Trois millions d'euros
pour une entreprise française qui s'attaque à
un marché mondial naissant. C'est la levée
de fonds en forme de tour de force qu'a réussi
GridXpert. L'entreprise a été prise sous son aile par
un groupe de quatre investisseurs prestigieux : AGF
Private Equity, ETF Group, le DCIJE du groupe Caisse
des Dépôts et surtout Innovacom. Ensemble, ils détiennent
2/3 du capital de GridXpert, contre 1/3 pour les trois
membres fondateurs. Un signe de bonne augure pour une
entreprise qui espère être rentable sous trois ans.
Pour l'instant, l'équipe
de six personnes qui compose GridXpert se retrouve face
à un objectif audacieux. L'entreprise va désormais
se frotter à des grands noms de l'informatique
tels qu'IBM, HP et Sun sur le marché des 'grilles'
- qui permettent de mutualiser les ressources d'un parc
d'ordinateurs. Ces derniers disposent pour la plupart
déjà de produits
basés sur les technologies de grille. Mais les
solutions qu'ils proposent ne sont pas encore tout à
fait mûres, si l'on en croit Bruno Emsellem, Directeur
Technique chez GridXpert.
Pour mémoire,
une grille est un ensemble d'ordinateurs dépourvu
de serveur central capable de regrouper ses ressources
inemployées - puissance de calcul et stockage -
pour les redistribuer à un ou plusieurs bénéficiaires.
Il n'existe pas de centre, mais comme l'affirme Bruno
Emsellem, "dans l'idéal le tout ressemble
beaucoup à un
système
d'exploitation : chaque machine reliée
à la grille prend en charge la tâche dont
l'ensemble du système a besoin". Le principal
avantage de ce système réside dans la
puissance de calcul et l'espace de stockage considérables
qui sont libérés. Ses
deux principales limites : les taux de tranferts,
et les problèmes de parallélisation des
traitements. "Il y a un certain nombre d'applications
qui ne pourront pas bénéficier de la technologie
de grille. Ce sont pour l'essentiel des logiciels qui
ont besoin d'échanges de données très
rapides entre les processeurs."
Le
rêve ... et la réalité
Les grilles sont donc surtout utilisées par des
centres de recherche privés ou publics qui ont
besoin d'une puissance de calcul immense. Mais pas seulement :
"Google utilise une ferme de serveurs reliés
entre eux pour gérer le volume des connexions
qu'il reçoit. La grille - ou plutôt l'ancêtre
de grille - ainsi constitué forme un seul cluster
géant". Et les applications vont se multiplier
dans les années qui viennent : "Les
grilles vont permettre un meilleur partage des ressources
en interne, et une plus grande intégration des
systèmes, enfin capables de communiquer et de
se rendre mutuellement des services. Pour prendre une
image : à l'échelle d'un parc informatique,
il est plus facile de travailler sur un grand ensemble
sans cloisons que dans une multitude de petits ensembles
de taille différente et qui communiquent mal."
Tout cela est attrayant,
mais la technologie n'est pas encore tout à fait
mûre : "il y a encore beaucoup de problèmes
à résoudre avant que tout fonctionne parfaitement.
Le marché dispose déjà de quelques
briques qui travaillent bien ensemble. Mais on ne construit
pas une maison avec quelques briques". Et c'est
là que se situe la fenêtre dans laquelle
GridXpert va s'investir : "Nous ne comptons
pas faire tout nous-mêmes. Dans bon nombre de
domaines, il existe déjà des technologies,
et nous allons nous appuyer dessus. Nous allons en particulier
utiliser la référence technologique en
la matière pour la partie technique - l'infrastructure
de la grille : Globus - qui est en open source".
Deux
briques en or
Mais GridXpert compte bien devenir une
référence pour deux ou trois autres briques
du système : "Nous allons dépenser
une bonne partie de notre argent en R&D, sur la
question de la sécurité de la grille,
et sur les questions d'utilisation des ressources dégagées :
il faut un portail et des outils pour pouvoir s'en servir".
Avec pour objectif de devenir la référence
en la matière. Ces briques sont incontournables,
si l'on en croit Bruno Emsellem : "Dans une
grille comme ailleurs, la sécurité doit
faire l'objet d'une grande attention. On ne peut pas
en faire l'économie. Quant au portail, il est
important de pouvoir redistribuer les ressouces dégagées.
Quel intérêt si l'on ne dispose pas d'un
outil effiface pour faciliter l'accès aux
ressources ?"
Au delà de
l'aspect purement technique, GridXpert souhaite devenir
le leader du marché en Europe, et reporte une
éventuelle conquête des marchés
américain et asiatique à plus tard. Pour
s'imposer sur le Vieux Continent, l'enteprise devra
en tout cas nouer des partenariats avec d'autres éditeurs,
qui disposent de savoir-faire complémentaires.
L'entreprise n'a
en effet pas l'intention
de développer une solution complète en
interne, et mise sur des partenariats stratégiques
- qu'elle n'a pas souhaité dévoiler. Le
point le plus délicat dans la mise en oeuvre
d'une grille reste en effet le cohabitation des OS et
des architectures hardware qui n'ont rien à voir
les unes avec les autres. La grille doit en effet permettre
à toutes ces machines de partager leurs ressources,
ce qui suppose de gérer un grand nombre de protocoles
et d'OS.
Quatre
gros clients
La suite logicielle promise par GridXpert est en phase
de développement, elle devrait arriver au début
de l'année prochaine. L'enteprise vise essentiellement
quatre gros secteurs : l'énergie et l'environnement
(EDF, le CEA, etc.), l'industrie (l'automobile, l'aéronautique),
les banques (simulation de porte-feuilles, gestion des
risques), et les biotechnologies. Les applications y
seront dans un premier temps assez classiques, sans
doute à l'image de la solution imaginée
par Intel : "Le fondeur grapille jour et nuit
chaque cycle de processeur inemployé pour ses
calculs, car comme le dit Larry Ellison - le CEO
d'Oracle - toute seconde de CPU non utilisée
est perdue à tout jamais".
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