Il faut innover à temps
: telle pourrait être la grande leçon que l'on tire du livre* qu'André-Yves Portnoff,
de la revue Futuribles, vient de publier. Innover à temps parce que c'est le seul
moyen de ne pas voir ses activités se réduire, de ne pas perdre des emplois. Contre
la résistance obstinée au changement, l'auteur milite pour une gestion du "changement
économiquement viable mais aussi durablement conforme aux intérêts et aux légitimes
aspirations de l'ensemble des hommes".
L'objectif
est ambitieux. Mais en observateur avisé de ces phénomènes depuis une vingtaine
d'années, l'auteur structure bien la réflexion sur l'innovation. En revenant aux
définitions fondamentales tout d'abord. Ainsi, il remet clairement à leur place
les concepts de découverte (la mise en évidence d'un phénomène naturel), d'invention
(un moyen proposé pour atteindre un objectif) et d'innovation : l'application
d'une idée conduite jusqu'à son exploitation effective dans la société. Dès lors,
la réussite d'une innovation dépend de deux conditions : il faut savoir faire
(posséder la compétence technique) et savoir quoi faire (avoir une idée claire
de l'application d'une technologie, d'une découverte).
Deuxième
élément de structuration de la réflexion : la fourniture
d'exemples. André-Yves Portnoff en fournit de nombreux
pour étayer son propos. Celui de l'ordinateur Micral
qui a précédé d'une dizaine d'années l'IBM PC : on a
su fabriquer en France des micro-ordinateurs mais on
n'en a pas vu l'application. Celui de la carte à puce
ensuite dont le premier brevet a été déposé en 1974
mais le décollage n'a eu lieu qu'une dizaine d'années
plus tard lorsque France Telecom lui a fourni un rôle
précis, celui de carte téléphonique. Plus près de nous,
celui de Dell, le champion de l'innovation "organisationnelle"
: le constructeur a lancé le modèle où l'on vend avant
de produire en connaissant avec précision les besoins
de ses clients.
S'appuyant sur ces exemples,
André-Yves Portnoff en déduit que l'innovation n'est pas qu'une question de technique
: le facteur humain compte énormément. Le chef d'entreprise innovant sera celui
qui "rassemblera les bonnes personnes et favorisera les relations efficaces entre
elles". Cette réflexion "théorique" est vérifiée tous les jours dans la pratique.
Ainsi
le classement des 500 budgets d'Information Week dresse
chaque année le portrait des entreprises américaines
les plus innovantes sur le plan informatique, de celles
qui exploitent au mieux les possibilités des technologies
de l'information dans leur activité. On y découvre que
tout ce qui permet d'augmenter la réactivité de l'entreprise
doit être favorisé pour que la structure soit innovante.
Cela implique tout d'abord de standardiser les processus
métier puis de miser sur des technologies qui faciliteront
les échanges entre services.
L'hebdomadaire américain
cite le cas du groupe Chrysler qui a équipé ses usines de tableaux de bord électroniques
fournissant aux managers les données clés de la production en temps réel. Celles-ci
sont accessibles sur les assistants personnels des responsables grâce à des réseaux
sans fil : leurs décisions sont plus rapides et surtout mieux fondées. Un exemple
concret où la relation efficace, évoquée par André-Yves Portnoff,
est établie.
*Sentiers
d'innovation, par André-Yves Portnoff, Editions Futuribles Perspectives, 64 pages,
12 euros (ouvrage bilingue)
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