Gwenaël
Giard (CDC Ixis Securities) : "Seuls des problèmes anti-trust
semblent en mesure d'empêcher l'opération"
L'analyste financier revient sur les derniers soubresauts de l'affaire Oracle / PeopleSoft, alors que les plaintes fusent de toutes parts. (Lundi 23 juin 2003)
Suite à l'OPA d'Oracle,
alors que les protagonistes s'attaquent mutuellement,
la bataille juridique se déplace sur le plan politico-législatif
avec l'entrée en lice de l'Etat du Connecticut,
client de PeopleSoft. Regard externe et dépassionné
d'un analyste financier.
JDNet Solutions. L'OPA d'Oracle sur PeopleSoft vous semble-t-elle
avoir des chances de réussir ? Gwenaël Giard. Comme vous
le savez, Oracle a relevé son offre de rachat de
l'éditeur PeopleSoft de 16 à 19,50 $ par action. Le prix
ainsi proposé correspond à une prime de 14% par rapport
au cours de clôture de PeopleSoft la veille et à
+ 28% par rapport au cours précédent l'offre initiale.
Le succès de l'opération apparaît plus probable avec un
prix impliquant des multiples de valorisation généreux
et qui ont été fixés après consultation
des actionnaires de PeopleSoft. Seuls des problèmes anti-trust
semblent en mesure d'empêcher cette opération. L'Etat
du Connecticut (nord-est) a porté plainte contre
Oracle pour pratiques anti-concurrentielles et tente ainsi
de bloquer l'OPA hostile.
Les
lois anti-trust, dernier rempart à l'appétit
d'Oracle ?
L'Etat du Connecticut est un client de PeopleSoft. Il
estime que l'acquisition de Peoplesoft par Oracle violerait
la législation de protection de la concurrence de l'Etat
et la loi fédérale, tout en portant directement atteinte
à l'Etat et à son économie.
De plus la prise de contrôle par Oracle, qui a clairement
affiché son intention d'arrêter la vente de produits PeopleSoft
s'il arrive à racheter l'entreprise, ferait, toujours
selon cet Etat, augmenter les prix pour les entreprises,
le gouvernement et les consommateurs en réduisant significativement
la concurrence sur les marchés desservis par PeopleSoft
et en forçant ses actuels clients à remplacer leurs logiciels
par des produits d'autres entreprises. Ces arguments semblent
assez solides pour être pris au sérieux.
En tant qu'analyste financier,
quelles sont vos recommandations ?
Je réitère les commentaires que j'ai déjà
faits auparavant au sujet des principaux impacts du succès
de cette offre sur trois valeurs qui, parmi mon échantillon,
sont le plus impactées par cette opération. A savoir SAP,
Business Objects et la SSII Cap Gemini Ernst & Young (CGE&Y).
SAP bénéficie de l'incertitude ambiante chez les clients
de PeopleSoft et des risques liés à l'intégration des
deux groupes pour capter de nouveaux contrats. L'entreprise
se présente comme une offre alternative face à la proposition
d'Oracle de faire migrer les clients de PeopleSoft vers
sa suite.
Quant à Business Objects,
la société pourrait présenter à terme les
caractéristiques d'une cible face à des relais de croissance
incertains et l'arrivée des grands éditeurs sur le BI.
La valorisation du groupe intègre ponctuellement cette
éventualité. Enfin, après un risque d'attentisme des clients,
CGE&Y bénéficiera de son caractère indépendant et d'une
connaissance forte des mondes SAP et Oracle.