un document émanant du prestataire informatique
au motif que ce document n'avait pas de valeur contractuelle
(Cass. com. 10 octobre 1989, Thepault c/ SMO). Il convient
donc pour le client non seulement de définir ses besoins,
mais également de lister très exactement les documents
précisant les fonctionnalités souhaitées (cahier des
charges ; documentation associée ; proposition commerciale
).
2°. L'auteur peut
se réserver par contrat la maintenance corrective
L'article L. 122-6-1 CPI prévoit que l'auteur peut se
réserver expressément le droit de corriger les erreurs.
Compte tenu des enjeux financiers liés à la maintenance
corrective et de sa volonté de n'autoriser personne
d'autre que lui à accéder aux codes source, l'auteur
fera le plus souvent valoir la possibilité qui lui est
offerte par le texte de loi de conserver le monopole
de la maintenance. La rédaction du contrat devra cependant
ne laisser aucune ambiguité quant aux droits que se
sera réservé l'auteur.
3° La remise des
codes source et les modalités d'accès peuvent être prévues
Confronté aux risques d'atteinte à ses droits sur sa
création, l'auteur pourra aménager les modalités d'accès
aux codes source. Ainsi, les codes pourront être remis
directement par l'auteur à l'utilisateur, mais il pourront
aussi être conservés chez un tiers séquestre (par ex.
l'APP). Il ne sera pas non plus inutile de mettre à
la charge de l'utilisateur une obligation d'information
de l'auteur dans l'hypothèse où il souhaiterait accéder
aux codes source, obligation dissuasive pour l'utilisateur
et permettant un contrôle de ses actes par l'auteur.
La sanction de cette obligation d'information devra
également être prévue.
Si l'auteur jouit en
principe sur son uvre d'un droit de propriété exclusif,
force est donc de constater que la loi prévoit certaines
atteintes à ce monopole. Seule la rédaction du contrat
de licence permet alors à l'auteur d'encadrer les atteintes
à ses droits. Dans cette optique, certaines clauses
devront retenir tout particulièrement l'attention des
parties, notamment la définition du logiciel, la liste
et l'étendue des droits concédés, l'exclusivité ou non
de l'auteur sur la maintenance, ou encore les cas de
remise des codes source ainsi que les modalités de l'accès
à ces codes.
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