Les
fondations à but non lucratif : paravent et cadre
de travail de l'Open Source
De plus en plus plébiscitées, ces structures communautaires parviennent à faire collaborer des membres pourtant friands d'autonomie, pour le bien de tous. (Vendredi 19 septembre
2003)
Dans une interview
accordée au site Internet de l'Harvard Business
School, le Professeur Siobhan O'Mahony développe
quelques unes des avancées de ses actuelles recherches
relatives au rôle croissant joué par les
fondations à but non lucratif dans le monde des
logiciels Open Source (comme celles formées autour
de Debian, GNOME ou Apache).
Alors que les développeurs participant à
ce genre de projet - le plus souvent bénévolement
- font en règle générale montre d'une
autonomie et d'un sentiment d'auto-détermination
pour le moins affirmés, Siobhan O'Mahony montre
que l'entité "fondation à but non lucratif"
joue le rôle de catalyseur de reconnaissance entre
pairs. Il est en effet important de prouver sa propre
valeur aux autres par des réalisations concrètes,
par des applications dont le fonctionnement et la robustesse
pourront être testés par le reste de la communauté.
La fondation apparaît comme un lieu idéal
pour cela.
Malgré
un goût prononcé de la part des développeurs
de l'Open Source pour l'indépendance et l'absence
de règles administratives contraignantes, Siobhan
O'Mahony met en exergue le paradoxe du succès des
fondations. Ces structures, aussi souples soient-elles,
ne peuvent en effet fonctionner sans un minimum de règles
et de processus de planification. Une réelle tension
peut s'instaurer et l'équilibre se fragiliser à
tout instant. Malgré tout, ces structures parviennent
à exister et à produire des livrables de
haute qualité.
L'enjeu est de respecter les normes informelles des membres
de la communauté tout en imposant un cadre minimum
de travail, même si, encore une fois, on a souvent
affaire à des bénévoles dont l'implication
et la motivation ne tiennent parfois qu'au goût
immodéré qu'ils ont pour la résolution
de problèmes complexes, pour la beauté du
"geste" en quelque sorte... ou plutôt
de la programmation. Un
des autres apports de la structure "fondation"
est de garantir un certain pluralisme dans la composition
des contributeurs, en évitant par exemple que trop
de développeurs d'une même société
"sponsor" ne soient présents ou, à
l'inverse, que les membres de la communauté ne
rejettent pas toute participation de membres dont le profil
diffèrerait trop du leur.
Siobhan O'Mahony conclut sur l'avenir des fondations à
but non lucratif. Sans forcément représenter
une menace pour les leaders de l'industrie logicielle,
elles n'en constituent pas moins une véritable
alternative, dont le rôle non négligeable,
s'exprime notamment dans la protection de biens aussi
précieux que l'éducation (via les
logiciels), un bien qu'il est préférable
de voir géré par une fondation que par des
acteurs d'un marché 100% libéral. Les entreprises
l'ont d'ailleurs bien compris en s'adressant, toujours
plus nombreuses, aux fondations.
Cette notion d'éducation est d'ailleurs un des
pilliers, un des socles de la philosophie des logiciels
libres. L'utilisateur est libre d'utiliser un programme,
de l'adapter et de le distribuer mais surtout de l'étudier
pour en comprendre les mécanismes et, par là
même, de s'enrichir de l'expérience d'autrui
pour mieux progresser. Finalement, vu l'actuel succès
des logiciels libres, les fondations à but non
lucratif semblent avoir un bel avenir devant elles !