Philippe
Michelin (BFD) : "L'industrie indienne du logiciel
est d'un niveau bien supérieur au nôtre !"
Spécialiste des processus logiciels et des démarches qualité, Philippe Michelin exorte les SSII françaises à rattraper leur retard par rapport à l'Inde, modèle du genre en termes de qualité. (Mercredi 23 juillet
2003)
JDNet
Solutions. En tant que spécialiste des architectures
de systèmes et des processus logiciels, comment vous positionnez-vous
par rapport à l'offshore en Inde ? Philippe Michelin. L'industrie
indienne du logiciel connaît une croissance à deux chiffres
qui fait rêver et que n'expliquent pas uniquement les
prix pratiqués : 72 % des 300 premières sociétés informatiques
indiennes conduisent une démarche de qualité totale !
Si l'on y regarde de plus près, l'Inde compterait
46 sociétés officiellement évaluées au niveau
5 de la démarche CMM (Capability Maturity Model),
alors qu'il n'y en a aucune en France à ce jour. L'Inde
se place ainsi juste derrière les Etats-Unis au
plan mondial.
Ce n'est pas l'effet du hasard, la politique gouvernementale
et les incitations à rentrer dans des démarches
qualité sont très fortes. Le Nasscom coordonne
les entreprises du secteur logiciel et de l'externalisation.
Et 90 000 ingénieurs sont formés tous les ans ! De
plus, le marché local devient non négligeable.
Le
prix n'est donc plus le seul argument ?
Traditionnellement, les prix pratiqués en Inde
ont pendant longtemps été beaucoup plus
bas. Le rapport était de 1 à 10. Les propositions
que je vois passer actuellement sont de 30 à 40%
moins chères qu'en France. Mais aujourd'hui, si
vous ajoutez le coût des intermédiaires,
des traductions, etc... le prix n'est plus l'argument
essentiel, mais bien la qualité !
Cela
dit, la barrière de la langue peut être un
obstacle si vous n'avez pas l'habitude de rédiger
des documents en anglais, de graves erreurs et incompréhensions
peuvent s'y glisser. Une des sociétés leader
en Inde, Wipro, investit à l'Ile Maurice, où
des personnes francophones sont présentes, ce qui
minimise cet obstacle.
Il existe par ailleurs un risque social fort... mais quand
je vois le gouvernement américain sous-traiter
une partie de ses développements en Inde ou dans
d'autres pays offshore, je me dis que le sujet est plus
complexe qu'il n'y paraît. Il
y a de véritables enjeux à profiter de la
qualité des prix et des prestations.
Quels
défis pour les sociétés de service
informatique françaises ?
C'est l'occasion pour nos
entreprises de se mettre à la hauteur des entreprises
indiennes, en termes notamment de processus qualité !
Un peu comme dans les années 1980, dans l'automobile,
où les Japonais nous dépassaient en termes
de qualité totale. Nous avons réussi à
refaire notre retard. En adoptant la démarche CMM,
les entreprises pourront reprendre en main leur développement
logiciel.
Je pense de toutes
les façons que nous garderons toujours la main
sur les phases de conception, de spécification
et de modélisation des systèmes et des architectures,
et sur tout ce qui touche au knowledge management.
Le mouvement vers l'offshore est à mon sens inéluctable,
ce qui ouvre des portes pour nos entreprises en termes
de partenariats avec les sociétés de ce
secteur, tout en gardant la maîtrise des processus
et des prestations à valeur ajoutée. Des
opérations croisées peuvent être montées,
dans une logique gagnant-gagnant.