L'article 47 du texte de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, stipule que "dans un délai de trois ans les services de communication publique en ligne des services de l'état, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent, doivent être accessibles aux personnes handicapées".

Dans l'attente du décret d'application de la loi, nous souhaitons apporter un éclairage sur les motivations des acteurs publics et privés qui ont su devancer la législation et sur les moyens qui leur ont permis de s'engager sur la voie de la migration vers l'accessibilité.

Définitions de l'accessibilité
Un site Web accessible est un site auquel il est possible d'accéder de façon équivalente, quelles que soient les caractéristiques physiques des utilisateurs (vue, ouïe, motricité) et quels que soient les matériels et logiciels mis en œuvre pour exploiter les contenus et services du site.

L'accessibilité a également pour ambition de surmonter les différences culturelle des utilisateurs ainsi que certaines situations de handicap cognitif.

Accessibilité au sens large : le Web pour tous
L'accessibilité, au sens large, est inscrite "dans les gènes" du Web : les protocoles d'échanges de données, le langage de description des pages définis par le W3C ont été conçus comme des standards universels : simples d'accès et d'interprétation. Ce principe d'accessibilité au sens large est l'une des raisons de la diffusion rapide et universelle du Web. La méconnaissance des normes du W3C a conduit les concepteurs de site à ne plus prendre en compte les standards d'accessibilité, dans la mesure où les navigateurs les plus courants devenaient de plus en plus permissifs et sophistiqués (ex. prise en compte sans alternative des frames, des menus déroulants, des animations Flash, du javascript etc…).

Accessibilité au sens strict : la prise en compte du handicap
L'accessibilité au sens strict de prise en compte des situations de handicap, a pour objectif de rétablir l'universalité de l'accès à l'Internet et à l'Intranet. Le handicap visuel est à ce titre le révélateur le plus flagrant de la réalité d'une dérive vers la non-accessibilité du Web car les matériels et logiciels des personnes déficientes visuelles sont spécifiques (synthèse vocale, plage braille). La sophistication des navigateurs courants s'est faite empiriquement et parfois au détriment des matériels et logiciels utilisés par les personnes en situation de handicap; en effet la tolérance des navigateurs au code approximatif ou franchement non-accessible a augmenté.

Pour les personnes en situation de handicap visuel, l'accessibilité revêt une importance critique : consulter un site accessible exige d'avantage de temps et de concentration pour une personne non-voyante mais consulter un site peu ou non-accessible est simplement impossible.

Le handicap moteur (difficulté à utiliser la souris et/ou le clavier, utilisation de matériel spécifique) est également pris en compte dans les fondamentaux de l'accessibilité.

Le handicap mental ou la difficulté à lire ne peuvent être contournés par des logiciels ou matériels adéquats. Ils nécessitent la conception de contenus de format spécifiques : langage simplifié pour le handicap mental , diffusion de contenus audio pour l'illettrisme et traduction en langue des signes pour la surdité.

Des enjeux de société
Les nouvelles technologies facteur d'autonomie dans les situations de vie
Pour les personnes en situation de handicap visuel, la numérisation a constitué une avancée significative dans l'accès à l'exploitation et à la diffusion d'information. Par exemple une édition en braille d'un dictionnaire nécessite plusieurs volumes papier, alors que le même dictionnaire tiendra sur un unique CD-rom qui sera de plus utilisable par tous, un dictionnaire en ligne accessible est encore plus universel et pratique pour tous.

Les nouvelles technologies, à condition d'être accessibles promettent d'avantage d'autonomie dans les situations de vie courante aux personnes en situation de handicap.

Il ne s'agit donc pas seulement de l'accès aux sources d'information mais également d'échanger, de consommer, de réaliser des procédures administratives, des gérer ses opérations bancaires, d'apprendre à distance… tout ce que l'Internet autorise aujourd'hui à la majorité des usagers.

La démarche accessibilité consiste à évoluer à destination de la totalité des usagers.

Le handicap est du côté des sites, pas des utilisateurs !
En effet, les matériels et logiciel adaptés existent et permettent d'exploiter les contenus et d'utiliser les services proposés sur les sites accessibles. De plus, le niveau d'équipement informatique des personnes déficientes visuel, notamment, est élevé. Dans la mesure où les moyens de créer ou de rendre un site accessible sont efficaces, où les entreprises capables de les mettre en œuvre se multiplient et les coût et délai associés sont restreints : la limite, le handicap, n'est résolument pas du côté des utilisateurs !

Le rôle crucial de l'accessibilité de l'intranet
Les intranets sont amenés à jouer un rôle de plus en plus prépondérant dans l'organisation du travail. Au départ utilisés comme support de communication, c'est au travers des applications Web qu'ils s'intègrent désormais au cœur des processus métiers des entreprises. Rendre les applications intranet accessibles permettra d'étendre le champs d'activité des personnes en situation de handicap au sein de l'entreprise. A l'instar de l'Internet accessible, les applications intranet accessibles "effacent" le handicap. Sur ce sujet, les attentes vont devenir majeures.

L'accessibilité au handicap profite à tous… même aux Directions Informatiques
Les raisons évoquées ci-dessus suffisent amplement à légitimer la nécessité d'œuvrer concrètement pour l'accessibilité internet et intranet. L'accessibilité est ni plus ni moins que le niveau minimum de l'égalité devant l'accès à l'information.

Que reste t'il à opposer pour lever les ultimes freins à l'action : les moyens ? ils existent. Les coûts ? ils sont modestes en regard du budget de création ou de refonte des projets Web.

Le faible nombre d'utilisateurs concernés ? C'est faux pour plusieurs raisons :

- L'accessibilité ne se résume pas aux individus "officiellement" handicapés. Le nombre de personnes potentiellement en situation de handicap durable ou passager s'accroît à la mesure du vieillissement de la population. Ainsi l'augmentation de la taille des caractères qui est une mesure de confort pour certains devient indispensable pour d'autres.
- Mais surtout, tous les utilisateurs bénéficient d'un Web plus accessible : évidence de la navigation, pertinence des libellés, limite au poids des pages… sont autant de facteurs qui vont satisfaire autant le visiteurs étranger n'ayant qu'une connaissance sommaire de la langue, que l'utilisateur possédant la langue mais disposant de peu de temps pour effectuer une tâche donnée.
- Enfin l'accessibilité est un argument de plus pour imposer progressivement la séparation du fond et de la forme sur les outils de gestion de contenu et les applications. Utilisation massive des feuilles de styles, suppression de l'utilisation de tableaux à des fins de structuration des pages. Les standards de codes existent pour répondre à la demande. Nombre de projets d'accessibilité sont aujourd'hui initiés par les DSI à la fois pour répondre ou devancer les demandes utilisateurs mais également dans une recherche de normalisation de la conception Web.

Les problématiques de migration vers l'accessibilité
Le référentiel, point de départ d'une démarche d'accessibilité efficace
Si l'on peut être serein devant la nouvelle loi c'est parce qu'elle désigne précisément comme norme officielle le Référentiel de l'Accessibilité des Sites Internet Publics, mis à disposition de tous par l'Agence pour le Développement de l'Administration Electronique. Ce référentiel développé pour l'ADAE par l'Association Braillenet devient donc un outil incontournable à la fois pour mettre en œuvre l'accessibilité et la contrôler. Ce référentiel est une annexe indispensable à tout cahier des charges de création ou de refonte de projet Web : Internet, intranet.

Notons que le référentiel Accessiweb, marque commerciale de l'Association Braillenet est, aujourd'hui, strictement équivalent en terme de critère. Le label Accessiweb, délivré uniquement par l'Association Braillenet sanctionne la conformité au référentiel Accessiweb à l'issue d'une démarche de certification payante.

Préparer la migration vers l'accessibilité
Que ce soit en conception d'un nouveau projet ou en refonte d'un existant, la phase "Préparer" est un phase d'accompagnement au changement qui doit amener à établir un état des lieu précis des mesures à prendre pour rendre accessible un site ou une application existante. Ce diagnostic doit se conclure par l'établissement d'un feuille de route de migration vers l'accessibilité. Ce document doit qualifier les différentes options et estimer leurs coûts y compris dans la durée et qualifier la pertinence d'une démarche de certification. Cette phase "Préparer" peut utilement comprendre une ou plusieurs sessions de sensibilisation et de mobilisation des équipes internes aux enjeux et moyens de l'accessibilité.

Réaliser
Une mission d'accessibilité se traduit concrètement par un impact sur tous les maillons de la chaîne de conception Web : design, ergonomie, conception HTML, intégration… et mise à jour des contenus ou services.

Dès l'origine du projet la liste des critères du référentiel à respecter doit être établie formellement. Le référentiel de l'ADAE repose sur 92 critères répartis en 3 niveaux d'accessibilité, et le premier niveau autorise de facto une très bonne accessibilité. La sélection des critères à respecter en plus des critères du premier niveau est donc légitime et permet de différer dans le temps et en fonction des contraintes (délais, souplesse de la solution technique…) l'adoption des critères les plus ultimes.

Sur la base du choix des critères, les phases clés de la réalisation d'un projet accessible sont :

- Le contrôle de la maquette proposée à l'issue de la phase de conception. Ce contrôle permet d'établir que les critères ont bien été pris en compte lors des phases de création graphique, d'ergonomie, de montage HTML.
- La prise en compte de l'accessibilité dans les spécifications détaillées de la solution technique. Cela permet de garantir le maintien dans la durée de l'accessibilité d'une part en garantissant le maintien de la structure et de la qualité du code HTML mais également en prévoyant des fonctionnalités d'aides à la saisie et de contrôle avant publication pour les personnes en charge de la rédaction des contenus… mieux vaut donc s'assurer de l'existence de telles fonctionnalités avant de retenir une solution technique ! La mise en conformité d'outil existant et en effet la phase potentiellement coûteuse des projets d'accessibilité.

Pérenniser
Au delà la première journée de mise en ligne, l'accessibilité doit subsister au gré des mises à jour et évolutions du site. Cela doit reposer d'une part, nous l'avons vu, sur un outil de publication accompagnant l'équipe en charge des contenus mais également sur la formation de l'équipe d'intégration et la formation des responsables de publication : comme toute démarche qualité, l'accessibilité demande une part de connaissance et d'investissement dans la durée. Bien formées, les équipes peuvent réellement être autonomes pour garantir l'accessibilité.

Contrôler l'accessibilité
Deux acteurs du monde associatif, parmi d'autres, ont joué en France un rôle particulièrement moteur en faveur de l'accessibilité Web.
Ces 2 acteurs ont de façon indépendante mis en place de moyens de promotion et de contrôle de l'accessibilité Web.

- L'Association Braillenet, dont nous avons rappelé le rôle sur la mise en place du référentiel. d'accessibilité. Parallèlement à cette démarche, Braillenet a mis en place le Groupe de Travail Accessibilité constitué d'acteurs formés au contrôle du respect du référentiel.
- L'Association HandicapZéro, association de référence en matière d'actions et de services proposés aux déficients visuels a permis, entre autres activité, la mise au point de la solution d'accessibilité Confort de Lecture via des test de conformité. Cette association, qui suit au quotidien l'évolution des attentes des personnes en situation de handicap ainsi que l'évolution des matériels et logiciels propose également de valider la conformité de tout site devant respecter les contraintes d'accessibilité.

Une problématique citoyenne, des moyens d'actions pragmatiques
Cet état de lieux a pour objectif de rendre évident qu'aujourd'hui tous les moyens méthodologiques techniques et humains sont en place pour se conformer à la législation. Les Ministères de l'Outre Mer et de L'Education, la Mutualité Sociale Agricole, l'ADAE, La Mairie de Paris, La Documentation Française, et bien d'autres pratiquent l'accessibilité concrètement et avec succès. L'approche accessibilité, dans la droite ligne des enjeux que représentent les problématiques de citoyenneté et de responsabilité sociale interpelle nécessairement l'ensemble des acteurs du Web et l'intranet, et pas simplement les responsables de sites internet publics.

Le référentiel de l'accessibilité des sites internet publics : www.adae.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=46
Groupe de Travail Accessibilité : suivre ce lien
Association HandicapZero : www.handicapzero.org
Deux autres solutions innovantes : Read Speaker et Websourd