TRIBUNE 
PAR ALAIN LEFEBVRE (6nergies.net)
Le retour de la forêt pétrifiée !
Il y a 15 ans, l'informatique centralisée cessait d'innover. Le même phénomène se reproduit aujourd'hui avec l'informatique qui a succédé et triomphé. Conséquence : fleurissent des discussions sans intérêt sur des progrès techniques qui n'apportent rien.  (04/05/2005)
 
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Il y a 15 ans, on a assisté a un phénomène très important qui a touché et redéfini l'informatique.

Vous aviez d'un côté la micro-informatique qui évoluait et innovait à toute vitesse (interfaces graphiques, architecture client-serveur, etc.). De l'autre côté, l'informatique traditionnelle (mainframe, centralisée, terminaux en mode block, etc.) qui ne progressait plus. Elle venait de rentrer dans la forêt pétrifiée !

Evidemment, ses promoteurs de l'époque n'étaient pas conscients de cette petite mort. Pour eux, les discussions sur les AGL et le repository représentaient les seules vraies avancées de la technique et ils n'avaient que reniflements de mépris pour les jouets de la “micro en réseau”.

On sait ce qu'il est arrivé : l'informatique centralisée n'a pas disparue mais, aujourd'hui, plus personne n'oserait dire qu'elle représente le top de la technique.

J'étais déjà là à l'époque (du bon côté) et je me souviens combien il nous semblait évident que “l'informatique mainframe” était perdue pour le progrès.

Je me souviens des affrontements que nous avions avec les “notables” qui nous traitaient de “barbares”, d'utopistes et même “d'irresponsables”. Nous étions très fiers de ces étiquettes que nous revendiquions comme des décorations !

En ce temps-là, Microsoft (oui, Microsoft), Sybase et Sun étaient synonymes d'innovation, de dynamisme et même d'audace ! Ça parait loin, hein ? Oui, c'est bien loin, un cycle entier s'est écoulé : les modernes d'hier sont devenus les notables du jour. Les innovateurs (ceux qui ont survécu du moins) paraissent bien amortis désormais.

Cette informatique autrefois de pointe est devenue tout doucement l'informatique traditionnelle. Elle n'innove plus, ne fait plus rêver et s'embourbe dans des impasses. Etonnez-vous après cela qu'elle soit en crise, que les clients s'en détournent et que des analystes sévères mais lucides comme Nicholas Carr la condamne (avec des pamphlets bien sentis comme “IT does'nt matter”).

Sévère mais logique car c'est bien le même phénomène qui se reproduit : la micro-informatique devenue traditionnelle est entrée à son tour dans la forêt pétrifiée… Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on assiste donc aux mêmes débats stériles. Les “ténors” de l'industrie s'enlisent joyeusement dans des discussions sans intérêt sur des progrès techniques qui n'apportent rien.

 
"On assiste au même phénomène de décrochage qu'il y a 15 ans"
 

C'est le même phénomène de décrochage qu'il y a 15 ans. Et cette fois, où est la véritable innovation ? Du côté du Web pardi ! Ouvrez les yeux, il se passe vraiment quelque chose avec l'Internet 2.0. Par exemple, le KM (Knowledge Management ou gestion de la connaissance) a enfin trouvé sa solution avec les Wikis mais il n'y a que les experts du KM à l'ignorer. Ces derniers vont vous expliquer, très doctement, que les Wikis ne sont pas une solution acceptable, qu'il manque ceci, qu'il faudrait cela…

Ce comportement dédaigneux m'évoque terriblement l'anecdote suivante : quand Tim Berners Lee a commencé à présenter le Web aux experts de l'hypertext (qui débattaient du SGML depuis des années… ils y sont encore d'ailleurs !), il s'est heurté à un mur d'incompréhension et de septicisme :

- mais où est la base centralisée des liens ?
- heu, il n'y en a pas !
- mais alors, que se passe-t-il si un lien pointe vers une ressource inexistante (un lien cassé quoi) ?
- ben, un code d'erreur (le fameux 404)...
- un code d'erreur ? et c'est tout ? inacceptable !

Les “experts” du domaine n'ont pas vu que cette relative permissivité était la clé du succès. On connait la suite…

Un autre exemple, terriblement significatif, les Web services. On vous a dit et répété que les Web services étaient l'avenir, la clé technique qui allait enfin permettre le mariage de l'informatique et de l'Internet. Qu'ils étaient incontournables, qu'ils allaient être utilisés partout.

 
"Où en est-on enfin sur ce fameux sujet des Web services ? Nulle part !"
 

On a eu droit à 5 ans de conférences, convergences, divergences, publications, certifications, remise en cause, améliorations, ajouts, etc. Et aujourd'hui, où en est-on enfin sur ce fameux sujet des Web services ? Nulle part !

Rien de significatif si on se contente de considérer que les Web services sont forcément ceux préconisés par l'industrie, la forme “académique”. La terrible vérité c'est que les Web services à la mode SOAP sont dans une impasse : personne n'y comprend plus rien et personne ne s'en sert.

L'industrie à réussi à nous refaire le coup de CORBA et ça finira comme CORBA (seule différence par rapport à CORBA, cette fois-ci, Microsoft est dans le coup).

En revanche, si on regarde ce qui se passe avec l'Internet 2.0, là les Web services sont un vrai succès (mais les Web services façon REST, le mode dont personne ne parle : pas assez technique !).

Voilà ce qu'en dit Stewart Butterfield, co-fondateur du service de partage de photo Flickr (qui vient de se faire racheter par Yahoo) et qui offre des APIs via les Web services justement : "sur un plan strictement pratique, je pense que nous avons eu une personne qui nous a interrogé sur la version SOAP de notre API. Je ne sais pas s'il y a eu des applications construites dessus. Il y a au moins une application reposant sur XML-RPC. Mais, tout le reste -et je ne sais même pas combien il y en a tellement elles sont nombreuses- repose sur notre API REST. C'est juste si facile de développer ainsi ; je pense qu'il est absurde de faire autrement".

Tout est dit… Et il n'y pas que dans le domaine du KM ou des Web services où l'Internet 2 est en avance et en train de redéfinir l'informatique, en matière d'interface utilisateur également.

Les designers compétents dans ce domaine n'ont jamais avalé que l'hypertexte simple du Web ait pu détrôner le mode événementiel et, depuis peu, ils réclament à corps et à cris le retour du “client riche” misant une fois sur Java, l'autre fois sur Flash ou que sais-je ?

Mais le client Web va perdurer car il n'arrête pas de se bonifier. Une fois encore, regardez ce qui se fait sur Gmail ou sur Flickr (encore). L'emploi des CSS et de JavaScript permet désormais de réaliser des prouesses inimaginables il y a quelques années (voir à ce propos http://tool-man.org/examples/edit-in-place.html). Bref, l'informatique devenue traditionnelle ne va plus rien nous apporter (mais ne va pas disparaitre, tout comme son ancêtre, elle va simplement ajouter une nouvelle strate dans la forêt pétrifiée), on peut l'oublier.

En revanche, pour une informatique 3.0, intéressez-vous à l'Internet 2.0, c'est là que cela se passe !

Alain Lefebvre
Alain Lefebvre est également conférencier et écrivain
 

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