JURIDIQUE 
PAR CHRISTIANE FERAL-SCHUHL
Licence GPL : des règles précises, peu de contentieux
Actuellement très présente dans l'actualité, la licence libre obéit à des règles très strictes. Celles-ci ont, jusqu'à présent, limité les sources de conflit entre les parties.   (01/12/2006)
 
Christiane Féral-Schuhl, Avocate, cofondatrice du cabinet Féral Schuhl - Sainte Marie
 
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Feral-avocats.com

Un concept original
Ce concept a été mis au point par la Free Software Foundation. en 1989, sous l'impulsion de Richard Stallman qui, ayant développé un système d'exploitation libre, a décidé, pour favoriser l'évolution du logiciel, de le rendre compatible avec UNIX, le dénommant GNU.

Toute la philosophie du dispositif est exprimée dans le Préambule, en ces termes : "The licenses for most software are designed to take away your freedom to share and change it. By contrast, the GNU General Public License is intented to guarantee your freedom to share and change free software - to make sure the software is free for all its users."

En fait, il existe plusieurs autres modèles de licences disponibles en ligne, notamment la NPL proposée par Netscape sur son navigateur Communicator, qui autorise les améliorations du produit et leur commercialisation sous réserve de les communiquer à Netscape en vue de leur intégration dans la version subséquente du produit.

 
Le licencié a le droit de copier et de distribuer le code exécutable du logiciel
 

Il est également possible de créer sa propre licence Open Source, l'Open Source Initiative permettant à toute personne de proposer une licence pour certification. Il faut également compter avec la communauté des adeptes du logiciel libre, prompte à dénoncer les licences non conformes.

Conditions d'utilisation
Le licencié a le droit d'utiliser le logiciel sans limitation du nombre d'utilisateurs, de machines… aux conditions suivantes : (i) faire figurer " visiblement " sur les copies une mention de droit d'auteur et l'indication d'absence de garantie ; (ii) ne pas modifier les mentions faisant référence à la GPL ; (iii) fournir une copie de la GPL avec chaque copie de logiciel.

Conditions de reproduction et de distribution
Le licencié a également le droit de copier et de distribuer le code exécutable du logiciel, sur tous supports et dans tous pays, éventuellement moyennant rémunération du service de distribution. Ici encore, ces droits sont assujettis à certaines obligations pour l'utilisateur : (i) accompagner le code exécutable des codes source sous une forme appropriée ; ou bien (ii) distribuer le code exécutable accompagné d'une offre écrite d'une durée minimale de trois ans de fournir à l'utilisateur la copie des codes source pour une somme n'excédant pas le coût de la copie ; ou bien encore (iii) en cas de distribution "non commerciale", de répercuter l'offre d'accès aux codes source visée ci-dessus.

L'on notera plus particulièrement l'obligation de soumettre à la licence GPL les copies distribuées et l'impossibilité de réduire l'étendue des droits de l'utilisateur.

 
Le licencié a le droit de
modifier le logiciel
 

Modifications soumises à la licence GPL
Conformément au modèle de référence GPL, le licencié a le droit de modifier le logiciel, étant précisé que les "portions" modifiées doivent porter indication, de façon appropriée : (i) de l'existence de la modification ; (ii) du nom de la personne effectuant la modification ; (iii) de la date de la modification.

Les "modifications" consistent, comme d'usage, dans les corrections des dysfonctionnements du logiciel, les adaptations à un environnement spécifique, les interfaçages, les nouvelles fonctionnalités, les traductions… Sauf autorisation expresse du donneur de licence ou sauf stipulation contractuelle plus favorable, l'utilisateur sous licence open source renonce à la réservation des droits sur l'ensemble logiciel intégrant ses modifications.

Conformément aux termes de la licence GPL, ces "modifications" devront être soumises à la licence GPL en cas de distribution par leur auteur. En effet, ce dispositif contractuel open source organise l'enrichissement systématique du logiciel, sous le contrôle du donneur de la licence initiale.

Or, la licence GPL s'applique par principe à toutes les modifications non "dissociables", notamment aux œuvres "dérivées" (any derivative work under copyright law), interdisant de ce fait toute réservation des droits. Elle prévoit même que si un développement intégrant un logiciel libre s'avérait brevetable, le bénéficiaire d'un tel brevet devrait s'engager à établir une concession de licence permettant l'utilisation par tous ou renoncerait à exploiter son brevet.

Exclusion des modifications "dissociables"
Si l'utilisateur peut démontrer que sa contribution concerne des éléments dissociables, susceptibles d'être diffusés séparément du logiciel libre, ces modifications "dissociables" sont exclues du champ d'application de la licence GPL lorsque celles-ci sont commercialisées comme telles.

Intégration de tout ou partie du logiciel libre dans un autre logiciel libre. La licence GPL prévoit également que toute intégration de tout ou partie du logiciel libre dans tout ou partie d'un autre logiciel libre soumis à des conditions de licence différentes de la GPL ou d'un autre logiciel propriétaire, est soumise à autorisation du donneur de licence.

Il existe toutefois une version de licence plus souple, la GNU Lesser General Licence, qui permet l'intégration d'un logiciel free software dans un ensemble de logiciels soumis à des conditions de distribution différentes. Cette diversité de licences n'est cependant pas sans conséquence pratique puisqu'elle contraint à l'analyse de plusieurs licences différentes.

 
C'est l'utilisateur sous licence qui assume la totalité du risque quant à la qualité et aux performances du logiciel
 

Exclusion de garanties
C'est l'utilisateur sous licence qui assume la totalité du risque quant à la qualité et aux performances du logiciel ainsi qu'aux conséquences liées notamment à d'éventuelles pertes de données ou aux dysfonctionnements du logiciel.

La licence GPL exclut en effet toute garantie : "Also, for each author's protection and ours, we want to make certain that everyone understands that there is no warranty for this free software. If the software is modified by someone else and passed on, we wants its recipients to know that what they have is not the original, so that any problems introduced by others will not reflect on the original authors' reputation."

Cette clause élusive de toute responsabilité serait ainsi la contrepartie de la liberté d'utilisation (et parfois de la gratuité) du logiciel libre.

Contraintes à prendre en compte
Dans la pratique, il faut tenir compte de la lourdeur des procédures pour opérer le chargement des nouvelles versions, de la disparité dans les évolutions des différents logiciels intégrant une solution informatique et enfin des ressources techniques et humaines indispensables pour la maîtrise de la documentation et autres éléments associés au logiciel libre.

Chaque correction risque d'entraîner des régressions et la création d'une nouvelle version nécessite de procéder à des tests lourds, unitaires et d'ensemble, qui doivent être fédérés au niveau d'un seul intervenant. Aussi, certaines entreprises n'ont pas, à l'évidence, les moyens d'entretenir des services informatiques capables de maintenir un système d'information complet. C'est d'ailleurs pour cette raison que la tendance à l'externalisation des fonctions-clés de l'entreprise se généralise.

 
En droit français, la voie des garanties légales reste ouverte, quoique incertaine
 

Garanties légales
En droit français, la voie des garanties légales reste ouverte, quoique incertaine. Pour ce qui concerne la garantie légale des vices cachés, on rappellera qu'en matière de logiciels, elle prête encore à discussion, a fortiori lorsqu'il s'agit d'un logiciel concédé à titre gratuit.

En revanche, on peut penser que la loi du 19 mai 1998 (C. civ., art. 1386-1 s.) transposant la directive sur les produits défectueux [1] est susceptible de recevoir application puisqu'elle pose le principe général de responsabilité du fabricant pour les défauts des produits qu'il met en circulation. Le droit à réparation bénéficierait ainsi aussi bien aux tiers qu'aux acquéreurs d'un logiciel libre. Cette responsabilité ne s'éteint que dix ans après la mise en circulation du produit qui a causé le dommage.

À noter toutefois que si la loi étend le régime de responsabilité du fabricant au loueur ainsi qu'à tous autres "fournisseurs professionnels", ceux-ci peuvent s'exonérer de toute responsabilité lorsque le produit est gratuit. Dans ce contexte, il appartient à l'entreprise de vérifier qu'elle dispose des ressources techniques et humaines pour pallier les éventuelles discontinuités de service.

Durée
La licence GPL ne contient aucune clause relative à la durée. En droit français, l'on peut considérer que la licence est à durée déterminée, tout logiciel bénéficiant de la durée de protection légale (70 ans à compter de sa communication au public).

Aucune résiliation anticipée n'est alors possible sauf à violer les termes de la licence. On peut également considérer que le contrat est à durée indéterminée, ouvrant ainsi la faculté à chacune des parties de résilier le contrat à tout moment moyennant un préavis raisonnable. Dans ce cas, se pose néanmoins la question du sort des améliorations apportées par la communauté des utilisateurs successifs.

 
Le logiciel libre a soulevé
peu de contentieux
 

Peu de contentieux
En l'état du droit et de la pratique des licences Open Source, un constat s'impose : le logiciel libre a soulevé peu de contentieux.

L'affaire la plus médiatisée a été celle qui a opposé SCO Group à IBM auquel il était reproché une "concurrence illégale, rupture de contrat et appropriation abusive de secrets commerciaux". Selon SCO, le système d'exploitation GNU/Linux intègrerait une partie des sources UNIX dont elle a acquis les droits.

À ce titre, elle entend revendiquer les droits sur Linux. Sans préjuger de l'issue de ce litige [2], le donneur de licence devra donc veiller à ce que le code d'origine ne soit pas amélioré au moyen de codes sources protégés par un droit de propriété intellectuelle ou industrielle.

Plus récemment, le 2 avril 2004 [3], une société américaine a été condamnée par le tribunal de Munich pour ne pas avoir respecté les termes de la licence GPL.

[1] L. no 98-389, 19 mai 1998, JO 21 mai.
[2] V. article de wikipedia à ce sujet : http://en.wikipedia.org/wiki/SCO_v._IBM
[3] T. Munich, 2 avr. 2004, cité dans Y. Dietrich, "Logiciels Open Source : une réalité juridique au sein des entreprises", RLDI 2005/4, n° 119, p. 28 s.


Christiane Féral-Schuhl
 
 

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