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Philippe Aigrain (Sopinspace) : "Avec les brevets, plus d'innovation possible sauf pour les gros acteurs"
Le directeur de la Société pour les espaces publics d'information estime que la seule chose à faire est d'ignorer les brevets logiciels, même s'ils s'appliquent en Europe.  (09/03/2005)
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Directeur de la Société pour les espaces publics d'information (Sopinspace) - spécialisée dans les outils et les services du débat public citoyen sur Internet et de la coopération utilisant Internet -, Philippe Aigrain s'est intéressé au dossier brevets depuis 1998, et craint un racket systématique de la part des sociétés détentrices.

JDN Solutions. Comment percevez-vous l'actuel débat autour des brevets logiciels ?
Philippe Aigrain. Comme n'importe quelle société qui vit dans le monde du logiciel libre et qui essaie d'innover, les brevets logiciels représentent un danger. Nos relations avec les communautés du libre se font en tant qu'usager - par l'utilisation de Zope Plone - mais aussi en tant que producteur de nouvelles briques de base. Il faut y ajouter des relations plus générales avec la communauté qui tiennent à mon activité intellectuelle, politique ou de droit.

Mais je n'ai pas découvert le thème des brevets logiciels à travers le filtre du débat actuel. Jusqu'à il y a deux ans, je travaillais à la Commission européenne, en tant que chef de secteur pour les technologies du logiciel. A ce titre, je participais au suivi de ce dossier, au sein de la direction générale sur la société de l'information. Vers 1998, j'ai suivi de près le dossier quand il est apparu de façon visible, je l'ai suivi au niveau politique et réglementaire et je suis devenu très critique à l'égard des brevets logiciels quand j'ai quitté la Commission.

Pour quelles raisons ?
A l'intérieur de la DG société de l'information, les positions que je défendais étaient que les brevets logiciels auraient un impact sur les politiques de l'innovation. Un des atouts fondamentaux de l'innovation logicielle en Europe repose sur une masse très importante de développeurs très qualifiés, peu de sociétés développant des logiciels packagés. Il y a regénération de l'innovation grâce à une base qui fonctionne sur la coopération de type "logiciel libre" et sur la création de synergies entre innovation industrielle et fonds d'innovation.

A coté de cela, j'ai une analyse sociétale et humaniste. Je suis profondément convaincu que les logiciels capturent énormément de connaissances et de savoir-faire. En d'autres termes, la forme moderne de la communication et de la réutilisation des connaissances passe par les logiciels. Si des monopoles apparaissent, c'est un danger pour ce genre de connaissances, il ne faut donc pas les laisser s'établir.

En Europe, pour le moment, il y a peu de litiges, tant que l'incertitude sur la validité des brevets demeure
Il y a trois types de brevets. Tout d'abord, les brevets qui portent sur de petits éléments de fonctionnalité, qui par exemple permettent de prendre le texte d'une URL, de le faire glisser vers le bureau et d'obtenir un raccourci. Ensuite, les brevets portant sur des composants de systèmes, comme par exemple le fait d'utiliser une mémoire cache pour optimiser le transfert de données entre un terminal et un réseau.

Compte tenu de la possibilité de déplacer une idée informatique d'un domaine à l'autre, les détenteurs de brevets issu d'un certain domaine d'activité prétendent que leurs brevets s'appliquent à d'autres domaines. Un racket systématique devient possible, les sociétés spécialisées réclamant des sommes moins élevées que le coût du litige si on refuse de payer. Enfin, il y a les brevets algorithmiques, qui sont propres aux laboratoires de recherche.

En Europe, pour le moment, il y a peu de litiges, car tant que le débouché du travail législatif n'aboutit pas, l'incertitude sur la validité des brevets déposés à l'OEB fait que leurs détenteurs préfèrent ne pas créer de jurisprudence qui pourrait leur être défavorable.

Les brevets logiciels, qu'est-ce que cela changerait pour vous ?
La seule chose que l'on pourrait faire si les brevets logiciels venaient à exister en Europe serait tout bonnement de les ignorer totalement, vu l'opacité des brevets dans le champ logiciel.

Si les brevets logiciels existaient, il y en aurait rapidement 100 000 ou 200 000
Si les brevets logiciels existaient, il y en aurait rapidement 100 000 ou 200 000. Dans une telle situation, de petites sociétés logicielles innovantes comme la nôtre seraient tout simplement obligées d'essayer d'ignorer les brevets. Car, quand nous développons une application innovante, 1% vient de nous et 99% provient du pot commun de ceux qui nous ont précédés. Si le pot commun cesse d'être commun, que l'on permet son appropriation par les brevets, il n'y a simplement plus d'innovation possible sauf pour les gros acteurs capables de passer des accords de licence croisée.

La quasi totalité des litiges qui sont allés jusqu'au bout ont débouché sur l'invalidation des brevets, mais les acteurs n'ont pas les moyens de supporter le coût des procès, même s'ils gagnent finalement. Heureusement, le secteur du libre a été protégé par la pression communautaire, cela mobilise pas mal de monde, ce sont des réseaux organisés dans la dénonciation de certaines démarches. On devrait s'en remettre à cette protection issue du fait de la légitimité de contribuer à des biens commun.

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Mais ce n'est pas mon pronostic, je suis très loin d'avoir perdu espoir quant à la possibilité d'un rejet des brevets logiciels en Europe. Tant que l'OEB ne sera pas revenu sous un contrôle des gouvernements européens, cela laissera une situation chaotique. Ses membres sont en effet nommés, pour le moment, par les gouvernements nationaux, représentant les offices des brevets nationaux.

Philippe Aigrain est l'auteur de Cause commune : l'information entre bien commun et propriété, Editions Fayard, février 2005.
 
 
Fabrice DEBLOCK, JDN Solutions Sommaire Acteurs
 
 
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