Dans l'esprit de beaucoup
d'éditeurs, le JPEG est partout en partie parce
qu'il ne coûte rien. Le comité qui en a la
responsabilité a mis un point d'honneur à
ne jamais demander de royalties, et les industriels continuent
de l'intégrer dans leurs produits sans reverser
un euro à quiconque. Tout allait pour le mieux
dans le meilleur des mondes, jusqu'à ce jour de
Juillet où Forgent Networks a sorti un mystérieux
brevet de son chapeau.
Un bout
de papier qui a déjà rapporté beaucoup
Ce
brevet est suffisamment sérieux pour faire trembler
de concert toute l'industrie du logiciel et les fabriquants
d'appareils photos numériques. Pour preuve :
deux géants Japonais de l'électronique
ont déjà cédé aux injonctions
de Forgent Networks. Sony a reversé près
de 20 millions d'euros pour pouvoir continuer d'utiliser
les technologies de compression d'images qui lui appartiennent.
Aucun doute : le problème est sérieux.
Il est courant qu'une entreprise
revendique soudainement la propriété intellectuelle
d'une technologie. Mais la plupart du temps, elle peine
à convaincre les industriels du lui reverser
de justes compensations. Pourtant, le brevet No 4 698 672
semble plus convaincant que bon nombre de ses semblables.
Il a été déposé par un scientifique
reconnu - Wen-Hsiung Chen - auquel les spécialistes
accordent un certain poids dans la naissance du standard.
Un sérieux argument en face de la justice -
qui a sans doute pesé lourd dans le choix de
Sony.
Des
racines douteuses
Du côté des adversaires de Forgent Networks,
on fait valoir que le brevet ne porte pas sur l'intégralité
de la norme de compression Jpeg, mais seulement sur
une partie. Pire : en 1986, le standard était
manifestement proche d'être finalisé par
une autre organisation au moment ou Chen a publié
son brevet. Ce qui pousse certains à affirmé
que les travaux de Chen auraient tiré profit
du travail d'autres chercheurs.
L'affaire a donc un goût
amer, d'autant plus prononcé que les sommes mises
en jeu se comptent en centaines de millions de dollars.
Une pillule difficile à avaler, pour le comité
JPEG qui défend la gratuité de son standard,
et pour les industriels qui ont recours à cette
technologie.
Le tout
pour le tout
La pillule est d'autant plus indigeste qu'elle est administrée
par une startup qui a échoué dans son
modèle économique initial - la vidéoconférence -
avant de redécouvrir
qu'elle avait des brevets, et de tenter d'en tirer de
gros revenus. Une manoeuvre de mercenaire, que la justice
sera sans doute appelée à qualifier bientôt.
Et il est possible que
la balance penche du côté des utilisateurs.
Souvenons-nous que Dell avait été accusé
pour avoir poussé à l'adoption d'un standard -
le VL-Bus - sans révéler qu'il détenait
le brevet de cette technologie. Une attitude paradoxale
qui consiste à faire passer du propriétaire
pour du libre, et à récupérer des
royalties une fois le standard imposé, après
que tous ses partenaires se sont laissés convaincre.
Gageons que la justice saura dire si Forgent Networks
s'est rendu coupable d'une pareille manipulation.
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