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Tribune |
Lundi
17 juin 2002 |
Quelle
méthode pour construire le pilote d'un infocentre
achats ? De nombreux projets d'infocentre achats se perdent dans les dédales de l'analyse préalable des besoins. Le pilote permet d'éviter cet écueil. A condition toutefois de bien maîtriser son plan de développement.-->
par Hubert d'Hondt
[Andersen, reponsable
de l'activité e-procurement et places de marché]
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Construire un infocentre
achats dans un grand groupe est un projet d'ampleur.
Un écueil traditionnel est de vouloir mener une analyse
des besoins exhaustive et, ce faisant, de tomber dans
le syndrome de la paralysie d'analyse ou de l'analyse
paralysante. Une technique classique pour éviter cet
écueil consiste à faire un pilote. Par pilote, on entend
quelque chose de simple, rapide, pas cher qui permette
de mieux appréhender les problématiques et d'aider à
accoucher
et prioriser les besoins. Mais est-ce vraiment une si
bonne idée ? Tout dépend de ce que prouve le pilote
et de ce que vous faîtes après.
Ainsi, dans le monde de l'eApprovisionnement, beaucoup
de projets se sont arrêtés après le pilote. Il faut
dire que ces pilotes, construits non sans frais, consistaient
à vérifier ce que nos enfants savaient et avaient, déjà,
mis en pratique sans vergogne sur des sites de ventes
en ligne, à savoir que l'on pouvait s'approvisionner
sur Internet ! Un pilote d'infocentre achats qui se
contenterait de montrer combien il est facile de naviguer
dans des tableaux de chiffres sur une interface web
risque de ne pas suffire pour convaincre. Notre expérience
est que, pour convaincre, il va vous falloir jalonner
la construction de votre infocentre en proposant une
succession de versions de plus en plus riches donc plus
complexes.
Une telle démarche de pilotage s'appréhende selon cinq
aspects : les indicateurs achats, l'harmonisation
des données fournisseurs et produits, l'outil de reporting
et ses modes d'alimentation. Sur chacun de ces aspects,
différents degrés de maturité peuvent exister. Jalonner
votre projet, c'est construire une succession de versions
de l'infocentre correspondant à différents niveaux de
maturité sur chacun de ces aspects.
Pour les indicateurs achats.
Il est possible de commencer par les indicateurs de
leviers d'action stratégiques puis les indicateurs de
leviers d'action opérationnels et enfin les indicateurs
de résultats. Les indicateurs de leviers d'actions stratégiques
fournissent à la direction des achats une vision globale
des dépenses et des performances achats. On distinguera
les indicateurs d'analyse de ceux de performance.
- Pour les indicateurs d'analyse,
les masses d'achats réalisées constituent une information
de base. Mises en perspective dans le référentiel adéquat,
leur analyse constitue une première mesure de diagnostic
de la situation. Le référentiel d'analyse devra permettre
de croiser la nature de ce qu'on achète (axe produit),
chez qui on achète (axe fournisseur), qui achète (axe
acheteur), pour qui on achète (axe domaine).
- Pour les indicateurs de
performance, le nombre et la portée des contrats-cadres
constituent un indicateur stratégique. On pourra ainsi
mesurer la part du CA commandé via un contrat cadre,
par famille d'achat. Les indicateurs de leviers d'actions
opérationnels permettent d'évaluer l'efficacité du processus,
via la mise en place d'indicateurs de charges, comme
le nombre de transactions par personne et par jour,
et de réactivité, comme le délai de traitement de la
demande d'achat. Ils permettent également un contrôle
des procédures achat par le contrôle de l'application
des contrats-cadres et le contrôle des commandes de
régularisation.
- Les indicateurs de "résultat"
ont pour vocation d'établir un bilan des achats réalisés
et de justifier la contribution de la fonction à la
satisfaction du client final à moindre coût. La mesure
de la satisfaction des clients internes passe par l'analyse
des incidents qualité. La contribution à la réduction
des coûts est mesurée par l'indicateur de dérive. Deux
types de dérives sont habituellement suivis. La dérive
calculée à posteriori sur les articles ou services codifiés
permet de valoriser par les quantités réelles la dérive
des prix d'achats constatée d'un panel d'articles /
services codifiés, par rapport à des prix de référence.
La dérive calculée sur la base des actions de négociation
est basée sur la consolidation de chaque action de négociation
valorisée par les acheteurs, au moment de sa mise en
uvre dans les systèmes Achat.
Pour l'harmonisation des
données fournisseurs Commençons par harmoniser
les données fournisseurs sur un panel restreint, puis
sur une région, et enfin de définir des identifiants
globaux. La première étape consiste à ne pas harmoniser
les données fournisseurs entre les différentes entités
du groupe mais uniquement à identifier les fournisseurs
clés pour lesquels on désire suivre les dépenses achats.
Il pourra s'agir des fournisseurs faisant l'objet d'un
exercice de sourçage stratégique. Dans une deuxième
étape, il s'agit de définir par région (continent, pays
ou autres) des identifiants transverses fournisseurs.
Cette codification pourra soit être définie en interne,
soit reprendre des nomenclatures externes propres à
la région concernée de type SIREN/SIRET pour la France,
codes intracommunautaires pour l'Europe,
etc. La mise
en place d'une telle codification permettra un reporting
global et détaillé par région. Dans la troisième étape,
il s'agit de définir une codification mondiale fournisseur.
Habituellement, ce type de codification ne peut être
géré en interne par l'entreprise, aussi utilise-t-on
des codifications externes du type Duns&Bradstreet.
La mise en place d'une telle codification permet de
produire un reporting mondial consolidé pour l'intégralité
des fournisseurs du groupe.
Pour l'harmonisation des
données achats, une première étape peut consister
à sélectionner un périmètre restreint de natures d'achat
à suivre, par exemple, les natures d'achat faisant l'objet
d'un sourçage stratégique. Pour la deuxième étape, il
s'agira de définir au niveau groupe une segmentation
achat macroscopique sur laquelle sera basé l'ensemble
du reporting achat groupe. Enfin dans la troisième étape,
il s'agira de définir une segmentation achat détaillée
valable pour l'ensemble des entités du groupe. La consolidation
des dépenses par natures d'achat s'effectuera soit par
des tables de transcodification soit par l'intégration
de la segmentation achat dans les systèmes d'information
locaux. La mise en place de tables de transcodification
permet d'obtenir un reporting consolidé avec des impacts
mineurs sur les systèmes d'information locaux mais la
maintenance de ces tables peut vite devenir extrêmement
lourde et complexe. L'intégration de la segmentation
achat groupe dans les systèmes d'informations locaux
peut s'effectuer soit par substitution complète des
natures d'achat locales par celles définies par le groupe,
soit par la redéfinition d'une segmentation locale compatible
avec la segmentation groupe.
Pour l'outil de reporting,
un outil bureautique simplifié peut faire l'affaire
dans un premier temps, avant d'évoluer ensuite vers
un outil d'infocentre global, voire global et local.
Un outil bureautique simplifié permet la consolidation
des données mais présuppose un fort travail d'agrégation
des données extraites des systèmes amonts et limite
la possibilité d'alimentation automatique. Un outil
d'infocentre offre un ensemble de fonctionnalités pré-configurées
et facilite la mise en place d'interfaces d'alimentation
automatisées. Un outil d'infocentre global et local
sera alimenté par l'ensemble des informations de détails
des systèmes amonts (fiches articles, postes de commandes,
postes de réceptions, entrées de factures) et permettra
un pilotage local et global de la fonction achat. Sa
mise en place est facilitée par la mise en uvre d'un
" Hub " d'interfaçage évolué de type EAI.
Pour l'alimentation du reporting,
on peut également envisager de commencer par extraire
et transcodifier manuellement, puis par extraire manuellement
et transcodifier automatiquement et, enfin, par interfacer
les systèmes d'information locaux et l'outil de reporting.
La première étape ne requiert aucun développement mais
nécessite une très forte implication des équipes locales.
Ce type d'alimentation n'est pas viable pour un reporting
consolidé global sur l'ensemble des natures d'achat
et fournisseurs et pour une fréquence de mise à jour
élevée. La deuxième étape présuppose qu'un travail d'harmonisation
et/ou de mise en correspondance des données de base
a été mis en uvre afin d'automatiser le traitement
des informations locales. Cette étape permet d'alléger
la charge d'alimentation de l'outil de reporting par
les équipes locales et garantit, dans une certaine mesure,
la qualité des informations extraites. Le mode d'alimentation
du reporting le plus évolué consiste en la mise en place
d'interfaces entre les systèmes d'information locaux
et l'outil d'infocentre.
La mise en place de ce type d'interfaces présuppose
une harmonisation des référentiels et la mise en oeuvre
d'un outil de traduction/consolidation des données (EAI).
Ce type d'alimentation est favorable à une mise à jour
de la base de reporting de manière fréquente (hebdomadaire
par exemple). Pour alimenter le reporting, il faudra
extraire des données tant du système comptable que du
système achats. Le croisement des informations comptables/achats
permettra notamment de suivre les écarts entre les dépenses
enregistrées via un processus achat et celles enregistrées
dans le système comptable. Ce type d'écart permet notamment
de tracer les achats effectués hors procédures achats.
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[Hubert
d'Hondt est l'un des fondateurs de l'activité Conseil
Stratégique et Opérationnel d'Andersen en France. Responsable
pour l'Europe de l'activité eProcurement et Places de
Marché. Il a mené une dizaine de projets dans ces domaines,
notamment chez Axa et Cegetel. Auteur de plusieurs ouvrages,
il a notamment publié "Places
de Marché sur Internet. Nouvelles règles pour le commerce
du XXIème siècle"] |
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