LIVRE 
"J'ai adopté un linuxien"
Tout le mois d'août, JDN Solutions vous propose les bonnes feuilles de DSI.con, publié par Olivier Séhiaud - un pseudonyme bien sûr - aux éditions 2020. Un portrait drôle et bien senti de la vie d'un patron de l'informatique.   (20/08/2004)

DSI.CON
"L'informatique m'a tuer"
Editions2020

Il s'appelle Olivier Séhiaud (OS) et il est informaticien. Mais pas n'importe lequel : leur chef, le DSI ! Chez Moudelab & Flouze, l'entreprise familiale dirigée par Pierre-Henri Sapert-Bocoup où il exerce son métier, il est entouré par Xavier Martin-Laville (XML) le directeur marketing, Hubert Henron le directeur financier ou Françoise Plansoc, la DRH. Et il raconte ce qu'il lui arrive au quotidien...
C'est vrai, je me suis laissé tenter. A force de discuter avec des collègues qui avaient été convertis, j'ai craqué. Avoir un produit gratuit qui fait la même chose qu'un produit vendu très cher, comment résister ? Je n'ai pas pu, surtout que je me voyais mal expliquer au directeur financier, un retors celui-là, que nous avions acheté un produit qui est disponible gratuitement. Il a déjà le teint pâle, il serait devenu plus blanc que blanc.

J'ai donc installé Linux. On m'avait dit que la gratuité était super pour le DSI et que je passerai pour un champion de l'économie soucieux de conserver les sous de son entreprise. Enfin indépendant face à Bill Gates, le patron de Petit Mou (Microsoft, en français) ! Enfin libre de bidouiller le code source pour le transformer à ma guise, m'avait-on assuré... Pourquoi libre ? Je l'étais déjà de corriger tout seul les nombreux plantages que je rencontrais.

Enfin libre de se démerder tout seul serait plus juste : la première société de services que j'ai consultée m'a annoncé des prix astronomiques pour faire l'intégration de Linux dans mon système d'information : presqu'aussi cher que des consultants en stratégie pour bidouiller du code ? Certes, je suis aussi libre de me faire arnaquer.

J'ai préféré recruter un développeur Linux pour faire le boulot. Question look, c'est identique à un soixante-huitard attardé ; question tarif, c'est plus avantageux qu'un ingénieur de SSII. On leur fait le coup du système d'information “communautaire-libéré-contre-le-méchant-Microsoft-où-les-chevelus-comme-lui-peuvent-s'éclater-à-donf” et il signe tout de suite contre une rémunération plus que raisonnable.

Il est arrivé un lundi matin. En retard. Ses (futurs) collègues l'ont lorgné de travers, se demandant qui était ce grand type aux cheveux filasses. Le seul qui pouvait lui ressembler était le fils du patron, un “libertaire-contestataire” qui avait tout lu sur Mai 1968 ! Mais il ne mettait jamais les pieds dans le service informatique.

Je leur avais caché l'arrivée du linuxien. Les révolutions de palais, c'est pas mon truc ! Mes informaticiens sont tous des certifiés Microsoft-Cisco-Novell, avec leurs vaccinations Windows à jour (trois jours sur le campus de Redmond suffisent pour vous transformer un ingénieur normalement constitué en farouche défenseur des intérêts de Bill Gates).

- B'jour, où est la bête ?
Comme première question je m'attendais à mieux. Il aurait pu s'enquérir du lieu où était installée la machine à café, à quelle heure ouvre la cantine ou, mieux, et de façon plus pragmatique, où se trouve son bureau…
Non, lui, il lui fallait une bête, une bécane, bref un serveur, comme je l'ai deviné seulement au bout de quelques secondes. Effrayé à l'idée de lâcher mon linuxien tout neuf dans l'espace ouvert où mon équipe s'activait déjà, je bottais en touche.
- Un café pour commencer la journée ? Et puis, nous allons prendre quelques minutes pour faire connaissance, lui dis-je.
- Ouais, bien sûr, après je me mets au boulot.
“Enfin un qui ne rechigne pas à la tâche, ça change…”, pensai-je.

Les jours qui suivirent furent difficiles. Mon linuxien avait heureusement pu sympathiser avec certains de mes développeurs (ils sortaient de la même école) mais il ne pouvait s'empêcher de mettre son grain de sel dans tout ce qui était produit par le service études.

Comment s'en débarrasser ? Il avait déjà sévi dans les premiers développements d'une application pour le service marketing, en intégrant des briques téléchargées on se sait où, sans documentation. “T'occupes, c'est gratos, tu vas pas en faire un plat” avait-il rétorqué au responsable des études qui lui demandait si le cahier des charges était suivi à la lettre et s'il ne serait pas judicieux de s'appuyer sur des offres commerciales matures et éprouvées pour répondre au besoin du marketing.

Je pris rendez-vous avec la DRH. Trop contente d'être enfin impliquée (j'avais recruté mon linuxien sans lui demander son avis), elle m'accueillit avec un large sourire. Sans doute le même qu'elle avait prodigué à tous les heureux bénéficiaires du précédent plan social.
- Je constate dans son dossier qu'il a terminé sa période d'essai… depuis deux jours, observa-t-elle après avoir affiché sur son écran les éléments issus de l'intranet ressources humaines (performant d'ailleurs, j'en avais moi-même supervisé le cahier des charges).

C'est un détail qui m'avait évidemment échappé. Trop absorbé par d'innombrables tâches quotidiennes, j'avais laissé passé ce délai fatidique…
- Vous savez, statistiquement, dans une population quelconque, vous avez 10% de malhonnêtes et 10% de fouteurs de merde…
Je me demandai si la DRH faisait partie de la première ou de la seconde catégorie…
- Vous voilà désormais aux normes, à la DSI, railla la DRH, toujours avec son sourire ironique.

Mon linuxien fut donc adopté. Le soir même, je me précipitai à la librairie la plus proche pour acquérir le dernier traité sur la psychologie animale, histoire de me familiariser avec les techniques de domestication… Si ça ne marche pas, je relirai Darwin.

© Editions 2020

 

Rédaction, JDN Solutions
 
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