Malgré des gains de productivité et des applications multiples, la technologie RFID se heurte au refus des consommateurs de voir leurs comportements d'achat étudiés de trop près. (Lundi 21 juillet 2003)
La technologie RFID (Radio
Frequency Identification) semble actuellement à
la croisée des chemins. Certes les petits marqueurs
rendent de très précieux services dans les
entrepôts et usines, pour mieux gérer les
stocks ou suivre l'état de la production, reléguant
ainsi les codes barres sur les cartons d'emballage aux
oubliettes.
Mais quand il s'agit de faire rentrer ces capteurs dans
la sphère des magasins, voire au sein même
des produits, les entreprises ou distributeurs s'y prennent
à deux fois avant de franchir le Rubicon, ou font
marche arrière quand elles l'ont dépassé.
Les exemples récents de Benetton et de la chaîne
de supermarchés américaine Wal-Mart sont
là pour en témoigner.
Une
technologie aux mille facettes... Un consortium réunissant
58 aéroports et fabricants de puces RFID vient
d'annoncer le lancement d'un test grandeur nature, dès
la fin 2003 et sur 5 ans, destiné à suivre
les bagages des passagers depuis leur domicile jusqu'à
leur destination finale. Les aéroports de Singapour,
d'Amsterdam et de New-York (JFK) participeront ainsi à
cette expérience destinée à diminuer
drastiquement les pertes ou égarements de bagages
et qui utilise la technologie RFID.
Dans le même temps, la société American
Express annonce lancer un service pilote - baptisé
ExpressPay - sur un panel de 4 000 clients et 175 magasins
de la région de Phoenix (Arizona). Ce jeton, pas
plus gros qu'une pièce de monnaie, permet de régler
ses achats comme avec une carte bancaire normale mais
sans avoir à signer de facturette ni à rentrer
de code confidentiel. Selon Amex, les clients gagneraient
entre 30 et 40% de leur temps lors du paiement de leurs
emplettes et dépenseraient entre 20 et 30% de plus.
Dernière illustration des services que peut rendre
cette technologie, cette fois-ci en termes de sécurité.
La Banque Centrale Européenne (BDE) a annoncé
en mai dernier avoir passé un contrat avec le japonais
Hitachi pour équiper les billets de banque européens
de puces RFID. Aussi grosses qu'une grain de sable, ces
dernières permettrait de mieux lutter contre la
contrefaçon.
...mais
parfois trop intrusive On le voit, les
applications concrètes des marqueurs RFID ne manquent
pas. Mais l'exemple de la chaîne de supermarchés
Wal-Mart prouve que le RFID a pour le moment du mal à
sortir des frontières de l'entrepôt et des
zones de manutention. Alors que le fabricant de rasoirs
Gillette avait pour intention de commercialiser dans les
rayons d'un des magasins de Wal-Mart ses produits équipés
de puces RFID, la chaîne a fait marche arrière
en quelques jours car l'affaire - soulevée par
l'association de défense des consommateurs CASPIAN
(Consumers Against Supermarket Privacy Invasion and Numbering)
- prenait une trop grande ampleur.
Et il semble qu'il y ait de quoi alerter les foules...
Dans un article datant de mai dernier, nos confrères
du Nikkei Electronic News relataient une expérience
menée par le centre de recherche Auto-ID
dans le secteur du livre. Grâce à des linéaires
équipés de lecteurs et à des ouvrages
embarquant des marqueurs RFID, il était possible
de connaître très précisément
le comportement des clients, comme par exemple le temps
passé à feuilleter un livre avant de l'acheter
ou de le replacer sur les rayons ou le nombre de fois
qu'un ouvrage était déplacé.
Benetton
en a fait l'expérience
Le spécialiste des vêtements, Benetton -
pourtant habitué aux frasques publicitaires et
à la provocation - ne s'y est pas trompé.
Alors que le fabricant Philips Semiconductor avait annoncé
en mars dernier la signature d'un contrat portant sur
15 millions de tags RFID pour une des chaînes de
fabrication de Benetton, ce dernier a fait volte-face
et a démenti vouloir utiliser cette technologie
pour "tracker" ses vêtements. Là
encore, la pression du grand public a été
plus forte.
Pour conclure, il apparaît
très clairement que, malgré le formidable
potentiel de la technologie RFID, les applications visant
les produits mêmes, dans la sphère des magasins,
ne sont pas encore prêtes à faire leur apparition.
Malgré les arguments avancés par les promoteurs
de cette technologie - arguments dont on a récemment
découvert qu'ils pouvaient être très
"orientés" voire fallacieux (lire
notre article) -, les consommateurs ne semblent pas
vouloir en entendre parler.