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Médias et communication : comment le secteur a-t-il vécu la transformation technologique ?
En quelques années, les nouvelles technologies ont bouleversé les outils, méthodes, infrastructures et modes de travail dans le secteur des médias et de la communication. Au prix d'une techno-dépendance accrue et d'un repli sur soi avéré.  (13/09/2004)
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L'apparition des nouvelles technologies a-t-elle profondément modifié la façon de travailler de nos confrères journalistes et des professionnels de la communication ? C'est ce que nous avons voulu savoir à travers cette enquête qui met en exergue de nombreuses évolutions dans la façon de travailler, dans les outils utilisés, le rythme quotidien, etc.

Elle arrive aussi à la conclusion que tout ne va pas aussi rapidement que l'on pourrait le croire, notamment en termes de travail à distance et de travail collaboratif et que les relations interpersonnelles ont grandement évolué.

Au sein du groupe Le Revenu, une première illustration de ce qui a changé pour les journalistes nous est donnée par l'utilisation de QPS (Quark Publishing System). Grâce à cette solution, la saisie des articles permet désormais de visualiser la forme même que ces derniers auront lors de leur parution en version papier, évitant ainsi les désagréables coupes de texte après mise en page.

"Il y a 10 ans, nous étions encore à taper des textes sur ordinateur et à utiliser des disquettes. Aujourd'hui, le journaliste pense à la fois au contenu et à la forme de son article, c'est un gain de temps formidable et, une fois que c'est rempli, c'est rempli !", explique Romain Dion, rédacteur en chef délégué du Revenu. Pour la version Web du journal, même principe, les articles sont rédigés puis directement mis en ligne sans autre forme de procès.

Chez Bayard Presse, l'enjeu - depuis trois ans - est de savoir comment arriver à une saisie unique de l'information qui permette ensuite une publication sur plusieurs canaux, que ce soit les éditions papier et le Web, en version gratuite ou premium (payante). "Pour La Croix, nous avons mis en place un système éditorial 100% XML pour le papier et, côté Internet, une sortie XML part vers le serveur Web, ce qui permet de récupérer facilement les contenus, sans tenir compte de la forme", détaille Cédric Naux, responsable des activités Internet.

"Notre structure repose sur une architecture informatique permettant le télétravail"

L'AFP, qui a récemment lancé MagazineForum, une plate-forme Web conçue pour répondre à la demande croissante d'articles pré-édités, a elle aussi opté pour le XML, choisissant une solution d'archivage et de publication reposant sur ce langage.

Chez France Télévision Interactive, même fluidité dans les flux. La collaboration entre les équipes en charge de l'antenne (France 2, France 3, etc.) et celles des sites Internet correspondants fonctionnant plutôt bien.

"Nous faisons de l'information en continu, de manière autonome, en complément des journaux télévisés, mais nous intégrons un certain nombre d'éléments venus de l'antenne, comme des reportages isolés. Par ailleurs, les journaux télévisés sont mis à disposition en ligne, sur le site des chaînes. Pour automatiser ces tâches, nous disposons de systèmes d'encodage et de numérisation", détaille David Botbol, directeur de l'information et des sports chez France Télévision Interactive.

Pour le Web, un système d'édition "maison" permet à tous les journalistes de France Télévision Interactive, lors de la rédaction de leurs articles, de récupérer des sources externes - dépêches d'agences, infographies et photos - pour construire de véritables articles multimédias. "Nous avions auparavant un autre système d'édition, que nous avons arrêté il y a un an. Le système actuel dispose de plus de possibilités d'édition de contenu, il est en outre plus rapide et plus ergonomique. Il est déployé à Paris et dans les rédactions régionales de France 3, pour permettre aux journalistes d'intervenir sur le site à distance", note David Botbol.

Intervenir sur le site à distance... un thème que Greg Manset, fondateur de Categorynet.com - un portail dédié aux médias et à la communication - connaît bien. "Notre structure repose essentiellement sur une architecture informatique permettant le télétravail. Notre public est français. Notre serveur est à Paris, géré par un technicien dédié depuis la France. Notre webmaster est en Flandre belge et nos bureaux sont à Bruxelles. Nous disposons d'un intranet permettant un partage des données et des documents et chacun de nos PC bruxellois est équipé d'une connexion VPN [réseau privé virtuel, NDLR]", précise le chef d'entreprise.

"Il est parfois plus facile de trouver des contacts grâce au Web. C'est un début de transparence"
Qui plus est, les télécommunications de Categorynet sont assurées par la voix sur IP (VoIP) et la plupart des lignes téléphoniques et de fax sont en messagerie unifiée, ce qui permet notamment aux fax et aux messages téléphoniques d'être réceptionnés par mail. "La technologie nous a permis de travailler avec des personnes que l'on voit une à deux fois par an et qui pourtant travaillent pour nous et avec nous presque quotidiennement", conclut-il.

Un recours aux nouvelles technologies dont est également très friand Régis Guillet, rédacteur en chef chez OL Télé (chaîne dédiée à l'Olympique Lyonnais). "Les gains économiques sont non négligeables. J'avais récemment besoin de prendre contact avec une télévision londonienne car ils avaient des images de Manchester United, équipe que l'OL allait rencontrer. Je les ai contactés par courrier électronique et deux jours plus tard, un Chronopost me les amenait. Sinon, ils auraient pu me les transmettre par un faisceau, c'est-à-dire une liaison satellitaire qui passe par le CERT et qui relie deux endroits précis. Le mail facilite excessivement les possibilités d'échange d'images, tous les attachés de presse, tous les joueurs en ont un, on travaille ainsi très, très vite".

Les aspects économiques sont également importants pour les petites structures, comme celle de David Prud'homme, journaliste et gérant de "Un Point Production", société spécialisée dans les documentaires. "On gagne du temps grâce au Web et de l'argent grâce à la Freebox [communications nationales en VoIP gratuites, NDLR]. Sur iChat, je peux par ailleurs travailler avec 3 ou 4 collaborateurs ; un peu ce que Lotus avait vu il y a 10 ans, mais avec des logiciels compatibles entre eux. On peut aussi aisément travailler de chez soi, avec des frais de bureau moins élevés. J'ai appris le journalisme et j'ai pris l'habitude de travailler avec Internet, je ne pourrais pas travailler sans. Enfin, il est parfois plus facile de trouver des contacts grâce au Web, ce qui permet d'essayer de démarcher en direct. Cela ouvre des portes, c'est un début de transparence dans un marché tenu par des très gros, qui ont une clientèle acquise", commente le gérant.

"La communication de crise a fait de gros progrès grâce aux technologies"
La transparence accrue, un avantage que souligne également Christophe Ginisty, directeur général de l'agence de communication Rumeur Publique. "Il est très facile d'obtenir un e-mail aujourd'hui, c'est d'une simplicité biblique quand on connaît le suffixe utilisé par une société. Cela permet des contacts directs avec des personnes très haut placées. J'ai résolu un problème de cette manière avec un fournisseur, en envoyant un mail à son Président, qui m'a répondu dans les 2 minutes".

Autre bénéfice lié au secteur de la communication, la capacité à traiter les crises plus rapidement. "La communication de crise, très technique, a fait de gros progrès. On peut aujourd'hui éteindre un feu en quelques heures ou quelques jours, alors qu'il fallait parfois plusieurs semaines auparavant", ajoute Christophe Ginisty.

Dans une autre agence - 3D Communication -, les méthodes et outils évoluent aussi grandement. "Nous allons bientôt lancer le JT Web, un film très court, de quelques minutes, mis en ligne sur l'extranet de nos clients. Les outils sont mûrs aujourd'hui pour diffuser en temps réel un tel journal : la prise de vue numérique est peu chère, tout comme le montage, et les tuyaux qui véhiculent l'image ont de bons débits", précise Hervé du Souich, directeur général.

Mais les pièges sont nombreux. Les nouvelles technologies, que ce soit côté journaliste ou communicant, génèrent des flots d'informations qu'il est parfois difficile de maîtriser, ou du moins de suivre avec précision. "Le journaliste dispose de toute l'information brute qu'il souhaite. La relayer n'a donc plus aucun sens pour des agences telles que la nôtre. Il nous faut être capable de la mettre en perspective, de trouver des angles d'attaques originaux", complète Hervé du Souich.

"Dans les RP, on ne se rencontre qu'après avoir vérifié par mail que le contact allait être profitable pour chacun"
Greg Manset, de Categorynet, abonde dans le même sens : "Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans des problématiques de veille ou de collecte mais de tri et de sélection !" Et Christophe Ginisty d'ajouter : "plus vous êtes confronté à un amas d'informations et de messages véhiculés par Internet, plus vous avez envie de dire le contraire, de prendre le contre-pied. Il y a un phénomène de rejet, lié à l'excès de technologie, et une contre-culture émerge face à une culture de la communication à tout-va oppressante… C'est rafraîchissant".

Autre phénomène notable, le changement des rapports entre les personnes. "Les relations entre les gens ont été profondément bouleversées, notamment en interne. Désormais, des collègues s'envoient des mails alors qu'ils allaient prendre un café auparavant. A l'extérieur de l'entreprise, dans le cadre de ses relations publiques, c'est la même chose. Les rencontres en face à face deviennent le résultat d'une campagne d'échange par mail préalable, où l'on dégrossit le contact et l'intérêt mutuel des uns et des autres. On ne se rencontre qu'après avoir vérifié que le contact allait être profitable pour chacun", commente Christophe Ginisty, de Rumeur Publique.

Dernières faiblesses de ce mode de fonctionnement : les dépendances. Dépendance aux pannes : "une panne de courant ou un crash informatique et c'est toute une entreprise qui se retrouve au chômage technique", note Greg Manset, soutenu par Régis Guillet (OL Télé), qui complète : "il nous est arrivé d'avoir une panne informatique et d'être privé d'accès, cela a été un frein dramatique".

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Dépendance aux outils aussi : "l'inconvénient est que l'on devient prisonnier de son mail. Je passe mon temps à regarder ce que j'ai dans ma boîte !", s'insurge Romain Dion (Le Revenu). Et c'est Greg Manset qui donne le coup de grâce : "nous travaillons derrière des écrans, avec des e-mails, Internet et des téléphones et nous ne bougeons presque plus en rendez-vous. Ce n'est pas un choix mais une fatalité".
 
 
Fabrice DEBLOCK, JDN Solutions
 
 
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