Une étude publiée récemment par le Groupe Alpha, baptisée "l'offshore dans le secteur informatique : épiphénomène ou tendance lourde pour le marché des Logiciels et Services Informatiques?" dresse l'état des lieux des conséquences du phénomène de la délocalisation sur trois pays : les Etats-Unis, l'Inde et la France.
"Un des axes que nous souhaitions mettre en avant est le décalage relatif entre le discours sur l'offshore et le phénomène. Nous voulions faire le point sur les systèmes de représentation en vigueur dans ces trois pays - discours alarmistes en France ou aux Etats-Unis, enthousiastes en Inde - et essayer de mesurer la part de réalité" explique Jean-Christophe Berthod, responsable du pôle SSII / éditeurs du cabinet.
Le groupe s'est appuyé sur différentes études réalisées sur le sujet. Des chiffres avancés, il retient notamment celui publié par Forrester Research qui, tous secteurs confondus, estime à 3,4 millions le nombre d'emplois qui seront délocalisés d'ici à 2015.
"Nous avons cherché à donner quelques chiffres pour alimenter le débat, et décortiqué les études parues jusqu'alors pour donner notre avis" précise Jean-Christophe Berthod. Ainsi, l'offshore pourrait représenter selon lui 100 000 emplois perdus dans l'informatique aux Etats-Unis en 2005 (soit environ 2,5% des emplois), 30 000 en Europe (2,5% des emplois) et entre 2 500 et 4 000 en France. Ce qui, au total, ne représenterait pas plus de 2% des emplois du secteur sur les trois prochaines années.
"Le principal risque ne réside pas tant dans les chiffres actuels de l'offshore que dans la manière dont le phénomène va évoluer, et pour le moment on constate qu'il progresse de manière conséquente. On estime qu'en France un emploi sur sept en informatique risquerait d'être touché par l'offshore" précise Jean-Christophe Berthod. Ce ne sont en effet plus seulement les emplois non qualifiés qui sont concernés mais tous les types d'emplois.
En Europe et aux Etats-Unis, une régionalisation de l'offhore |
L'étude dresse également le bilan des pratiques de l'offshore. Malgré les idées reçues, après l'Inde ce sont le Canada et l'Irlande qui arrivent en tête des destinations. Le nearshore - la création de pôles d'activité à l'intérieur des frontières - est très présent en France mais peu aux Etats-Unis. Il est davantage perçu comme un élément de frein qu'une première étape vers l'offshore par le Groupe Alpha.
Et une régionalisation de l'offshore se profile. "Nous avons différencié les délocalisations qui restent sur l'Europe de celles qui se font en Inde par exemple. Il y a en France comme aux Etats-Unis une logique d'intégration régionale. Ainsi les deux premières destinations offshore pour les Etats-Unis restent le Canada et le Mexique. Pour l'Europe occidentale, les pays d'Europe centrale et orientale" note Jean-Christophe Berthod.
Classement des destinations offshore *
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Les leaders
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Canada, Irlande, Inde
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Les challengers
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Chine, Philippines, République tchèque, Pologne, Roumanie, Hongrie
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Les émergents
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Russie, Maroc, Brésil, Mexique, Lettonie, Lituanie, Slovaquie, Bulgarie, Estonie
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Les débutants
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Afrique du Sud, Sénégal, Tunisie, Costa Rica, Ukraine, Malaisie
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*Evaluation de la compétitivité des pays selon trois critères : facteurs exogènes (gouvernement, système éducatif, infrastructures...), facteurs déclencheurs (proximité, langue...), environnement économique (coût de la main d'oeuvre, sécurité...)
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Source : Groupe Alpha, étude offshore, 2005
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Cartographie du phénomène offshore
(2003 en dollars)
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Pays
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Nb d'informaticiens diplômés chaque année
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Exportations de services informatiques
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Exportations de services BPO
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Inde
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460.000
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9,5 milliards
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3,1 milliards
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Canada
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35.000
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8 milliards
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5 milliards
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Irlande
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-
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2 milliards
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-
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Chine
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50.000
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700 millions
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210 millions
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Russie
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20.000
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475 millions
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-
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Philippines
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70.000
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300 millions
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600 millions
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Mexique
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25.000
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150 millions
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60 millions
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PECO
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70.000
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68 millions
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33 millions
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Source : Groupe Alpha, étude offshore, 2005
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"La vraie conséquence de l'offshore c'est une remise en cause des relations de travail et des métiers", poursuit le responsable du pôle SSII / éditeurs. Les SSII traditionnelles calquent leurs processus sur les SSII offshore et de ce fait professionnalisent et industrialisent leurs pratiques, avec à termes une spécialisation des compétences et des tâches. "Avec le nearshore et le développement de pôles spécialisés au sein des SSII, on assiste à une spécialisation des compétences. Le modèle de la SSII comme école de formation généraliste
et lieu de passage pour les jeunes diplômés n'est plus totalement vrai."
L'étude insiste également sur la mise en concurrence des salariés pour faire pression sur les conditions de travail et les salaires. Stratégie qui n'est à termes que peu rentable, une fois sur deux les économies ne seraient pas celles attendues. Mais la majorité des délocalisations se fait pour des raisons économiques. "Des délocalisations se font souvent pour gagner des marchés, on ne peut pas réellement considérer que cela soit de l'offshore puisque cette conquête des marchés n'aurait pu se faire depuis la France" complète Jean-Christophe Berthod.
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