Les éditeurs de logiciels
ne se contentent pas de protéger leurs productions
du mieux qu'ils peuvent, ils financent parallèlement
la Business Software Alliance (BSA) qui, rappelons-le,
est investie d'une double mission : éduquer
le grand public et réprimer les actes de piratage.
Car à la tactique
du bouclier s'oppose une réalité incontestable:
quelques jours après leur sortie, la plupart
des logiciels majeurs sont "crackés"
et mis en libre téléchargement sur Internet.
A celle du glaive, au moins, l'action de la BSA semble
plus féconde.
Celle-ci s'est en effet
dotée d'une équipe d'investigateurs Internet
chargés de repérer les pirates, puis d'intervenir.
Ces investigateurs sont confrontés
à tous types de délinquances, des plus
gros réseaux mafieux aux plus petits internautes
qui s'échangent des logiciels illégalement.
Concentrer
les efforts sur les gros pirates
"Nous agissons de façon stratégique,
par ordre d'importance - indique Bertrand Salor,
porte parole de la BSA pour la France. Nous repérons
les réseaux organisés, les revendeurs
actifs sur le Web, l'IRC, les sites d'enchères,
etc ... De deux choses l'une : soit il s'agit
d'un très gros réseau, et nous collaborons
avec la police pour en venir à bout - et même
si la police répond peu souvent présent,
il y a tout de même eu 113 perquisitions en Europe
depuis 1998 -, soit il s'agit d'un petit réseau,
et nous demandons au FAI qui l'héberge de fermer
le site sur lequel il s'appuie. Dans 95 % des cas,
le FAI accepte : le pirate perd alors son site,
le trafic qu'il générait, son mail, ses
liens avec les autres sites de la communauté,
etc.".
De quoi décourager
les moins persévérants. L'année
dernière, la BSA a ainsi fait fermer une dizaine
de milliers de sites dans le monde. Mais quid des petits
revendeurs sous le manteau qui sévissent dans
les cours d'école, et autre mordus des réseaux
de peer-to-peer ? "En volume, ce sont eux qui nuisent
le plus aux marges des éditeurs, et de très
loin. Mais nous n'allons pas poursuivre 10 millions
de personnes".
Piratage
"à la petite semaine"
Ces "pirates à la petite semaine" -
selon les termes de la BSA - auraient pourtant
bien tort de se croire à l'abri : "nous
avons mis au point des outils de traçage des
abonnés ADSL qui utilisent les réseaux
de peer-to-peer pour échanger des cracks. Le
mois dernier en France, nous avons isolé une
dizaine de milliers d'adresses IP, qui correspondent
à autant de petits pirates, et que nous avons
communiquées à leurs fournisseurs d'accès
".
Le système est récent :
"difficile de dire comment les FAI perçoivent
cette mesure ; cependant, ils adressent pour la
plupart des mises en demeure aux personnes que nous
pointons du doigt. Au bout de quelques avertissements,
certains vont même jusqu'à déconnecter
les abonnés récalcitrants". Pourquoi
un tel soutien ? "La surcharge des connexions
ADSL par le peer-to-peer est une calamité pour
les FAI. Ils cherchent eux-aussi des mesures pour limiter
les téléchargements. La déconnexion
des utilisateurs assidus est une solution, au même
titre que la taxation des téléchargements
au delà d'un certain seuil".
La BSA va-t-elle plus loin ?
Des amendes ? De la prison ferme ? Ce sont
là des cas extrêmement rares ; la
BSA dénonce pourtant les "napsteriens"
les plus actifs à la police. Mais la plupart
du temps, "la police a mieux à faire que
de s'occuper des petits délinquants. Cependant,
dans certains pays, les forces de police ont parfois
du temps à y consacrer" - affirme Bertrand
Salor.
Une
goutte d'eau dans la mer
Bilan des courses ?
Si le risque de se retrouver en prison est réel
pour les chefs de réseaux mafieux, les sanctions
contre les membres actifs des petits réseaux
d'échanges ne devraient pas être empêcher
le piratage de progresser,
au contraire. On peut ainsi noter que, même dans
les entreprises, la masse des logiciels piratés
serait passée de 39 % en 2000 à 46 %
en 2002.
Et c'est là que
la parole refait son apparition. "C'est notre meilleure
arme pour défendre la cause des éditeurs :
la prévention, et l'éducation (...). C'est
tout un pan de l'économie européenne et
mondiale qui vit des logiciels. 46 % de logiciels
piratés, c'est autant d'argent en moins dans
les caisses des éditeurs français, et
autant d'informaticiens qui ne trouveront pas de travail
dans ces mêmes entreprises".
Un discours cependant fort
mal reçu en France car selon Bertrand Salor lui-même:
"nous sommes tous un peu des pirates, il faut bien
l'avouer".
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