Une année noire, l'année
2002 ? Pour IDC en tout cas, l'année qui s'achève
fut la plus mauvaise de l'histoire de l'informatique.
Le CA global du secteur a reculé de 2%, ce qui
n'est pas peu dire : 2002 a plongé l'industrie
plus bas encore qu'en 2001, qui fut pourtant une année
catastrophique pour l'informatique professionnelle. La
pilule est difficile à avaler pour cet enfant gâté
de l'économie occidentale, plutôt habitué
à des taux de croissance flirtant avec les 10%.
Turbulences parfois
fatales
Mécaniquement, ce retournement de conjoncture
s'est traduit par plusieurs faillites et autres banqueroutes,
en quantité limitée toutefois : il aurait
fallu être fou pour investir massivement au début
de l'année 2002, alors que Merril Lynch anticipait
trois maigres points de croissance. La plupart des acteurs
ont fait le dos rond en attendant des jours meilleurs,
mais certains se sont tout de même laissés
prendre.
A commencer par Reef qui,
après avoir brûlé 80 millions d'euros
de cash a tiré sa révérence fin
juin. Peregrine a échappé de peu à
la faillite : le géant de la gestion des ressources
informatiques a
fait banqueroute mais s'en tire par une pirouette,
en revendant une fraîche acquisition - la société
Remedy - pour la somme de 350 millions de dollars.
Les irréductibles
gaulois ont eux-aussi traversé quelques turbulences.
Citons Alcôve - une SSII spécialisée
dans le libre - qui appartient désormais au groupe
Génious, et
Intégra - un hébergeur à valeur
ajoutée (filiale de Genuity), qui a fait banqueroute.
Les télécoms
posent un genou à terre
Mais ce sont les télécoms qui ont
le plus souffert : une immense vague de licenciements
est venue sanctionner la démesure des investissements
consentis dans les années 90. Aux USA, le secteur
s'est rendu responsable du quart des licenciements pour
l'année 2002. C'est KPNQwest qui a ouvert le
bal début juin avec une retentissante cessation
de paiement.
Mais la banqueroute la
plus déroutante et la plus sulfureuse de 2002,
c'est évidemment celle
de WorldCom. Avant de chûter, le géant
tenait 50% du traffic Internet américain et fascinait
ses concurrents, médusés par les bénéfices
dégagés dans une période pourtant
fort difficile. Mais ces résultats n'étaient
en réalité qu'un feu de paille : WorldCom
s'est livré à des manipulations comptables
de grande envergure, allégeant ses comptes de
près de 8 milliards de dollars. Pour se sortir
de l'ornière, le géant des telcos a dû
débaucher l'ex PDG de HP - Michael Capellas.
Vague de concentrations
C'est bien connu, les faiblesses des uns font le
bonheur des autres. Les "happy fews" dont
la santé était au beau fixe n'ont eu qu'à
se pencher pour cueillir les restes de leurs concurrents,
souvent à vil prix. 2002 fut très logiquement
placée sous le signe de la concentration. Microsoft
s'est distingué en absorbant
l'éditeur d'ERP Navision - pour 1,3 milliards
de dollars. Sony et Phillips se sont alliés pour
racheter Intertrust - le géant de la DRM
- moyennant une transaction dont le montant est resté
secret.
Mais c'est IBM qui a eu
l'estomac le plus grand : le géant s'est admirablement
remis de la crise qui a failli l'emporter au milieu
des années 90, et a déboursé 2,1
milliards de dollars pour se
saisir de Rational, au nez et à la barbe
de Microsoft. Big Blue a également absorbé
le cabinet de conseil PwC Consulting pour 3,5 milliards
de dollars. Sans même plonger dans le rouge, puisque
le géant a réalisé près
de 8 milliards de bénéfices en 2001, et
s'apprête à renouveler l'exploit. Cette
acquisition confirme la tendance au rapprochement entre
consulting et intégration. En France, Syntégra
a imité les leaders du secteur : la SSII
a racheté l'entité française de
KPMG Consulting.
2002, c'est aussi la fin
du long épisode de la fusion HP/Compaq, finalisée
en septembre après de longues tergiversations
avec la justice. L'opération semble plutôt
réussie, puisque le chiffre d'affaires du groupe
ne recule pas. Le géant devient leader dans de
nombreux segments de la vente de matériels informatiques.
Deux grandes inquiétudes
Mais que serait une année informatique sans
un grand frisson ? Ces derniers mois, l'évènement
le plus inquiétant fut sans doute l'attaque
en règle des serveurs de DNS racines de l'Internet.
Cette attaque massive, sciemment coordonnée,
avait pour but faire tomber les noeuds indispensables
au bon fonctionnement de la toile. Et bonne nouvelle
: Internet a résisté.
Plus inquiétante
encore : l'initiative de Microsoft, qui pourrait bouleverser
l'informatique en général - à
savoir Palladium. Beaucoup de bruits circulent à
propos de cette puce de sécurité qui devrait
créer dans quelques années un environnement
parfaitement sécurisé au sein de chaque
machine. La colère gronde, et certains accusent
injustement Microsoft de vouloir contrôler chaque
fichier et chaque logiciel sur toutes les machines.
Une accusation infondée à l'heure qu'il
est, mais - à bien y réfléchir
- peut être prophétique. Microsoft pourrait
être tenté de retirer des dividendes de
Palladium dans dix ou quinze ans sans respecter ses
engagements.
Microsoft se sort des
remous
La firme de Bill Gates, justement, a paru fragilisée
cette année, mais la termine plutôt bien
(excellents résultats financiers, issue - provisoire
? - du procès antitrust particulièrement
favorable). Il y a eu, tout de même, pour la firme
de Redmond, la grogne des grands comptes mécontentés
par sa nouvelle politique de licences - la
Software Assurance. Et surtout la montée
de Linux, qui n'en finit plus de conquérir des
parts de marché dans le domaine des serveurs.
Cette année, Microsoft a dû apprendre à
jouer profil bas, et à communiquer humblement
avec ses clients.
Car Microsoft a également
dû affronter le mécontentement des administrateurs,
qui estiment que ses produits comportent trop de failles
de sécurité. Dans ce domaine, le géant
s'est enfin décidé à engager une
bataille : Microsoft a arrêté ses développements
pendant deux mois pour relire le code de ses produits.
Sans grand succès pour l'instant. Signalons tout
de même que Microsoft devrait de nouveau revêtir
en 2003 sa tenue de conquerrant, en mettant sur le marché
un certain nombre de produits stratégiques.
Terminons ce bilan sur
une note d'espoir, que nous devons à trois sociétés
qui, chacune dans leur domaine, ont prouvé qu'une
bonne idée pouvait toujours attirer l'attention
des investisseurs. A elles trois, ces jeunes entreprises
(GridXpert,
Telisma
et Cedron)
ont levé la coquette somme de 23,5 millions d'euros...
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