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Frédéric Couchet (FSF France) : "ce qui nous pousse à travailler sur une nouvelle version de la GPL n'a rien de ludique" |
Le Président de la Free Software Foundation en France détaille les facteurs externes qui pourront faire évoluer la licence GPL. Il n'oublie pas également de répondre à Sun et à son président sur cette même licence.
(11/05/2005) |
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JDN Solutions. Quelles évolutions la licence GPL pourrait, ou
devrait-elle prendre dans sa future version ?
Frédéric Couchet. Je trouve exceptionnelle l'attention portée à la parution de la
prochaine version de la licence GNU GPL. Un peu comme s'il s'agissait
de la dernière édition d'un jeu vidéo en vogue. Malheureusement la
motivation qui pousse la FSF à travailler sur une nouvelle version n'a
rien de ludique.
La première raison qui peut amener à la révision d'une licence est un
changement des lois. Comment prendre en compte les modifications du
droit d'auteur afin que la GNU GPL garde sa pertinence ? Je ne pense
pas ici forcément aux brevets logiciels car les problèmes qu'ils
posent existaient déjà en 1990 et la GNU GPL contient des dispositions
spécifiques les concernant, dispositions qui peuvent peut-être
être améliorées.
Par contre, le traité OMPI de 1996 qui a entraîné la mise
en place du DMCA - le Digital Millennium Copyright Act - aux États-Unis et de l'EUCD - European Union Copyright Directive - en Europe a profondément
affecté le droit d'auteur. Ses effets sont connus du grand public à
travers le débat sur la copie privée. L'EUCD risque de faire interdire
la publication de tout Logiciel Libre permettant, par exemple, de lire
un DVD. Il ne s'agit même pas ici de copier un DVD mais simplement de
le lire avec du Logiciel Libre. Bien que le traité OMPI date de 1996,
ses effets viennent juste d'arriver en France et font l'objet de
controverses très animées, que le site www.eucd.info relate.
Dans l'hypothèse où, en
Europe comme aux États-Unis, les législateurs continueraient à faire la
sourde oreille aux spécificités du logiciel libre, il deviendra
nécessaire de concevoir une nouvelle version de la licence GNU GPL
afin de prendre en compte les nouvelles dispositions du droit
d'auteur. J'ai cependant espoir que les États-Unis réalisent les
dommages de six années de DMCA et que le législateur français repousse
les aspects liberticides de l'EUCD.
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La seconde raison pour modifier une licence est un changement de l'univers dans lequel évoluent les logiciels" |
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Quelles sont les autres raisons qui pourraient amener à des changements ?
La seconde raison pour modifier une licence est un changement de
l'univers dans lequel évoluent les logiciels. En 1990, Internet était
un phénomène marginal, aujourd'hui il est inévitable. Une conséquence
importante est la possibilité pour chaque être humain d'utiliser un
logiciel sans disposer d'une copie de ce logiciel. Un moteur de
recherche, par exemple, n'a pas besoin d'être publié pour être
accessible à tous. C'est ce que recouvre le concept d'ASP.
Or, lorsqu'un auteur publie un logiciel sous GNU
GPL, il dit qu'il accepte de partager son oeuvre avec ceux qui
partagent de la même facon. Ainsi, une personne qui modifie un
logiciel sous GNU GPL ne peut pas le redistribuer sous une licence
plus restrictive. Mais si cette personne modifie le logiciel sous GNU
GPL et le rend disponible à tous sous la forme d'un service Internet ?
Il n'y a pas d'acte de distribution et la volonté de l'auteur du
logiciel originel peut être ignorée. C'est ce que l'on appelle en
anglais l'ASP loophole [NDLR : l'échappatoire
de l'ASP].
On le voit, le problème n'est pas spécifique au Logiciel Libre ou à la
GNU GPL, il touche au droit d'auteur appliqué au logiciel en
général. On ne peut pas rapprocher ce problème de la diffusion d'un
film à l'échelle mondiale. Si un film est diffusé sur toutes les
télévisions du monde, chaque personne en possession d'un magnétoscope
peut disposer d'une copie intégrale.
Si un logiciel est utilisable via
Internet par toutes les machines du monde, ce ne sont que ses
manifestations que l'on peut enregistrer et non le logiciel lui
même. Vous pouvez garder copie de tous les résultats que vous donne
un moteur de recherche, cela ne vous donnera pas une copie du logiciel
qui sert à faire ces recherches.
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Des rumeurs sans fondements circulent sur la future GPL, telles qu'un effet rétroactif" |
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Ce sont donc ces deux problèmes qui motivent les efforts de la FSF
pour produire une nouvelle version de la GNU GPL. Des rumeurs sans
fondements circulent, telle qu'un effet rétroactif. Encore faudrait-il
démontrer que le droit d'auteur permet des effets rétroactifs en
gardant à l'esprit que le droit moral n'est pas appliqué en pratique
lorsqu'il s'agit de logiciels.
Une autre rumeur dit que la prochaine
version permettrait de s'affranchir des termes de la licence moyennant
finances. Ce qui est d'autant plus ridicule que c'est déjà le cas. Si
vous arrivez à convaincre l'auteur d'un logiciel GNU GPL, moyennant
une somme d'argent, de vous concéder une licence propriétaire, alors
vous êtes affranchis des conditions de la GNU GPL. C'est d'ailleurs ce
qui fait le fond de commerce de MySQL AB, l'éditeur de la base de
donnée Logiciel Libre. Il parait plus raisonnable d'attendre qu'un
brouillon de la nouvelle version soit publié pour ensuite
éventuellement la critiquer.
Que vous inspirent les récentes déclarations de Sun au sujet de la GPL ?
Jonathan Schwartz fait simplement preuve d'obscurantisme en critiquant
la GNU GPL. Il dit "J'ai discuté avec des pays en développement [...]
qui ont découvert après avoir commencé à incorporer du logiciel sous
GNU GPL dans leurs produits qu'ils étaient obligés de livrer leur
Propriété Intellectuelle au monde".
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De deux choses l'une : ou bien M. Schwartz à des pensées très éloignées de ce qu'il dit ou bien il ne sait pas de quoi il parle" |
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Imaginez la puissance de la GNU
GPL ainsi présentée : une personne innocente a introduit un logiciel
sous GNU GPL dans son pays qui se trouve dès lors pieds et poings
liés, contraint par la force de donner aux puissances étrangères
l'intégralité de ses secrets les mieux gardés.
Car le terme trompeur
de "Propriété Intellectuelle" couvre un champ très large incluant les
brevets, les oeuvres protégées par le droit d'auteur et les
marques. Attention, pays du monde entier, ne laissez pas entrer un
logiciel sous GNU GPL dans vos frontières, il va tout voler.
Pour un lecteur familier du droit d'auteur et de la GNU GPL qui
voudrait de surcroît donner à Jonathan Schwartz le bénéfice du doute,
il est sans doute possible de trouver une interprétation
sensée. Supposons que "leur Propriété Intellectuelle" désigne en fait un
ensemble infiniment plus petit : celui des logiciels publiés sous GNU
GPL et modifiés par des citoyens du pays en question. Supposons encore
que "ils étaient obligés de livrer" soit équivalent à "ils n'avaient
pas le droit de distribuer". On peut alors supposer que M. Schwartz
voulait dire qu'il n'est pas permis de s'approprier un logiciel sous
GNU GPL, même si on l'a modifié.
J'en conclue que, de deux choses l'une : ou bien M. Schwartz à des pensées très
éloignées de ce qu'il dit ou bien il ne sait pas de quoi il parle. |
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