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Eric Fimbel
Professeur / auteur
Reims Management School
Eric Fimbel
"Les SI événementiels, à base de RFID, vont bouleverser les organisations"
Ni auditeur, ni consultant, le chercheur analyse en toute liberté les tendances liées à l'outsourcing, au management des SI, à ITIL ou aux investissements technologiques.
13/11/2006
 
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 Eric Fimbel
  Dossier Externalisation IT
JDN Solutions. A combien évalueriez-vous l'impact sur la productivité des investissements dans le SI ?
Eric Fimbel. Cet impact a fait l'objet de nombreuses controverses des deux cotés de l'Atlantique. Les sociétés de l'offre - éditeurs, SSII... - ont un intérêt à promouvoir l'idée d'un impact positif. Solow, prix Nobel d'économie, a déclaré que cet impact était améliorable et que les gains de productivité étaient la résultante de plusieurs facteurs, notamment organisationnels, humains et sociaux et pas seulement technologiques.

La productivité doit être dissociée de la rentabilité, puisque je peux améliorer ma productivité sur... une tâche inutile ! Il n'est donc pas possible de donner un chiffre ou une valeur. Il existe même des situations où les investissements en S.I ont engendré des pertes de productivité. Je vous recommande à ce sujet la lecture de l'excellent ouvrage d'Yves Lasfarhue : Halte aux absurdités technologiques (2003).

Qu'est-ce qu'une politique d'entreprise en matière d'éthique dans le domaine des SI ?
Il faut se mettre d'accord sur le mot éthique qui renvoie à des valeurs qui peuvent être d'ordre moral ou culturel. Une politique d'entreprise sur ce sujet renvoie à la notion de gouvernance, instance en charge de la légitimité des décisions et actions de l'organisation, y compris vis-à-vis des parties prenantes externes à l'entreprise : consommateurs, clients, acteurs sociaux et environnementaux, etc.

Comment conseilleriez-vous de parler de la gestion du savoir à une classe d'élèves de Terminale BTS Assistant de direction ?
En commençant par différencier la gestion des savoirs et les contenus. Par exemple, une base de données capitalisant des expériences et des pratiques industrielles peut être riche, mais ne servira pas à grand chose sans des dispositifs de gestion : indexation, mots-clés, accessibilité. Puis, j'aborderais les risques liés au vieillissement des savoirs et le défi majeur que représente la crédibilité des auteurs de contenu, ainsi que leur actualisation.

La gestion du savoir est l'une des conditions essentielles de la réussite d'une entreprise. Pourriez-vous me dire comment une bonne organisation administrative peut intégrer cette dimension de manière efficace ?
Non, il n'est pas prouvé que cette gestion fasse le succès économique et commercial d'une organisation. Ceci ouvre un vaste débat... Nombre de dirigeants prennent leurs vraies décisions stratégiques sur des convictions, des intuitions personnelles, quitte à les justifier ensuite publiquement par des données d'apparence très rationnelles.

Selon vous, quel sont les différences principales entre les styles de gestion nord-américain et européen en termes de SI ?
   
  A vieux concepts nouvelle terminologie. Il y a 30 ans, l'ASP s'appelait "service bureau" ou "travail à façon"."
Je ne connais pas de style européen. Par exemple, nos amis britanniques sont souvent très proches des pratiques et perceptions nord-américaines.

Ceci étant précisé, j'observe chez nos amis nord-américains une foi plus grande dans les technologies réputées presque naturellement porteuses de progrès et d'efficacité.

On appelle cela le déterminisme technologique. On peut retrouver ceci dans l'appellation I.T, les fameuses TIC en France, concept plus réducteur que SI.

Sur quelles technologies, méthodologies se reposer pour faire en sorte que le SI réponde aux constantes évolutions de l'écosystème de l'entreprise ?
Sur aucune technologie en particulier. Le défi est celui de la synchronisation du SI avec les évolutions des attentes et demandes de l'organisation. Parmi les méthodologies - COBIT, ITIL, CMMI, ISO, etc... -, certaines mettent plus l'accent sur les dispositifs de contractualisation entre les parties prenantes - direction générale, DSI, directions "métiers" -, d'autres sont plus centrées sur les processus intra-DSI - gestion des incidents, gestion du back-log applicatif...

La notion de souplesse ne percute pas de la même façon les domaines du SI que sont : les infrastructures techniques, les applicatifs - spécifiques et/ou progiciels -, les usages. Il faudrait traiter à la fois chacun de ces trois périmètres, mais aussi leurs interrelations et interactions.

Pensez vous possible qu'une entreprise ne délocalise pas une partie, voire la totalité, de sa production ?
Il existe des cas de délocalisation totale. Attention, le concept de délocalisation n'a pas le même sens pour un salarié que pour un dirigeant d'une entreprise multinationale qui raisonne face à un marché et une demande mondialisée. Je me permets de vous renvoyer à un article que j'ai commis sur cette question en 2005 dans l'Expansion Management Review de septembre.

Enfin, on peut délocaliser sans externaliser en restant propriétaire du site lointain et, au contraire, externaliser sans délocaliser, en contractant avec un prestataire local.

Les entreprises ont-elles réellement attendu que l'on parle de SOA pour faire de la mutualisation de code ?
Naturellement non. D'ailleurs SOA ne concerne pas que le code, mais aussi la virtualisation des infrastructures.

Les SaaS - Software as a service -, vous semblent-ils une innovation ? Les grandes entreprises ne boudent-elles pas déjà l'ASP ?
   
  S'agissant des back-offices dits "de gestion", les pratiques d'offshorisation sont en croissance"
A vieux concepts, nouvelle terminologie. Il y a 30 ans, l'ASP s'appelait "service bureau" ou "travail à façon". Ce qui change, ce sont les conditions technico-économiques dans lesquelles ce recours à l'utilisation de services et composants informatisés standards et distants est possible.

Les grandes entreprises, qui ont parfois de la mémoire, connaissent les avantages et les limites de ce type de services... Enfin, il faudrait mettre ceci en parallèle des pratiques dites de BPO, Business Process Outsourcing.

Selon vous, la DSI et le SI sont-ils bien fournisseurs de solutions à l'entreprise pour sa stratégie, son métier, ou l'informatique continue-t-elle d'être trop souvent déconnectée ?
Vous pouvez lire l'excellent dossier publié sur le site du CIGREF et réalisé en partenariat avec McKinsey sur ces sujets (2004). Oui, il y a de nombreux exemples de la déconnexion évoquée. Et il faudrait en plus dissocier les besoins de tel ou tel métier des besoins transverses, dits "corporate", et les éventuelles contradictions entre eux.

Les métiers du back-office peuvent-ils être aisément offshorisés ?
S'agissant des back-offices dits "de gestion" : comptabilité, paye..., les pratiques d'offshorisation sont en croissance. Se posent des questions de compréhension et de référentiel, notamment culturels et linguistiques avec les territoires où sont implantées les sociétés de services. Ceci explique le fort recours des Britanniques aux sociétés indiennes notamment.

Pour la France, ce recours est nettement plus faible. Par contre, si votre question porte sur les back-offices des DSI - production/exploitation, maintenance d'applicatifs standardisés, etc. -, alors la réponse à votre question est oui. Ce oui est un constat. Il ne signifie ni un accord ni un désaccord avec ces pratiques.

A vanter les mérites de l'offshore, n'oublie-t-on pas totalement l'aspect éthique et les répercussions sur l'emploi ?
Primo, je ne vante pas les mérites de l'offshore. Je vous renvoie à mon article déjà cité précédemment. La question de l'éthique est très vaste. Derrière la question de l'éthique individuelle et son éventuelle (in-)compatibilité avec des exigences de revenu actionnarial à court-terme, l'offshore pose la question suivante : que devient la responsabilité sociale de l'organisation ? Qui reste responsable de quoi lorsque des sous-traitants offshores interviennent dans un contrat d'externalisation à l'insu du client contractant ?

Quant aux effets sur l'emploi, je vous renvoie à l'excellent dossier fait par la revue Alternatives économiques en 2004 sur le sujet. Il semble que, pour l'instant, les effets soient quantitativement limités en termes de suppressions nettes. Par contre, l'existence de l'offre offshore fait incontestablement pression sur les coûts de main-d'œuvre et les éventuelles négociations salariés-employeurs dans les pays dits développés.

   
  Sans réorganisation, les gains obtenus ne seront jamais les gains espérés et annoncés."
N'avez-vous pas le sentiment que les entreprises répondent trop souvent aux sirènes du marketing et investissent dans le SI en occultant totalement les mutations managériales ?
Je n'aurai naturellement pas de réponse statistique sur cette question. Mon sentiment est qu'une victime du marketing est victime parce qu'elle le veut bien. Personne n'oblige personne à servir de laboratoire à un éditeur de logiciels.

Par ailleurs, il faut différencier les investissements contraints - mises à niveau des infrastructures existantes -, des investissements choisis qui étendent ou modifient l'arsenal technologique installé.

Oui, la dernière partie de votre question rejoint une des premières questions sur le déterminisme technologique et le mythe "I.T = progrès". Sans réorganisation, les gains obtenus ne seront jamais les gains espérés et annoncés.

Selon vous, quels sont les sujet gravitant autour des SI trop souvent négligés et dont on parle insuffisamment ?
L'actualisation rigoureuse des contenus et le temps nécessaire à l'appropriation des nouveaux dispositifs par les utilisateurs pour qu'ils en fassent des usages pertinents.

L'Open Source peut-il répondre aux besoins des grandes entreprises ?
Il n'y a pas un Open Source mais des open source... La question posée par Linux n'est pas de même nature qu'une suite bureautique, elle-même très différente des composants et solutions applicatifs. J'aurais donc des réponses argumentées différemment sur chacun de ces segments.

Les SIAD vous paraissent-ils à l'heure actuelle suffisamment performants ? Et sommes-nous assez compétents pour retirer le meilleur profit de leur utilisation ?
Ces Systèmes d'Aide à la Décision ne sont que très peu utilisés par les directions générales. Ensuite, ce n'est pas un problème de compétence, mais une question de pertinence.

La plupart des SIAD sont construits sur des scénarisations plus ou moins paramétrables, extrapolées de données issues des activités antérieures. Y-a-t-il beaucoup de situations où la maîtrise des incertitudes est compatible avec une modélisation construite sur l'histoire, même récente ?

   
  Le chercheur n'est ni un auditeur, ni un consultant. Il ne prescrit pas. Il analyse librement"
Les entreprises françaises devraient-elles intensifier leurs efforts dans la mise en œuvre de processus ITIL ?
ITIL est un référentiel d'origine britannique. En France, l'ITSMF relaie et participe à la diffusion de ces bonnes pratiques. ITIL peut être implémenté dans certaines de ces parties. Ce n'est pas un bloc monolithique à prendre en totalité. ITIL est le référentiel N°1 dans les grandes entreprises françaises, très loin devant COBIT par exemple.

A quoi ressemblera ou devrait ressembler l'entreprise de demain ?
A celle qui aura survécu à aujourd'hui !

Quel sera le prochain boom technologique ?
A votre avis, quel était le précédent ? Je pense que les SI événementiels, à base de RFID, bouleverseront les organisations et les SI.

L'informatique embarquée et la mobilité sont-elles des axes à favoriser pour trouver de nouveaux débouchés et réduire les coûts ?
Pour les débouchés, il faudrait préciser le segment d'activité - cf. le flop du e-learning ! Oui, il y a des réductions de coûts possibles, mais à condition de raisonner en coûts complets et de ne pas regarder que la partie visible de la mobilité.

Docteur en sciences de gestion, est-ce ausculter les maux des entreprises pour leur prescrire des solutions technologiques et managériales ?
Non, le chercheur n'est ni un auditeur, ni un consultant. Il ne prescrit pas. Il analyse librement et sa crédibilité réside d'abord dans la pertinence et l'impertinence des questions qu'il adresse. Ceci dit, en sciences de gestion, cette crédibilité passe aussi par des confrontations régulières avec les acteurs professionnels.

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 Eric Fimbel
  Dossier Externalisation IT
Je passe un temps important en conférences dans les organisations publiques et privées, ainsi que pour des organismes professionnels. Il y a aussi les contributions plus lourdes comme les ouvrages. J'ai réalisé l'adaptation de l'ouvrage américain,
management des SI, de Laundon, chez Pearson. Et en juin 2007 sortira mon propre ouvrage sur SI et stratégie d'entreprise.

 
Propos recueillis par Christophe AUFFRAY, JDN Solutions

PARCOURS
 
 
Eric Fimbel est Docteur en Sciences de Gestion, professeur à Reims Management School et membre du laboratoire de recherche LIPSOR (Laboratoire d'Investigation en Prospective, Stratégie et Organisation) du CNAM, Paris. Il est également le conseiller scientifique de l'E.O.A (European Outsourcing Association) et de l'I.E.S (Institut Esprit Services-Medef).

Parallèlement à ces activités d'enseignement et de recherche, il est consultant auprès de nombreuses directions d'entreprises privées et publiques concernant la mise en convergence de leurs systèmes d'information avec leurs choix et exigences stratégiques.

   
 
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