Pas de panique : il y
aura bien de la croissance à se partager d'ici
2007 pour les opérateurs télécom
européens. C'est en tout cas l'opinion de Ross
Pow, directeur Général de Analysys
Research, et auteur d'une étude sur le sujet.
Selon ses évaluations, le CA du marché
devrait se situer dans une fourchette comprise entre
285 et 380 milliards d'euros - contre 250 millions
en 2001.
On aura remarqué
qu'Analysis Research ne s'est pas aventuré dans
des prévisions d'une grande précision.
Les incertitudes sont en effet tellement grandes sur
le marché des télécoms que les
estimations deviennent assez hasardeuses. Toutefois,
entre l'hypothèse catastrophiste - 14 %
de croissance sur un peu plus de 5 ans - et l'hypothèse
haute - 52 % de croissance sur la même
période -, les scénarios sont très
variés et somme toute très instructifs.
Le
Data pour les mobiles ou rien
Dans quelles conditions le marché des télécoms
parviendra-t-il à une croissance véritablement
optimale ? "Tout est lié au succès
du Data dans le secteur des télépones
mobiles de troisième génération.
C'est sans doute là que se situe la variable
clé. Si les opérateurs de téléphonie
mobile réussissent à mettre sur le marché
une offre techniquement au point, et que le public mord
à l'hameçon, tout ira bien. Dans le cas
contraire, il faut s'attendre à un chiffre d'affaires
assez bas".
Tout sauf une mince
affaire pour les opérateurs mobiles : la
téléphonie mobile de troisième
génération doit faire face à
plusieurs
défis de taille ... Le défi technique
tout d'abord : "à l'heure qu'il est,
les opérateurs travaillent surtout sur cette
problématique". Il faut en effet fournir
une offre de qualité, qui ne souffre pas de trop
d'interruptions intempestives. Il faut aussi assurer
un débit raisonnable : "en quelques
années, nous sommes passés de 2 Mbits/s
à 100 Kbits/s". Nettement moins attirant ...
Il faut aussi que les opérateurs travaillent
sur l'aspect marketing, et qu'ils développent
des applications séduisantes proposées
à un coût raisonnable. Autant de défis
qui "rendent l'avenir de la téphonie mobile
de troisème génération assez incertain".
Privés
des moyens de rentabiliser leurs investissements
D'autant plus que le contexte financier a bien changé
depuis les belles années du marché des
télécoms : "Si les Japonais
ont réussi à imposer l'i-mode, ce n'est
pas seulement parce qu'il y avait un grand potentiel
du côté de la demande ... C'est aussi
parce que le temps était à l'euphorie
financière. NTT DoCoMo a trouvé des capitaux
sans grands efforts. Les choses ont bien changé,
et les opérateurs de téléphonie
mobile doivent se battre pour obtenir la moindre ligne
de crédit. Les développements sont donc
plus laborieux, et le risque de se retrouver avec une
offre technologiquement et commercialement mauvaise
est plus grand". Les opérateurs de téléphonie
mobile sont donc pris en étau entre la nécessité
de rentabiliser leurs colossaux investissements et l'obligation
de négocier laborieusement le moindre euro auprès
de leurs investisseurs.
Et si les opérateurs
mobiles ratent le coche du Data, les effets se feront
ressentir dans tout le secteur des télécommunications :
"Si ils ne parviennent pas à remplir leurs
tuyaux avec le Data, ils changeront de cheval de bataille.
Ils mettront en oeuvre un autre business model qui peut
leur permettre de sauver les meubles : baisser
les prix, afin d'augmenter sensiblement le trafic sur
leurs réseaux mobiles. Une telle stratégie
leur permettrait de rentrer dans leurs frais, après
les investissements massifs consentis pour la troisième
génération". Avec les conséquences
que celà suppose sur le reste du marché :
"Les opérateurs de téléphonie
fixe pourraient être cannibalisés par les
opérateurs de téléphonie mobile :
les prix baissant sur le réseau mobile, le trafic
des réseaux fixes chuterait, et les marges avec".
Effet domino donc.
Santé
financière globalement mauvaise
Qu'en
est-il ailleurs, sur d'autres segments du marché
des télécoms ? L'Internet à
haut débit pourrait exploser : "il
est possible que les taux d'équipement passent
de 3 % à 20 ou 30 % d'ici 2007".
Sans grande conséquences toutefois sur le
marché des opérateurs de backbones, puisque
"les tuyaux européens sont durablement empêtrés
dans leur surcapacité". La santé
financière de ces opérateurs n'est donc
pas près de s'améliorer, et le secteur
devrait "continuer de se consolider" selon
Ross Pow. Façon déguisée de prévoir
des faillites ou des restructurations.
Ailleurs, la santé
des opérateurs télécom devrait
être globalement mauvaise, sans être aussi
catastrophique que celle des opérateurs de backbones :
"Même si les opérateurs de téléphonie
mobile parviennent à imposer le Data, le marché
restera assez difficile. Car si le chiffre d'affaires
croît de façon soutenue, le régulateur
risque de vouloir injecter encore un peu plus de compétition
dans la machine, et les marges devraient une fois de
plus repartir à la baisse". Rien de très
rassurant...
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