Le pays affiche des ambitions élevées dans le secteur informatique mais risque de se heurter à une pénurie de main d'oeuvre pour asseoir sa légitimité au plan mondial. (Lundi
16 février 2004)
Alors que la visite officielle en France du premier
ministre mauricien Paul Bérenger s'est achevée en fin de semaine
dernière, les ambitions affichées par l'île dans le secteur
IT sont toujours aussi élevées.
Ses dirigeants veulent en effet faire de l'informatique le cinquième pillier
du pays et transformer ce dernier en véritable "cyber-île".
Pour cela, les activités de BPO (business process outsourcing) - telles
que l'externalisaiton des centres d'appels ou de la gestion des services RH -,
ainsi que le développement logiciel, sont promus avec vigueur et force
investissements. L'objectif est de générer, d'ici 2008, un chiffre
d'affaires d'un milliard de dollars.
Mais l'île risque de se heurter à plusieurs obstacles : une pénurie
chronique de main d'oeuvre, un manque de libéralisation des tarifs de télécommunications
et - pour ce qui est du développement logiciel - de lacunes en termes de
certification, même si l'Inde - championne du CMM
- n'est pas loin et investit généreusement dans l'île.
Une
population limitée... L'île
bénéficie d'une position géographique favorable aux courants
d'affaires avec l'Europe, le décalage horaire n'étant que de deux
heures. De plus, elle est directement reliée, par la liaison SAFE (South
Africa Far East) à l'Afrique de Sud et à l'Inde par liaison fibre
optique, ainsi qu'à l'Europe et à l'Afrique de l'ouest par la liaison
SAT-3/WASC.
Mais la taille même de sa population (1,2 million d'habitants) limite naturellement
les ambitions les plus élevées car le nombre de personnes suffisamment
qualifiées pour répondre aux exigences des activités de BPO
ne peut être augmenté du jour au lendemain, même si la proximité
de l'Inde peut - dans une certaine mesure -
fournir de la main d'oeuvre adaptée.
.. mais qualifiée,
bon marché et bilingue
La population disponible plait néanmoins beaucoup
aux investisseurs étrangers et employeurs locaux. Son coût est tout
d'abord bas (entre 200 et 400 euros par mois pour un opérateur, par exemple).
Sa très bonne maîtrise de l'anglais et du français lui vient
de son histoire (colonisation par les Néerlandais, les Français
puis les Anglais, avant l'indépendance de l'île). Et son niveau de
qualification est bon, même si certaines branches de la filière sont
actuellement quelque peu délaissées par les étudiants.
Afin de founir le nombre d'informaticiens nécessaire aux ambitions du gouvernement
mauricien, ce sont pas moins de 13 000 personnes qui devront être opérationelles
d'ici 2006, ce qui portera à 40 000 le nombre total d'employés du
secteur IT dans l'île. La société de conseil en management
et services informatiques Accenture - dont la présente insulaire est forte
- compte ainsi faire passer son effectif de 150 à 350 personnes, d'ici
l'été 2004.
Des lacunes en certification
et en tarifs de connexion Pour rivaliser avec son voisin indien,
l'île Maurice devra également acquérir des capacités
en certification - la plus connue pour ce qui touche au développement logiciel
étant le CMM (Capability Maturity Model). Actuellement, aucune société
n'est en mesure de délivrer une telle certification sur l'île.
Enfin, les tarifs îliens pratiqués dans
le domaine de la connexion haut débit sont plus élevés qu'ailleurs
(de 20 à 30% en moyenne), ce qui freine les projets de certains acteurs.
Pour mémoire, un accord stratégique a été signé,
fin 2000, entre le gouvernement mauricien et France Telecom (40% du capital de
l'opérateur national Mauritius Telecom avaient été cédés
contre 260 millions de dollars) pour, selon les autorités, "préparer
la libéralisation du secteur des télécommunications". La fin du monopole
de Mauritius Telecom, intervenue fin 2003, devrait permettre aux tarifs de baisser
substantiellement.