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L'UE suit informatiquement les empreintes des demandeurs d'asile
La Commission Européenne prend les empruntes digitales des demandeurs d'asile et les stocke dans une grande base de données. Histoire d'un choix technique complexe doublé d'un projet international ambitieux. (Mercredi 5 février 2003)
     
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A Dublin en 1990, l'UE se donne pour ambition de contrôler l'identité des demandeurs d'asile circulant sur son territoire. Dix ans plus tard, les objectifs fixés par la convention ne sont pas atteints : "admettons que j'aie un demandeur d'asile devant moi : il est souvent impossible de prouver son identité et l'itinéraire qu'il a suivi en Europe" constate de manière dépassionnée Frank Paul, chef de l'unité projets informatiques à grande échelle de la Commission européenne.

Gênant : "pour alléger les procédures, sa demande d'asile est examinée dans le premier pays traversé. Mais - dans la mesure où nous ne pouvons pas l'identifier à coup sûr -, rien ne l'empêche de poser une demande dans chaque pays traversé - en Grèce, en Allemagne, en France, etc. Certains ne s'en privent pas et engorgent les administrations". Autre problème : quelques demandeurs sollicitent plusieurs organismes de sécurité sociale transfrontaliers et touchent plusieurs fois les aides et les indemnisations.

Que faire ? Identifier les demandeurs à coup sûr, et garder en mémoire le pays d'accueil qu'ils ont traversé en premier. La solution ? La biométrie, tout simplement : "c'est la technologie d'identification la plus avancée, elle est très sûre et déjà très répandue". La biométrie permet - rappelons-le - de reconnaître un individu d'après ses particularités physiques - empreintes digitales, dessin de la rétine, timbre de la voix, etc...

Dix doigts infalsifiables ?

Le choix de la Commission s'est porté sur les empreintes digitales : "nous prenons les empreintes des dix doigts, ce qui permet d'arriver à un taux d'erreur de seulement 0,1 %. La technologie rétinienne est peut-être encore un peu plus sûre, mais elle est plus chère, et qui plus est aux mains d'un seul fabriquant - ce qui nous gène. Et surtout : elle n'a jamais été déployée à grande échelle".

La reconnaissance des empreintes est bien sûr utilisée dans de nombreux pays européens. Un scientifique japonais a démontré que 80 % des systèmes de reconnaissance d'empreintes digitales pouvaient être floués par un faux en gélatine, simple de conception et peu cher. "Sauf si la personne qui prend les empreintes vérifie que vous ne trichez pas - rassure Frank Paul. Et pour être franc, je ne pense pas que la fabrication d'un gant en gélatine sur 5 doigts soit à la portée du premier demandeur d'asile venu".

Depuis le 15 janvier 2003, les empreintes de tous les demandeurs d'asile sont numérisés dans tous les pays d'Europe - c'est la concrétisation du projet Eurodac. Sur le terrain, cela se concrétise par des choix techniques différents : "on trouve de tout, depuis les systèmes de reconnaissance d'empreintes les plus récents jusqu'aux plus vieux systèmes. Dans certains pays, les empreintes sont même prises sur papier avant d'être scannées ailleurs".

Jongler avec l'existant
Un choix raisonné : "un scanner d'empreintes coûte cher - 5 000 euros -, et certains pays ont des points d'accueil dans toutes les préfectures. Il serait déraisonnable de dépenser une telle somme dans les petites préfectures qui traitent de toutes petites quantités de dossiers".

Problème : tous ces matériels font appel des procédés différents pour "cartographier" les empreintes. "Il fallait pourtant comparer ces empreintes : nous avons décidé de garder l'image complète de chaque empreinte, plutôt que d'en extraire les particularités. Le fichier résultant - basé sur la norme ANSI/NIST - est plus lourd à traiter, mais c'est la seule véritable garantie d'interopérabilité".

Avec Eurodac, il devient donc impossible de falsifier une identité : lorsqu'un agent de l'Etat scanne les empreintes d'un demandeur d'asile, il sait normalement dans les cinq minutes si les empreintes ont été relevées en Europe, par quel pays, et s'il a effectué une demande d'asile dans ce pays". Beaucoup d'informations sensibles transitent donc dans les tuyaux d'Eurodac, mais avec un niveau de sécurité très élevé.

Sécurisation tous azimuts
"Notre base de données européenne n'a rien à envier aux systèmes informatiques européens les mieux protégés - affirme Frank Paul. Ce qui ne veut pas dire qu'elle soit impossible à pirater, certes. Mais je défie les hackers qui lisent le Journal Du Net d'y parvenir". Pour ce qui est des détails, le silence est de rigueur, bien entendu. On saura seulement qu'une équipe de sécurité s'y consacre à temps plein, que le principe du double cryptage est largement utilisé, et que toutes les solutions de sécurité existantes sont mises à contribution.

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Mais la commission n'a pas toute les cartes de la sécurité en main : chaque pays dispose de ses propres bases de données - qui sont les seules à stocker des informations sur l'identité du demandeur - et de tuyaux pour relier chaque borne de consultation à un serveur national. "Nous laissons la responsabilité de leur infrastructure à chaque pays, mais nous nous veillons à la bonne application du règlement". Et c'est bien la moindre des choses lorsqu'il s'agit d'informations sensibles. Et si un pays essayait d'utiliser ces informations à des fins policières ? "Les systèmes de contrôle d'Eurodac se mettraient en alerte, ouvrant la voie à de lourdes sanctions".

> La sélection du prestataire

"Nous avons consulté nos propres chercheurs, écouté tous les acteurs du marché, longuement, et nous nous sommes finalement décidés pour Steria. Il y a quatre ou cinq grands fabricants aptes à fournir des produits sérieux. Après benchmarking et étude du rapport qualité prix, c'est l'offre de Steria qui nous a semblé la plus intéressante, à l'époque. Mais ce n'est peut-être plus le cas aujourd'hui : le marché évolue très vite.
En général, nous préparons nos contrats de façon très minutieuse, en prévoyant de grosses pénalités si le prestataire ne respecte pas ses engagements. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles nous tenons nos délais et maîtrisons nos budgets".

[Nicolas Six, JDNet]
 
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