L'affaire remonte à 1992. En février de cette année, un contrat
d'utilisation du progiciel de gestion intégré en négoce international
WTS est signé entre son éditeur ADNSoft et la société
SFCE, filiale de la CFAO (Compagnie Française Occidentale), elle-même
propriété du groupe PPR (Pinault-Printemps-Redoute).
Le contrat concerne deux licences d'utilisation du programme et la maintenance.
Tout se déroule pour le mieux jusqu'en 1994, ADNSoft se voyant même
proposer par SFCE d'étudier l'informatisation de certaines des filiales
de la CFAO, ce qui aurait représenté un important contrat pour l'éditeur.
Mais,
début 1995, ADNSoft n'est pas retenu pour cette extension et, en mai 1996,
le contrat de maintenance est résilié. Quatre ans plus tard, un
informaticien ayant travaillé pour SFCE contacte ADNSoft pour l'informer
que SFCE continue d'utiliser le logiciel WTS - entre temps renommé CIL
- logiciel sur lequel il a travaillé pendant deux ans pour modifier les
sources.
Selon Didier Collas, P-DG d'ADNSoft, ces modifications auraient consisté
à enlever les copyrights, à préparer le logiciel à
passer l'an 2000 et à modifier les interfaces utilisateurs. Une saisie-contrefaçon
est alors demandée par ADNSoft auprès du Tribunal de Grande Instance
de Nanterre, elle est réalisée en avril 2000 dans les locaux de
SFCE.
"Ces
licences étaient illimitées dans le temps et la version de base n'existe pas"
(L'Avocat de SFCE) |
"La saisie-contrefaçon a permis de constater la présence des
mêmes radicaux de fichiers et la même structure logicielle",
ajoute le P-DG d'ADNSoft.
Dans la foulée, ce dernier décide de déposer plainte pour
contrefaçon, estimant que SFCE a utilisé les informations, mais
aussi les compétences de certains de ses anciens salariés pour développer
- avec l'aide de prestataires indépendants - son propre progiciel à
partir des sources de WTS.
Deux personnes d'ADNSoft auraient en effet quitté la société
pour rejoindre la CFAO (en tant qu'indépendant ou via une société
de service) : un responsable de projet - en février 1995 - et un analyste
programmeur, en octobre de la même année.
La société SFCE, personne morale représentée par le
Président de son conseil d'administration, a été mise en
examen en novembre 2001.
Selon l'avocat de la CFAO, Me Sylvain Papeloux, "il n'y a pas d'affaire ADNSoft
/ SFCE ! Cette dernière disposait en effet de deux licences avec faculté
de modification. Il y avait faculté de modifier le logiciel de manière transparente,
par SFCE ou d'autres personnes. De plus, ces licences étaient illimitées
dans le temps. La version de base du logiciel n'existe par ailleurs pas, difficile
donc de comparer...", explique le défenseur de la filiale de PPR.
Un point de vue bien entendu réfuté par ADNSoft qui a vendu, selon
son P-DG, "non pas le logiciel mais ses droits d'utilisation, les sources
n'étant pas livrées sur les machines des clients car elles constituent
le fonds de commerce de la société".
Même réfutation par l'avocat d'ADNSoft, Me Antoine Chatain : "on
a ici typiquement ce qui se passe quand un éditeur crée et vend un logiciel -
avec une équipe autour de lui - et quand un autre prestataire propose un jour
des solutions complémentaires en affirmant qu'il est possible de reprendre le
dossier à son compte. Les personnes débauchées ont eu, comme par hasard,
les codes sources avec elles lorsqu'elles ont travaillé pour SFCE. Nous avons
ici le B-A-BA du parfait contrefacteur : codes sources laissés chez le client,
débauchage de personnel et intégration du logiciel puis distribution dans toute
la société et ses filiales".
"Nous
demandons 4 millions d'euros de dommages et intérêts pour le préjudice direct"
(Le
P-DG d' ADNSOFT) |
Le 12 janvier 2001, le Tribunal de Grande Instance de Versailles, saisi par
ADNSoft ("au civil") pour violation de la clause de non sollicitation
du personnel et pour concurrence déloyale, a débouté l'éditeur
de ses demandes mais il a renvoyé le procès devant le Tribunal correctionnel,
estimant qu'il résultait de l'information judiciaire des charges suffisantes
à l'encontre de la SFCE pour contrefaçon de logiciel.
Une audience de plaidoirie était prévue le 20 janvier dernier au
Tribunal Correctionnel de Nanterre. Elle a été reportée au
2 juillet prochain en raison d'une "actualité judiciaire chargée"
(il semblerait néanmoins, selon Me Antoine Chatain, que le report par SFCE
ait été obtenu pour le mois d'octobre).
"Nous demandons 4 millions d'euros de dommages et intérêts
pour le préjudice direct et nous demandons que le produit ne puisse plus
être utilisé par SFCE. Les préjudices complémentaires
liés à des clauses de non débauchage, à des redevances
de licences et à la concurrence déloyale seront ultérieurement
réclamés au civil", ajoute le P-DG de l'éditeur, Didier
Collas.
Depuis le dépôt de la plainte en avril 2000, quatre années
d'attente auront donc été nécessaires pour parvenir à
une première audience. "Les lenteurs du système judiciaire
sont à cet égard insupportables pour une PME de 10 personnes telle
qu'ADNSoft, face à un groupe pesant plus de 24 milliards d'euros",
conclut Didier Collas.
|