Les contrats d'hébergement se caractérisent
souvent par le nombre d'exclusion de responsabilité
en cas d'interruption du service d'hébergement.
Les différents incidents pouvant affecter l'accessibilité
du service d'hébergement sont considérés
comme un risque inhérent à l'exploitation,
qui découle de la nature même du réseau
internet. L'hébergeur n'est tenu qu'à une
obligation de moyens, c'est-à-dire à fournir
ses meilleurs efforts pour assurer le service promis.
Dès lors en cas d'incident affectant le service
d'hébergement pendant de nombreuses heures, voire
plusieurs jours, les clients dont les contrats d'hébergement
comportent de telles clauses sont-ils dépourvus
de tout moyen de recours ?
La jurisprudence peut
écarter les clauses limitatives ou exclusives
de responsabilité qui privent d'effet l'obligation
essentielle souscrite
Selon une jurisprudence
bien établie, les clauses limitatives ou exclusives
de responsabilité sont jugées en principe
valables, sauf en cas de faute lourde ou de fraude (dol)
de la partie qui invoque le bénéfice de
la clause. Les clauses limitatives de responsabilité
limitant l'indemnisation à un montant dérisoire
sont assimilées à des clauses exclusives
de responsabilité.
Une jurisprudence plus récente, dite jurisprudence
"Chronopost", sanctionne également
les clauses qui en raison du manquement du débiteur
à une obligation essentielle du contrat ont pour
effet de contredire la portée de l'engagement
pris.
Dans une décision en date du 22 octobre 1996,
la Cour de cassation retient que viole l'article 1131
du Code civil la Cour d'appel qui fait application d'une
clause limitative de responsabilité, alors qu'en
raison du manquement du débiteur à l'obligation
essentielle de fiabilité et de célérité
de son service de messagerie rapide, cette stipulation
qui contredit la portée de l'engagement pris
devait être réputée non écrite.
La Cour de cassation a
eu notamment l'occasion d'appliquer cette solution à
une société de maintenance informatique
qui n'avait pas respecté son engagement d'intervenir
en "48 heures", le prestataire justifiant
sa non intervention dans le délai promis en raison
du fait qu'il n'avait pu obtenir d'une autre société
le matériel nécessaire à son intervention
(Com. 17 juillet 2001, aff. Securinfor).
L'avantage du recours à
la notion d'obligation essentielle est qu'il n'y a pas
besoin de faire la démonstration d'une faute
du prestataire.
Il reste que la prestation
d'hébergement est une prestation complexe, dans
laquelle il peut s'avérer difficile de qualifier
l'obligation essentielle.
Notamment, à partir de quel taux d'indisponibilité
du service d'hébergement considérera t-on
qu'il y a manquement à l'obligation essentielle
du contrat d'hébergement ?
Les clauses relatives
à la qualité de service
Dans les affaires
Chronopost et Sécurinfor évoquées
ci-dessus, la notion d'obligation essentielle a pu être
opposée aux prestataires parce qu'elle était
rentrée dans le champ contractuel : service de
messagerie rapide dans un cas, engagement d'intervenir
dans un délai précis dans l'autre.
Les clauses relatives à
la qualité de service ou service level agreements
sont donc incontournables pour préciser les contours
de l'obligation essentielle du contrat d'hébergement.
Il s'agit notamment de
négocier avec le prestataire d'hébergement
des engagements de disponibilité de service,
à savoir la durée maximale d'indisponibilité
du service au cours d'une période donnée,
et de garantie de temps de rétablissement,
à savoir la durée maximale d'interruption
continue du service.
Les prévisions contractuelles
permettent d'apprécier la réalité
ou la fausseté d'une défaillance. Pour
que le client puisse se plaindre qu'une de ses attentes
n'a pas été satisfaite, encore faut-il
que ces attentes aient été stipulées
et que des performances mesurables aient été
promises.
Cette appréciation
suppose en préalable un contrat précis,
lui même rédigé à partir
d'un cahier des charges clair et complet, les contentieux
sur l'étendue des obligations des prestataires
naissant généralement de prévisions
contractuelles insuffisantes.
L'obligation qui pèse sur le prestataire ne découle
pas de la nature du contrat d'hébergement, mais
de la définition du contenu des obligations prises
en charge.
Définir des
moyens dont on puisse objectivement vérifier
la mise en place
Même si
l'obligation du fournisseur d'hébergement est
qualifiée d'obligation de moyens, il est toujours
possible de prévoir des moyens dont on pourra
vérifier la mise en place, et sur lesquels il
sera possible de prévoir des engagements de résultat.
On rappellera que celui
qui n'est tenu que d'une simple obligation de moyens
n'engagera sa responsabilité que dans la mesure
où sa faute, ayant consisté à ne
pas fournir les meilleurs moyens, aura été
démontrée, tandis que le débiteur
d'une obligation de résultat devra réparation
dès l'instant que le résultat escompté
n'aura pas été obtenu. Si le prestataire
doit être tenu d'une obligation de moyens, le
créancier de celle-ci ne recevra de dommages-intérêts
qu'autant qu'il démontrera la faute du premier;
en revanche, si l'engagement doit être considéré
comme de résultat, au cas où ce résultat
ne se produit pas, le prestataire est responsable, sauf
pour lui à démontrer à son tour
l'existence d'une cause étrangère, force
majeure, fait d'un tiers ou de la victime.
Ainsi, en matière
de sécurité du service d'hébergement,
il est difficile de prévoir un engagement de
résultat général sur la sécurité.
Il est possible en revanche
de prévoir des obligations positives et contrôlables
à la charge du prestataire, par exemple la description
des procédures d'alerte et des procédures
d'exploitation, une surveillance par un technicien d'astreinte
7 jours/7, la mise en place des correctifs proposés
par les éditeurs des logiciels et systèmes
utilisés dans un certain délai, etc
Si les moyens décrits
dans le contrat ne pas effectivement mis en uvre,
il devient plus facile d'engager la responsabilité
du prestataire en cas de défaillance.
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