Réduire la fracture numérique entre les zones urbaines et rurales
françaises en réduisant le coût de l'accès au satellite par
un facteur cinq, c'est le projet ambitieux mené par le Centre
National d'Etudes Spatiales (CNES) sous le nom Agora (Accès
Garanti et Optimisé pour les Régions et l'Aménagement des territoires).
Au delà de la France le projet couvrira l'Europe et pourrait
aussi desservir les pays du pourtour méditerranéen.
Initié en avril 2003, le projet prend un coup d'accélérateur
cinq mois plus tard après des demandes insistantes de l'Etat.
Pour briser les coûts, l'agence compte attaquer les prix sur
deux fronts. "Aujourd'hui, 70 à 80% du prix d'un accès satellite
provient du canal satellite. C'est à ce niveau qu'il faut
porter l'effort pour faire baisser les prix", indique Bernard
Mathieu, directeur des programmes de télécommunications au
CNES de Paris.
Dans
ce domaine, les opérateurs satellites fixent aujourd'hui leurs
prix en fonction du principal service associé au satellite,
la télévision. Un mode de tarification inadapté à un marché
de vente au détail. "Aujourd'hui nous sommes dans un marché
où l'opérateur marge plus que celui qui offre les services",
souligne Bernard Mathieu. Pour changer ce modèle économique,
le CNES envisage d'exploiter une technologie multifaisceau.
"Plutôt que de diffuser l'information par des faisceaux larges
comme le fait un satellite traditionnel, nous utilisons une
multitude de faisceaux étroits. Sur un satellite de quarante
faisceaux, on émet sur des bandes de fréquences différentes
associées chacune à un faisceau dans un groupe de quatre faisceaux
juxtaposés, le motif de quatre faisceaux est répété dix fois.
Ainsi on réutilise dix fois la même plage de fréquence, le
coût est réduit par dix", explique Bernard Mathieu. Chaque
faisceau couvre une zone géographique donnée. Quatre faisceaux
sont ainsi nécessaires pour couvrir l'ensemble du territoire
français.
"Pour chaque faisceau, il existe une passerelle qui relie
le satellite au réseau terrestre. C'est cette passerelle que
l'opérateur satellite pourra attribuer aux FAI qui en feront
la demande", déclare Bernard Mathieu. Si le projet trouve
preneur chez les investisseurs privés, le satellite pourrait
être opérationnel d'ici 2007. En attendant, le CNES dispose
d'un atout supplémentaire pour faire baisser les coûts du
canal satellite.
"Le standard satellite en Europe est la norme DVBS. En passant
au DVBS2, plus performant, il est possible de réduire déjà
les coûts de l'ordre de 30% environ", analyse Bernard Mathieu.
Deuxième front en matière de réduction des coûts auquel s'attaque
le projet Agora, le coût du terminal satellite. Aujourd'hui
de l'ordre de 1 500 euros et plus, il reste trop cher pour
un marché de masse. Après une étude de faisabilité réalisée
en partenariat avec Thomson, le CNES estime qu'il serait possible
de ramener ce prix à 300 euros.
Pour
45 euros par mois, l'utilisateur disposera d'une connexion
triple play |
Même chose pour le prix des passerelles réseaux qui se situent
aujourd'hui autour de 150 euros par abonné géré
et qui pourraient tomber à près de 50 euros par abonné
géré dans un marché de masse. Le coût du canal
satellite servira donc de détonateur à la baisse des prix,
puis la demande grimpant, le prix des équipements baissera.
Coté utilisateur, un modem triple play a même été envisagé.
"Ainsi pour 45 euros par mois, l'utilisateur disposerait d'une
connexion 1 Mbits/s, de 50 chaînes de télévision et d'un forfait
de voix sur IP limité en temps", ambitionne Bernard Mathieu.
Dans ces 45 euros figure également le remboursement du modem
triple play. Le panel de tarifs est alors très large. Selon
le souhait de l'opérateur, il sera possible de facturer plus
cher une ligne à très haut débit garanti. Tandis que pour
une offre destinée aux particuliers, le satellite pourrait
passer sous la barre des 30 euros pour une offre triple play
512 Kbits/s. "Avec de tels tarifs, le satellite serait encore
plus cher que des offres fibres/DSL en zones urbaines mais
moins cher que du WiFi ou du Wimax en zones rurales", conclut
Bernard Matthieu.
Et ce n'est que le début de ce qui pourrait être un changement
radical des technologies Internet par satellite. En 2009,
l'Agence Spatiale Européenne envisage de lancer un satellite
offrant une capacité deux à trois fois plus importante que
celle promise par le premier satellite multifaisceau. Pour
devenir réalité, le projet Agora nécessite désormais la participation
d'investisseurs privés.
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