Chaque
semaine, le JI détaille les étapes de
la construction et de l'évolution de sites Web remarquables.
Pour participer à cette rubrique, contactez François
Morel.
L'entreprise: l'aventure
de MusicBox.fr a démarré
à la fin de 1995 autour de l'activité de grossiste
en disques dont s'occupaient ses deux fondateurs. Mis en ligne
l'année suivante, le site n'a cessé d'évoluer
jusqu'à sa dernière version lancée officiellement
en novembre 1999. Cette période constate également
la transformation de la société en MusicBox.fr
Interactive SA, qui compte à présent 5 personnes
dans son équipe. Avec plus de 2 500 produits
en catalogue, dont les DVD depuis un mois, la société
atteint aujourd'hui un chiffre d'affaires de 10 000 francs
par jour, en progression de 25 % par mois selon ses dirigeants.
Les
responsables du projet: Corinne
Gillet et son frère
Xavier Gillet ont fondé
l'entreprise en 1995 sous la forme d'une SARL familiale. En
tant que gérante, Corinne Gillet se charge notamment
du marketing et de tous les aspects en rapport avec le développement
de MusicBox.fr. Son frère s'occupe des questions techniques
et du support exercé autour du site.
Quels
ont été vos objectifs de départ
pour le site ?
"Notre activité de départ
était la vente en gros auprès
des magasins de disques. Dès 1996,
nous avons ouvert le site MusicBox.fr dont
la vocation était d'élargir
notre champ d'action en nous adressant directement
aux particuliers. Nous souhaitions exploiter
notre position avantageuse de grossiste et
vendre moins cher en réduisant les
intermédiaires et leurs marges. En
proposant les CD à 99 francs sans
frais de port, nous avons assez rapidement
remporté un succès significatif
et trouvé notre clientèle. Jusqu'en
1998, nous menions les deux activités
de front, vente en gros et au détail
sur Internet. Après avoir été
spontanément contactés par l'émission
Capital de M6 pour participer à l'un
des tout premiers reportages sur la question,
intitulé "les pionniers du commerce",
nous avons décidé de nous concentrer
sur le commerce en ligne. Ce reportage montrait
à la fois l'avantage concurrentiel
de notre site en terme de prix, et le contraste
entre un site de qualité et l'aventure
de 2 personnes derrière."
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Quelle
est votre valeur ajoutée ?
"Notre positionnement
tend vers le cyberdisquaire. Nous avons
voulu recréer l'esprit d'une boutique
et pratiquer des prix bas tout en maintenant
un site de qualité avec un accompagnement
à l'achat. Nous mettons en exergue
les offres alléchantes et nous ouvrons
des rayons sur la gauche de l'écran,
avec des liens pour guider le client dans
son choix. L'ergonomie et la réactivité
représentent notre valeur ajoutée.
Nous voulons être agressifs à
la fois sur les prix et sur le contenu,
et proposer des produits que les autres
n'ont pas. Je ne dis pas qu'aucun site ne
fait cela, mais nous essayons de faire mieux.
Cela dit, l'une des originalités
de notre site tient dans le fait que nous
systématisons depuis 6 mois
l'écoute en ligne de tous les titres
des CD que nous vendons.
Chacun peut écouter 30 secondes de
chaque morceau d'un album en RealAudio et
MP3. Et aussi, beaucoup de sites qui font
du discount n'ont pas de fiches produits
aussi élaborées que nous."
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Quels
ont été les moyens investis, financiers
et humains ?
"Le site
a été techniquement bâti
en grande partie par mon frère (Xavier
Gillet), qui y a consacré presque
4 mois complets pour passer de l'ancienne
version à la nouvelle. Parmi les
améliorations sur lesquelles il a
travaillé, il y a les pages dynamiques,
le panier où l'on peut enlever et
rajouter des produits, le moteur de recherche,
le paiement sécurisé et des
fonctionnalités d'identification
de nos clients couplés à des
remises spécifiques. D'autre part,
nous travaillons beaucoup avec des Américains,
dont un développeur en particulier.
Côté financier, nous avons
dépensé seulement 15.000 francs
au départ, sans compter l'investissement
en temps. Lors de la création de
MusicBox.fr Interactive SA, nous avons levé
3 millions de francs auprès
du fond d'amorçage Seeft Management
qui nous ont permis de nous installer dans
nos locaux, d'investir dans du matériel
et essentiellement dans du stock de marchandises.
En gros, nous avons dépensé
500.000 francs dans
les immobilisations, dont 350.000 francs
d'informatique pure."
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Quand
pensez-vous être rentables ?
"Le plus
rapidement possible. Nous sommes un site
de commerce en ligne qui a la particularité
de dégager des bénéfices.
Certains jours, nous frisons les 8 %
de taux de transformation, alors que beaucoup
ont des difficultés à atteindre
2 %. Il nous faut quatre fois moins
de visiteurs pour réaliser le même
nombre de ventes.
En considérant comme investissement
les dépenses de publicité,
je pense qu'il nous faudra au moins un an
ou deux pour être rentables. Mais
notre objectif n'est pas de prendre des
parts de marché. Nous recherchons
la rentabilité à court terme.
Monter des sites en espérant atteindre
des valorisations de folie ne nous intéresse
pas. Nous pensons que nous pouvons y arriver
en nous comportant comme une entreprise
traditionnelle. Cela part d'un choix personnel,
qui est suivi par les investisseurs. C'est
d'ailleurs pour cela que nous ne nous associerons
pas avec des investisseurs purs comme les
fonds de capital-risque. Nous voulons que
nos actionnaires soient des personnes qui
s'intéressent à une entreprise
saine, et non qu'ils cherchent à
nous alimenter à l'infini."
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Sur
quels outils s'appuie MusicBox.fr ?
"Le site fonctionne
avec un système développé
en interne avec nos partenaires américains.
Nous utilisons la base de données Access
de Microsoft, mais notre serveur Web est Apache
sous Linux. Notre site est relativement simple
avec une architecture à un seul serveur.
La mise en ligne d'une page ne prend pas plus
de trois minutes. Nous travaillons avec trois
bases de données différentes, sur
les produits, les disponibilités, et les
track lists, qui reprennent l'ensemble des titres
disponibles sur un album avec les appels pour
les sons.
Par ailleurs, aucune page n'est statique. Notre
système est très économique
en terme de mise en place, très modulable
aussi, et consiste en un programme Perl qui a
été développé par
les informaticiens américains suivant notre
cahier des charges. Nous avons fait ce choix parce
qu'à l'époque, personne ne savait
vraiment ce qu'était le langage ASP. Nous
avons donc opté pour le bidouillage "made
in America". Notre système a été
testé pour accepter quasiment jusqu'à
1 million de produits. Mais c'est notre antériorité
qui fait notre spécificité."
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Qui
s'occupe de l'hébergement ?
"Nous
sommes partenaires depuis le départ
de la société française
DX Communication qui est à présent
dans les mêmes locaux que nous. En plus
de s'occuper des relations avec notre hébergeur
américain dont nous tairons le nom,
ils gèrent la mise en ligne des nouveaux
produits, les scans des pochettes, la saisie
des listes de titres sous Access et la création
automatique des extraits sonores. Pour cette
dernière fonctionnalité, ils
ont développé un logiciel spécifique
qui nous permet de réduire le temps
de mise en ligne d'un produit, en créant
automatiquement les extraits à partir
d'un CD inséré dans le lecteur.
Une nouveauté qui arrive le matin figure
dès 14 heures sur le site avec
sa pochette scannée, la liste de tous
les titres et des extraits sonores pour chacun
d'eux." |
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Avez-vous
rencontré des difficultés techniques
?
"Comme
la création et l'évolution du
site se sont opérées par paliers,
nous n'avons jamais été dans
l'urgence. Les petits soucis ont été
résolus dans le calme car nous n'étions
pas poussés par des investisseurs.
Nous avons connu l'avantage de ne pas subir
de pressions, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui
des développeurs à qui les entreprises
en général imposent des dates
limites de folie." |
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Comment
gérez-vous la montée en charge ?
"Nous
nous sommes fixé le principe de pouvoir
accueillir 10.000 visiteurs en simultané.
Notre serveur est de type Pentium III à
600 MHz, avec 2 Go de mémoire
et deux fois 50 Go de disque dur. Nous sommes
hébergés aux Etats-Unis avec
une liaison OC3. Au départ, nous avons
eu des problèmes car le site était
situé sur un serveur partagé
et nous étions victimes des plantages
des autres.
Nous avons choisi des Américains car
les coûts sont 26 fois moins élevés
que les Français, pour une qualité
de service identique et une bande passante
plus large. Nous sommes abonnés à
Keynote qui surveille la montée en
charge. Toutes les demi-heures, il appelle
une page et mesure le temps de chargement
ainsi que divers paramètres techniques.
En cas d'alerte, nous recevons un e-mail.
En moyenne, le temps de chargement de la page
Index est à 85 % inférieur
à 8 secondes. Les 15 % restants
sont localisés dans des zones de fort
trafic américain vers 2 heures
du matin en France." |
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Quel
usage faites-vous de la mesure d'audience ?
"Nous
utilisons le service en ligne e-Stats.com
qui dispose un petit marqueur sur chaque page.
Dès le lendemain, nous recevons les
informations sur le nombre de visiteurs, les
pages vues, les requêtes du moteur de
recherche, etc. Nous utilisons beaucoup ces
données en interne, notamment pour
analyser la qualité du trafic qui nous
vient de nos partenaires. Entre autres, nous
essayons de tracer le trafic qui émane
des moteurs de comparaison de prix, ce qui
est primordial compte tenu de notre positionnement.
Nous estimons que de 10 à 15 %
de notre chiffre provient de ces agents. "
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Comment
gérez-vous l'ergonomie ?
"Nous essayons de nous approcher du site
idéal en fonction de notre expérience.
Notre seul point faible tient dans le manque
de précisions au sujet des produits
en DVD que nous vendons. Nous avions prévu
de nous attaquer plus tard à ce marché,
mais en fonction des demandes nous avons dû
nous lancer là-dedans il y a un mois.
Nous avons un gros travail à faire
de ce côté-là qui a déjà
commencé.
Sur le plan de la personnalisation, nous voulons
faire en sorte que suivant la navigation de
l'internaute, les menus changent de place.
Pour l'instant, le menu des CD est situé
avant celui des DVD. Si l'internaute effectue
deux requêtes sur les DVD, nous voudrions
pouvoir inverser les menus et même pousser
plus loin dans les catégories de produits.
Mais cela ne devrait pas voir le jour avant
6 mois. Le choix du produit n'est pas
déterminé. Nous ferons probablement
appel à nos partenaires américains
pour un développement spécifique
en fonction des bases existantes du site." |
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Des
tests ont-ils été conduits ?
"Nous avons effectué très
peu de tests auprès de notre cible,
car nous avons la chance de bénéficier
d'un très bon taux de retour client
de plus de 30 %. De plus, nous n'avons
pas vraiment d'outils internes pour le faire.
Notre politique est d'acquérir de nouveaux
clients sans cesse et de les faire revenir.
Nous proposons quelque chose de qualité
et ensuite nous montrons avec des résultats
sur les plans financiers et marketing." |
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Quelles
sont les évolutions prévues pour le
site ?
"Il s'agit surtout d'évolutions
qui vont tendre à personnaliser le
site en fonction du client, et lui proposer
des offres personnalisées. L'internaute
peut déjà créer un compte
sur MusicBox.fr qui pour l'instant lui apporte
des avantages assez basiques. Derrière
cette fonctionnalité vont s'en greffer
de nouveaux en fonction de son profil.
D'autre part, nous travaillons sur un second
tour de table. Seeft nous a apporté
un capital d'amorçage de 3 millions
de francs, mais aussi l'octroi de 10 millions
de francs sur l'année avec un autre
acteur que nous sommes en train de choisir
en ce moment." |
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Quelles
leçons avez-vous tirées de votre expérience,
et quels conseils donneriez-vous à ceux qui
se lancent ?
"Je
préfère rester très prudente
avec les conseils. Notre grande force a été
notre expérience dans le temps, et
le fait de la coupler avec notre métier
de disquaire. Cela nous a permis d'aller plus
vite. Nous avons aussi dû être
précurseurs et inventifs car nous manquions
d'argent et nous voulions être performants
sur le contenu. L'écueil que nous avons
rencontré est certainement d'avoir
manqué de compétences marketing
au départ. Nous étions deux,
concentrés sur les produits et la technique,
et il aurait fallu être trois.
En terme de prévisions budgétaires,
nous sommes toujours restés dans ce
que nous avions prévu, sans surprises.
Notre capital d'amorçage nous a amené
là où nous voulions. Mais aussi,
sans publicité sur le net, il ne faut
pas espérer une augmentation de 100 %
du CA en un mois. Nous ne nous sommes pas
laissés griser par le côté
délirant de la nouvelle économie.
Il faut savoir garder une ambition et des
objectifs, mais pour cela ne pas compter sur
d'éventuels internautes qui arriveraient
tous les jours. En fin de compte, la bataille
reste rude." |
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Liens
utiles
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