Un logiciel libre est un logiciel disponible sous forme
de code source et librement distribuable et modifiable.
L'économie du logiciel libre dépend des
termes du contrat de licence. Ces licences ont été
rédigées au regard des dispositions du droit
américain. Quelle est la valeur juridique des licences
de logiciels libres en droit français ?
Les
licences de logiciel libres sont-elles valables ?
Le logiciel,
qu'il soit libre ou propriétaire, est une uvre
de l'esprit protégée par les règles
du droit d'auteur, dès lors qu'il présente
un caractère original.
L'auteur du logiciel est investi de droits exclusifs
sur son uvre, et schématiquement, le système
du droit d'auteur repose sur le principe que tout ce
qui n'est pas autorisé est interdit.
Les licences de logiciels
libres sont également régies par le droit
d'auteur. Seulement, les droits accordés à
l'utilisateur sont beaucoup plus larges que ceux octroyés
par l'éditeur d'un logiciel propriétaire.
Les licences de logiciels libres ont en effet toutes
pour point commun d'accorder la liberté de copier
le logiciel, de le diffuser, de le modifier, et de publier
ces modifications.
La licence libre organise
ainsi les droits de l'utilisateur d'une manière
radicalement différente de celle des logiciels
propriétaires, mais valable du point de vue du
droit d'auteur.
Logiciel libre ne signifie pas liberté de faire
ce que l'on veut ou libre de droits : un logiciel libre
est diffusé dans des conditions définies
par une licence et le non respect de la licence est
une utilisation non autorisée et donc une contrefaçon.
Il n'existe toutefois pas encore de jurisprudence concernant
les litiges liés aux licences libres.
Garanties et responsabilités
Toutes les licences
de logiciels libres comportent une clause d'exonération
totale de responsabilité. Quelle est la portée
de ces clauses ?
Les clauses de non
garantie quant à la qualité et les performances
des logiciels
Un logiciel libre est fourni
tel que ("as is"). On considère que
l'utilisateur qui choisit d'incorporer un logiciel dans
son système prend la responsabilité que
ce logiciel corresponde à ses besoins et atteigne
les performances escomptées. Les risques relatifs
aux dommages indirects sont supportés entièrement
par l'utilisateur.
Validité juridique
de ces clauses
Prenons l'exemple de la clause de non responsabilité
de la GNU GPL , la licence du système d'exploitation
Linux. A priori, cette disposition est valable en droit
américain.
Qu'en est-il en droit français
?
En droit français
comme en droit américain, les clauses limitatives
ou exclusives de responsabilité sont valables.
Cependant, certains textes limitent l'efficacité
des clauses limitatives de responsabilité : en
cas de litige, elles seront déclarées
inefficaces, inopposables ou "réputées
non écrites".
Les cas dans lesquels les
clauses limitatives ou exclusives de responsabilité
peuvent être écartées sont les suivants
:
- en cas de faute lourde
ou de dol (tromperie) de la partie qui invoque le bénéfice
de la clause ;
- en cas de manquement à une obligation essentielle
du contrat qui a pour effet de contredire la portée
de l'engagement pris (Jurisprudence dite "Chronopost",
Cour de Cassation 22 octobre 1996) ;
- lorsque le logiciel est fourni à un consommateur,
en application du régime des clauses abusives
(article L 132-1 du Code de la consommation) ;
- en application du régime de la responsabilité
du fait des produits défectueux qui prévoit
le principe d'un régime de responsabilité
sans faute des fabricants et distributeurs (articles
13686-1 à 1386-18 du Code civil). L'application
de ce texte aux logiciels ne vise que les situations
où ceux-ci seraient à l'origine directe
d'une atteinte à la sécurité physique
des personnes ou des biens.
Ces limitations à
la validité des clauses exclusives de responsabilité
sont applicables à un logiciel fournit sous licence
GPL, comme à un logiciel propriétaire.
Ainsi, même si la
clause d'exclusion de responsabilité de la GPL
était écartée par un juge, cela
ne remettrait pas en cause la validité des autres
dispositions de la GPL, notamment en ce qui concerne
les dispositions relative à l'organisation des
droits d'auteur.
L'absence de responsable
clairement identifié
Une des raisons
avancées par les entreprises comme frein à
l'utilisation des logiciels libres est qu'il serait
difficile d'identifier l'auteur du programme défaillant
et fût-il identifiable, un recours s'avèrerait
illusoire en raison de la faible surface financière
du donneur de licence.
Or, il n'existe généralement
pas davantage d'engagement dans les logiciels propriétaires
sur la qualité des produits. Les licences des
logiciels " propriétaires " comportent
généralement des clauses limitatives ou
exclusives de responsabilité. L'absence d'engagement
sur la qualité des produits est quasiment une
clause de style.
S'il existe de nombreux contentieux concernant la mise
en place de solutions informatiques, ces contentieux
ne concernent pas à notre connaissance la qualité
même des logiciels standards distribués
à de nombreux utilisateurs.
En réalité, dans le cas des éditeurs,
plus que les garanties effectives, ce qui importe, c'est
l'existence d'un interlocuteur juridiquement défini.
Cependant, ce rôle
de partenaire commercial ou d'interlocuteur juridique
peut tout à fait être rempli par une autre
personne que l'éditeur du logiciel : SSII assurant
la maîtrise d'uvre de l'implémentation
d'un projet informatique, société ayant
conseillé l'utilisation du logiciel libre, distributeur
de la solution, prestataire ayant développé
une application spécifique sur la base de composants
libres, société vendant des services connexes
à du logiciel libre.
Si on cherche une garantie,
il faut chercher une personne qui acceptera d'offrir
ces garanties. Ces garanties pourront être aménagées
contractuellement pour en définir la portée.
On revient alors à un problème plus classique
de prise de risque.
Cette solution est parfaitement
compatible avec la GPL qui prévoit expressément
que :
"you may at your option offer warranty protection
in exchange for a fee."
La garantie d'éviction
et du fait des tiers
Le garantie
d'éviction, c'est la garantie que l'auteur n'a
pas accordé un droit déjà cédé.
La garantie du fait des tiers, c'est la garantie selon
laquelle l'auteur doit garantir l'éditeur contre
l'action en contrefaçon pouvant être intentée
par un tiers.
L'idée est que le client doit pouvoir compter
sur la garantie du fournisseur au cas où la prétention
d'un tiers vient compromettre l'utilisation paisible
du logiciel.
Cette garantie est une garantie légale en droit
français, toute clause la limitant serait déclarée
nulle.
En outre, les mêmes problèmes qu'en matière
de garantie de performance relativement à l'identification
de l'auteur du logiciel et à sa surface financière
se posent.
Que se passerait-t-il si
une entreprise vient à revendiquer des droits
sur un logiciel libre déjà largement diffusé
?
Il existe des précédents en matière
de brevet. Par exemple, beaucoup d'éditeurs de
sites utilisent le format GIF, protégé
par un brevet sans avoir versé la licence à
Unisys, titulaire du brevet.
Il faut savoir que la Free
Software Foundation tente d'être vigilante sur
ces questions, car il est évident que si un logiciel
libre contient en réalité des composants
protégés par un brevet ou un droit d'auteur,
cela empêche la redistribution dudit logiciel.
Pour s'assurer que le code apporté aux projets
de la FSF est bien libre, la FSF demande aux contributeurs
individuels d'obtenir une renonciation aux droits d'auteur
écrite par leur employeur (s'il existe), de façon
à s'assurer que ce dernier ne puisse prétendre
avoir des droits sur les éléments de contribution
au projet.
Elle demande également aux contributeurs de lui
transférer leurs droits d'auteurs, en vue d'être
mieux à même de faire respecter en justice
la GPL. Elle réfléchit également
à des projets de fiducie.
Toutes ces démarchent
ne garantissent pas dans l'absolu contre les risques
qu'un logiciel contienne des éléments
protégés par un droit de propriété.
Mais la " validation " d'un logiciel par ce
type d'organisation, qui endosse le rôle de "
gardien juridique " des logiciels qu'elle diffuse,
limite néanmoins les risques effectifs.
Il est possible également qu'en cas de revendication
de droits par un tiers, la communauté des utilisateurs
soit en mesure de développer une alternative
qui serait vraiment libre.
On ne peut donc pas analyser
le risque de contrefaçon dans un logiciel diffusé
par un programmeur isolé, de la même manière
que dans un logiciel adopté par la communauté
du logiciel libre et déjà largement diffusé.
En conclusion, chaque système,
celui des logiciels libres et celui des logiciels propriétaires
possède ses promoteurs et ses détracteurs.
Les logiciels libres ont l'intérêt indéniable
d'offrir la possibilité d'analyser le code source
et de le modifier. Cette transparence dans la construction
du logiciel est certainement une piste à explorer,
y compris par les éditeurs de logiciels propriétaires,
en vue d'améliorer la qualité et la sécurité
des logiciels.
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