Les logiciels libres sont-ils meilleur marché que les logiciels propriétaires, en quoi leur environnement juridique est-il original et pertinent ? Ces questions ont fait réagir les experts. (Vendredi 21 novembre
2003)
A travers un ensemble d'événements
composé de conférences, de débats
mais aussi d'ateliers exposants et de présentations
de nouveaux produits, le salon Networld+Interop 2003 s'est
intéressé de près aux problématiques
liées à l'Open Source.
Les logiciels libres sont-ils meilleur marché que
les logiciels propriétaires, en quoi leur environnement
juridique est-il original et pertinent, quelles compétences
faut-il mobiliser pour s'assurer d'un déploiement
optimal ? Des experts de la question, présents
sur le salon, témoignent.
Les
coûts : une question d'échelle et d'intégration
"Les
études comparatives sur les coûts, on leur
fait dire ce que l'on veut ! Il s'agit d'une unité
de mesure à un instant ' t' sur un système
donné. Je ne rentrerais pas dans ce débat.
Mais quand il s'agit de mise à l'échelle,
d'utilisation massive des logiciels libres, l'absence
de coût de licence a un sens. Je ne dis pas non plus que
le logiciel libre ne coûte rien, car il y a un effort
d'intégration dont le coût est assez élevé", déclare
Jean-Pierre Laisné, vice-Président du consortium
ObjectWeb et salarié chez Bull.
Il est vrai que l'intégration représente
un pôle de dépenses non négligeable
dans un projet Open Source, rien n'étant tout à
fait livré clés en mains, un travail d'assemblage
étant nécessaire. "L'avantage néanmoins
est que quand un client met en concurrence plusieurs intégrateurs,
il est certain qu'ils vont tous utiliser les mêmes composants",
ajoute Jean-Pierre Laisné.
L'absence de coûts de licences est également
mis en avant par le DSI du groupe international de communication
DDB, Jean-Christophe Lasvergnas : "Quand nous
avons déployé en 2000 une architecture de
clusters pour nos serveurs de fichiers, et par la suite
des applications de gestion et de réseau, les licences
étaient encore gratuites. Aujourd'hui, Red Hat
est payant mais cela reste raisonnable. Avec les économies
réalisées, nous avons pu construire des solutions qui
répondaient parfaitement à nos besoins". L'équipement
en postes clients Macintosh, - environ 40% du parc - a
été un autre facteur de choix en faveur
de Linux.
Des
compétences pointues, mais valorisées
En ce qui concerne les compétences requises, le
DSI de DDB joue la carte de la différenciation.
Son équipe s'est en effet sentie valorisée
par cet ensemble de technologies jugées émergentes.
Jean-Christophe Lasvergnas met par ailleurs en avant l'aspect
formateur : "comme tout n'est pas packagé et que
Linux a une interface austère, les administrateurs ont
dû rentrer dans les concepts et dans la technique
pour notamment bien configurer certains composants : ports,
TCP, pare-feu, etc. Ils ont aussi dû comprendre
l'interaction entre les machines". Des certifications
Red Hat ont, parallèlement, été acquises
dans l'équipe.
Pour Jean-Pierre Laisné, la question est encore
plus simple : "A partir du moment où vous
disposez dans votre équipe d'un administrateur
Unix, vous en faites un administrateur Linux en une heure
! Et cela n'enlève rien à la performance
des outils Open Source. Il y a actuellement un déficit
certain en personnes qui connaissent bien ces produits
mais dans cinq ans, tout sera résolu".
Pluralité des licences,
affaire SCO, brevets logiciels... les deux experts semblent
sereins quant à l'originalité de l'environnement
juridique actuel. "Les différentes licences
existent pour qu'il y en ait pour tous les goûts.
La licence GPL dit 'ce qui est à moi est à
tout le monde, donc à moi', c'est le bien public
partagé, c'est aussi l'aspect légal des
logiciels libres. En revanche, la fondation Apache est
partisane du 'tout
le monde peut faire ce qu'il veut avec ce qu'il veut'... Quant
à SCO, cette affaire permet de ralentir la chute
de l'éditeur et la pénétration de Linux dans l'entreprise,
mais l'impact est très faible et à court terme
seulement", note Jean-Pierre Laisné.
Jean-Christophe Lasvergnas, de son côté,
porte un regard amusé, mais néanmoins attentif
à ces questions juridiques actuelles : "Linux
déséquilibre un ordre établi, de grands enjeux financiers
sont impliqués, une bataille de titans est en train
d'avoir lieu. Les réactions sont inattendues et imprévisibles...
SCO a les moyens de financer ses attaques mais, d'un autre
côté, un consortium chinois vient de choisir
Linux à grande échelle, via Sun...",
conclut le DSI. [voir notre
article concernant ce dernier point]