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LES CONSEILS DE L'AVOCAT

Les logiciels sont-ils brevetables ?

Rubrique animée
par Christiane Féral-Schuhl
avocat associé, cabinet FG Associés


La question de la brevetabilité des logiciels revient sur le devant de l'actualité juridique de façon régulière. Les raisons, qui hier ont poussé les Etats européens à se prononcer pour la protection des logiciels par le droit d'auteur à l'encontre d'une protection par le brevet, ne paraissent plus justifier aujourd'hui le maintien de cette solution. A la suite de son Livre vert sur le brevet communautaire, la Commission Européenne a adopté le 12 février 1999, une communication intitulée "promouvoir l'innovation par le brevet". Une double action y est annoncée. Tout d'abord, la Commission devrait préparer, dans les meilleurs délais, une proposition de directive visant à harmoniser les législations des Etats membres en matière de brevetabilité des programmes d'ordinateurs. Parallèlement, les états contractants devraient modifier la Convention de Munich sur le brevet européen, afin de supprimer les programmes d'ordinateurs de la liste des inventions non brevetables. Mais l'étendue de la réforme à venir comme ses implications pratiques suscitent toujours de nombreuses interrogations.

I - Hier : le choix de la protection par le droit d'auteur

Dès la naissance d'un marché autonome des logiciels, est apparue la nécessité de leur protection juridique. Elle devait permettre de promouvoir la création de logiciels et de rentabiliser les investissements consacrés à leur développement. Deux voies légales s'offraient pour les protéger : le droit d'auteur et le brevet. La brevetabilité a été refusée aux logiciels par le législateur français dès 1968 (loi n°68-1 du 2 janvier 1968 "tendant à valoriser l'activité inventive et à modifier le régime des brevets d'invention"). Pourtant, le brevet semblait a priori la voie la plus logique pour assurer la protection légale du logiciel. Cependant, les modalités pratiques de la gestion des demandes de brevet de logiciels suscitaient à l'époque quelques interrogations. Il paraissait notamment difficile d'instruire ces demandes car on craignait qu'elles ne nécessitent une documentation trop importante et qu'elles n'engendrent une procédure longue et coûteuse. Le choix de la protection du logiciel par le droit d'auteur fut fait par les tribunaux français au cours des années 70. Il avait pour avantage de permettre aux créateurs de logiciels de revendiquer immédiatement le bénéfice de l'application des conventions internationales en la matière (principalement la Convention de Berne "pour la protection des œuvres littéraires et artistiques" de 1886). Le logiciel pouvait ainsi jouir d'une protection immédiate et gratuite, tant au niveau national qu'international. L'exclusion de la brevetabilité des logiciels a été reprise au niveau européen, par la convention de Munich du 5 octobre 1973 "sur la délivrance des brevets européens" et par la directive communautaire "concernant la protection juridique des programmes d'ordinateurs" du 14 mai 1991. Le principe découlant de ce dispositif était alors clair : les programmes d'ordinateurs n'étaient pas considérés, en tant que tels, comme des inventions brevetables et étaient protégés par le droit d'auteur en tant qu'œuvres littéraires (article 1erde la directive du 14 mai 1991). Depuis, la jurisprudence a quelque peu atténué ce principe. Des possibilités ont en effet été ouvertes pour faire bénéficier les logiciels, dans certaines conditions, de la protection offerte par le brevet.

II - Aujourd'hui : la brevetabilité limitée des logiciels

La loi ne prohibe expressément que la brevetabilité des programmes d'ordinateur en tant que produit. Mais, aux termes de la jurisprudence française, il est possible d'obtenir un brevet en incluant le programme dans un processus industriel lui-même brevetable (CA Paris 22 mai 1973 et CA Paris 21 juin 1981). Une réserve doit pourtant être faite : l'ensemble sera protégé en tant que procédé, mais le brevet ne sera pas étendu au logiciel en tant que produit. Cette précision est importante quant au champ de la protection offert par le Code de la propriété intellectuelle (CPI). Ainsi, s'agissant d'un produit breveté, sont interdites : la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ou l'importation ou même la détention à ces fins du produit (article L.613-3-a du CPI). Pour un procédé, seule est prohibée son utilisation ou, dans certaines circonstances, l'offre de son utilisation sur le territoire français (article L. 613-3-b du CPI). Tout l'enjeu de l'actuelle réforme réside donc dans la reconnaissance de la brevetabilité du logiciel en tant que produit à part entière. Ainsi, bien que la convention de Munich et les lois nationales ne permettent pas la brevetabilité des logiciels, il existe environ 13.000 brevets européens portant sur des logiciels, dont 75 % sont détenus par des entreprises non européennes. Cette situation est favorisée d'une part, par la méconnaissance de la réalité juridique par la majorité des PME européennes et d'autre part, par la jurisprudence de l'Office Européen des Brevets (OEB). A l'instar des offices des brevets américains et japonais, cette organisation internationale, qui a pour mission de délivrer en Europe des brevets selon une procédure uniforme et centralisée, accueille en effet de plus en plus favorablement les demandes de brevets de logiciels. Malgré un principe clairement affirmé, la pratique a donc fait naître une incertitude quant au régime de protection des logiciels, incertitude accentuée par les divergences d'appréciation entre l'OEB et certains tribunaux nationaux.

III - Demain : la protection des logiciels par les
brevets ?

Certains des aspects de la réforme qui se dessine ont déjà été envisagés lors de la Conférence intergouvernementale des Etats membres de l'Organisation Européenne des Brevets qui s'est tenue à Paris, les 24 et 25 juin 1999. Il apparaît que cette réforme est principalement motivée par un désir de clarification du régime de protection des logiciels. De plus, l'essentiel des raisons qui ont justifié, en 1968, le choix pour la non brevetabilité paraît aujourd'hui dépassé. Il ne faut cependant pas négliger les implications d'une telle réforme : la brevetabilité des logiciels permettrait de ne protéger que les logiciels réellement nouveaux et innovants, ceux-ci bénéficiant cependant d'une protection plus large. Une protection plus large La protection par le brevet aurait plusieurs avantages. Elle permettrait une protection plus large du logiciel, en protégeant ses fonctions. Une brevetabilité des logiciels en tant que produits autoriserait ainsi une lutte plus efficace contre la contrefaçon "intelligente" des logiciels, et ceci, que ce soit au stade de leur reproduction, de leur importation, de leur vente ou même de leur fabrication. De plus, le brevet n'exclut pas le droit d'auteur qui peut conserver un certain nombre d'attraits. Se fondant sur l'article L.511-3 alinéa 2 du CPI, qui prévoit que la protection par les brevets l'emporte sur celle des dessins et modèles, la Cour de cassation affirme depuis longtemps qu'un cumul de protection n'est pas possible entre brevet et droit d'auteur. Mais, cela n'exclut pas une "co-existence" de ces deux protections, lorsque la forme et le résultat demeurent indépendants. Ainsi, selon la Commission européenne, "l'application parallèle du droit d'auteur et du droit des brevets au domaine des programmes d'ordinateurs ne pose pas de difficultés particulières en raison de la matière spécifique couverte par les deux types de droits. Le droit d'auteur protège une expression particulière d'un programme d'ordinateur en l'assimilant à une œuvre littéraire, alors que le brevet protège l'idée innovatrice qui est sous-jacente à la solution technique à un problème technique apportée par le programme". Une protection limitée aux logiciels innovants La réforme en préparation n'aurait toutefois pas forcément pour effet de créer une "surprotection" des logiciels dont la principale conséquence serait de limiter la concurrence. En effet, traditionnellement, la protection du droit d'auteur n'est accordée qu'aux œuvres "originales". Or, appliquée aux logiciels, cette exigence d'originalité est traduite par les tribunaux comme la simple "marque de l'apport intellectuel" de l'auteur. Il s'agit donc d'une condition de protection appréciée de manière libérale par les tribunaux. En revanche, la reconnaissance de la brevetabilité d'une invention est soumise à quatre conditions : seuls pourront être brevetables, les logiciels consistant en "des inventions, nouvelles, impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle". La nouveauté de l'invention sera appréciée au regard de l'état de la technique, c'est-à-dire "de tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen (…)" (article L.611-11 alinéa 2 du CPI). L'invention sera ensuite considérée comme impliquant une activité inventive si, pour l'homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Seules les véritables créations de logiciels innovantes pourront donc bénéficier de la protection par le brevet.
Reste que la réforme attendue du régime de protection des logiciels ne sera peut-être qu'une première étape. Déjà, aux Etats-Unis s'est amorcée une nouvelle extension du domaine d'application des brevets aux logiciels. La jurisprudence américaine permet dorénavant de breveter les logiciels permettant d'améliorer la consultation des sites web ou les commandes en ligne, ainsi que les logiciels de gestion financière. On peut s'interroger sur l'effet que pourrait avoir cette jurisprudence américaine en Europe, sachant qu'actuellement l'OEB considère qu'une invention est brevetable si elle présente une "contribution technique" à l'état de la technique, interdisant ainsi la brevetabilité de programmes liés aux activités économiques, par exemple, les logiciels de comptabilité ou les programmes financiers d'achats et de ventes de devises.

Etienne Papin
et Justine Sinibaldi
Avocats à la Cour
Salans Hertfeld & Heilbronn



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