EMPLOI 
 
Régis Granarolo
Président Fondateur
MUNCI
Régis Granarolo
"L'offshore est sous-évalué en France"
Créé début 2003, le MUNCI est une association professionnelle du secteur informatique/télécoms. Son fondateur revient sur les objectifs du Mouvement et ses missions, s'exprimant notamment sur le phénomène offshore et son impact en France.
10/06/2004
 
  En savoir plus
 MUNCI
Dossier Externaliser l'informatique
JDN Solutions. Pouvez-vous nous présenter ce qu'est le MUNCI ?
Régis Granarolo. Le Mouvement pour une Union Nationale des Consultants Informatiques est la première association professionnelle (loi 1901) dans la branche informatique/télécoms. Cela peut s'apparenter à un syndicat mais nos objectifs et nos ambitions vont bien au-delà : notre mission est de fédérer aussi bien les salariés des sociétés IT (SSII, Editeurs…) que les indépendants, les directeurs de TPE en services informatiques (qui ne sont pas admises au Syntec) sans oublier les demandeurs d'emplois. L'intégration de cette dernière population traduit l'explosion du chômage dans notre secteur depuis l'an 2000 (près de 50 000 informaticiens au chômage fin 2003 contre 10 000 à 15 000 trois ans plus tôt) avec un taux de chômage sectoriel qui représente aujourd'hui près du double du taux de chômage moyen des cadres en France (celui-ci étant de l'ordre de 5%), sans oublier les nombreux indépendants sans mission…

Combien d'adhérents avez-vous ?
Nous avons plus de 900 adhérents et membres sympathisants dont 40% de collaborateurs de sociétés IT, 30% de demandeurs d'emploi, 20% d'indépendants et le reste fait partie de populations diverses. Nous sommes constitués d'un bureau national de 7 personnes (représentatives de nos populations d'adhérents) et d'un conseil d'orientation formé de commissions diverses en charge des études (analyses, propositions, publications...)

Deux problèmes majeurs: les licenciements abusifs et l'augmentation inquiétante du phénomène offshore"
Qu'est-ce qui vous a conduit à créer l'association ?
Déjà, il était un peu choquant de parler de "pénurie d'informaticiens" dans les années 1997-2001…alors que notre marché du travail était au fond globalement équilibré ! Mais tandis qu'on prédisait à l'unisson des années de "pénurie d'informaticiens" croissante, le marché s'est au contraire totalement retourné en l'espace d'une année ! Début 2003, nous nous sommes rendu compte combien le marché de l'emploi informatique était déprimé (les nombreuses offres d'emplois fictives ne devant pas faire illusion…) et qu'il y avait alors deux problèmes majeurs : les licenciements abusifs et l'augmentation inquiétante du phénomène offshore.
Ces licenciements abusifs (et autres transactions individuelles irrégulières…) proviennent généralement des problèmes de la gestion des ressources humaines et de l'intercontrat dans des SSII qui, pour la plupart, ne veulent pas s'embarrasser de plans sociaux ou de licenciements économiques. Nous continuons à recevoir, hélas, toujours des témoignages à ce sujet.
Quant à l'augmentation du phénomène offshore, sans surprise sa croissance a suivi parallèlement tous ces nombreux licenciements ! Nous ne pensons pas que tous ces problèmes soient exclusivement dus à la conjoncture, nous pensons qu'ils s'expliquent autant par des raisons d'ordre structurel. Il est très clair que beaucoup d'informaticiens ont aujourd'hui le sentiment d'appartenir à une catégorie inférieure de cadres.

Quelles sont les missions du MUNCI ?
D'abord nous avons un rôle d'information et de consultation, car nous considérons que l'information "à plusieurs niveaux" présente trop fréquemment des déficiences dans l'étude des problèmes socioprofessionnels du secteur informatique.
Ensuite nous avons un rôle de lobbying politique et économique, l'objectif est de remonter les problèmes que l'on vit sur le terrain aux politiques, de mener des analyses aussi rigoureuses que possible et surtout de faire des propositions : nous voulons être constructifs et pas seulement protestataires ! Par exemple pour l'évolution du statut des professionnels autonomes.
Enfin, nous allons progressivement apporter des services plus personnalisés aux adhérents avec l'aide de nos partenaires, comme du coaching de carrière ou du support juridique. A défaut de pouvoir participer aux négociations paritaires ou aux accords d'entreprises au même titre que les syndicats, nous incitons nos adhérents à se mobiliser pour les IRP (instances représentatives du personnel), notamment pour investir les CE !

Notre objectif à terme est de constituer le futur syndicat professionnel du secteur, nos modèles peuvent être les grandes fédérations de travailleurs hitech qui existent déjà en Angleterre ou aux Etats-Unis ("unions") et qui fédèrent la majorité des consultants IT, notamment les indépendants.

Pour revenir à l'offshore,comment analysez-vous le phénomène ?
Nous relions essentiellement le problème de l'offshore à celui du marché du travail et aux motivations qui y conduisent. L'offshore nous apparaît comme le dernier avatar d'une lente dévalorisation de certains de nos métiers qualifiés (développeurs), de l'irresponsabilité sociale de certaines entreprises et de leur vision court-termiste. On fait passer la diminution des coûts comme critère prioritaire, la décision émanant d'ailleurs plus souvent du directeur des achats d'une entreprise que d'un DSI qui connaît les avantages de la proximité. Résultats : souvent des échecs et des délais de livraison non respectés qui renchérissent finalement le coût final ! L'offshore n'est pas fondamentalement justifié : si les prix ont beaucoup chuté, les salaires aussi (nos salaires moyens à l'embauche ont chuté d'environ 20% depuis 3 ans !) sans compter toutes sortes de mesures de rationalisation qui ont permis de réduire les coûts. La seule justification, c'est le dérobement au coût du travail ! La flexibilité est loin derrière… Il est évident qu'en France et surtout aux Etats-Unis, la contestation de l'offshore outsourcing a surpris tout le monde, elle ne fait probablement que commencer.

Les études ne tiennent pas compte de l'externalisation interne des sociétés informatiques"

Est-ce que le problème offshore a été sous-évalué en France?
Il est difficile de donner aussi bien des prévisions que des évaluations socioéconomiques fiables dans notre secteur. Selon l'étude annuelle PAC (Pierre Audouin Consultants) le marché de l'offshore représentera environ 3% de la sous-traitance en informatique pour 2004 et 10 000 emplois délocalisés, soit un triplement du marché depuis 2002. Mais en réalité l'impact sur le marché de l'emploi est plus important car les études ne prennent généralement en compte que les prestations commerciales et contractuelles, elles ne tiennent pas compte de l'externalisation interne des sociétés informatiques au moyen de filiales dans les pays à bas coût (et pas seulement les sociétés informatiques d'ailleurs : la société générale, par exemple, emploie environ 200 informaticiens à Bangalore). Ainsi, on arrive déjà à près de 3500 emplois délocalisés rien qu'en Inde avec notamment les implantations de grandes SSII françaises telles que Cap Gemini et Atos… Enfin, il faut bien voir qu'il y a en réalité beaucoup de discrétions sur les projets dans ce domaine, cela peut être même transparent dans des projets au forfait pour les clients ! Oui, l'offshore est donc sous-évalué en France. Ce qui nous inquiète, c'est surtout sa progression rapide. Nous espérons que l'offshore plafonnera quelquepart entre 5% et 10% du marché IT en France, mais il n'est pas exclu que ce chiffre soit dépassé malgré les barrières culturelles, linguistiques, managériales et salariales…

Quels chiffres sont plus près de la vérité?
Même s'il est difficile de donner un chiffre, on peut estimer que l'offshore représente actuellement autour de 15 000 emplois "perdus" par an soit pas loin du nombre de jeunes diplômés en informatique qui arrivent sur le marché de l'emploi tous les ans.

L'offshore porte surtout préjudice aux jeunes diplômés qualifiés à partir de Bac+2."

A votre avis, quelles sont les populations qui sont ou seront le plus touchées par l'offshore en France ?
L'offshore porte surtout préjudice aux jeunes diplômés qualifiés à partir de Bac+2. Le secteur de l'informatique est, en âge, le secteur le plus jeune de l'économie française. L'essentiel des activités offshore, ce sont des projets qui nécessitent des compétences récentes, surtout au niveau du développement mais aussi de la création multimédia, des tâches de maintenance, de portage…Plus récemment, ca concerne aussi l'administration réseau, les services télécoms et même la CAO. Nous sommes confrontés à des situations de concurrence abusive pour des projets qui, sans être forcément stratégiques pour l'entreprise, sont de plus en plus exigeants en termes de compétences.

Avez-vous eu des retours politiques de la part de Nicole Fontaine sur le concept de "délocalisation positive" en Inde ?
Nous avons fait poser récemment par un député une question au ministre de l'Industrie à ce sujet, la réponse a totalement esquivé ce sujet délicat… Il y a de toute évidence une certaine hypocrisie autour de cette "coopération technologique" entre la France (avec l'Union Européenne) et l'Inde quand on sait que derrière cette "coopération" se cache notamment l'offshore ! Et les informaticiens français et européens semblent bel et bien les premiers "sacrifiés" sur l'autel des échanges commerciaux avec l'Inde… Il semble évident qu'il y a certains lobbies derrière tout çà ! Le problème est que le gouvernement n'a pas du tout pris en compte la forte croissance du chômage et le malaise social grandissant dans le secteur informatique ces dernières années. Il est question de freiner les délocalisations de centres d'appels, mais qu'en est-il des services informatiques ? Dans le même ordre d'idée, le gouvernement aide le secteur des jeux vidéos…mais revoit fortement à la baisse ses projets de modernisation informatique des dépenses de l'État ("Accord 2") !

Aux Etats-Unis, on a la droit de payer les cadres étrangers aux mêmes conditions que celles de leur pays d'origine"

Vous parlez sur votre site "d'onshore", qu'est-ce que vous entendez par là?
Aux Etats-Unis, on a la droit de payer les cadres étrangers aux mêmes conditions que celles de leur pays d'origine. On appelle cela "l'onshore" ou "régie délocalisée" sur site. En France, la réglementation du travail est, pour le moment, plus protectrice, donc le phénomène a moins de chance de s'étendre.
En 1998 et en 2002, des circulaires du ministère du travail ont autorisé librement l'immigration économique d'informaticiens étrangers. Il aura fallu attendre début 2004 pour qu'une nouvelle circulaire vienne annuler les 2 précédentes… On estime qu'il y a actuellement environ 10 000 informaticiens étrangers avec une carte de séjour ou un visa provisoire. Le problème n'est pas qu'ils soient étrangers bien sur, mais bien qu'ils soient très généralement aux salaires minimaux de la convention collective ! Rappelons que ces minima salariaux dans la branche Syntec n'ont pas été renégociés depuis 7 ans ! Finalement, une forte revalorisation de ces minima suffirait - presque - à résoudre tous ces problèmes de dumping social ! Attention, "l'onshore" est pour le moment un problème tout à fait secondaire sur le front de l'emploi, mais, comme pour l'offshore, c'est maintenant qu'il faut réagir et s'alarmer d'une possible aggravation de ce phénomène : la France est toujours la championne incontestée du rattrapage des causes perdues !

Quel impact de l'AGCS sur le secteur informatique ?
L'AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services) fait partie des négociations actuelles de l'OMC sur la libéralisation quasi totale du commerce des services. Dans cet accord, qui devrait être officialisé début 2005, le mode 4 définit notamment les règles de mobilité temporaire des prestataires de service. Des pays comme l'Inde ont fait pression pour qu'il puisse y avoir une mobilité totale de leurs prestataires de services high-tech et l'Union Européenne a très généreusement donné son aval en rejetant toute idée de "tests préalables de nécessité économique". Avec le mode 4, plus question de quotas et plus de problème de visas ! On pourra avoir des informaticiens de pays "low cost" qui viendront remplir librement des missions de service présumées de 6 mois à 1 ans avec les conditions de salaire et de travail de leur pays d'origine ! "Présumées" car il pourra s'agir bien sur de délits de marchandages (ou prêts illicites de main d'œuvre) du fait que ces prestataires pourront se substituer aux salariés internes. Il faut espérer que l'Europe émettra des règles plus strictes pour protéger le marché du travail, mais aussi que notre propre droit du travail tiendra bon !

  En savoir plus
 MUNCI
Dossier Externaliser l'informatique

Pour finir, concrètement qu'est-ce que le MUNCI propose de faire ?
En Europe et surtout en France, les problèmes socioprofessionnels et techniques dans les TIC sont toujours mal appréhendés par les pouvoirs publics. Il faudrait que les organisations de professionnels et utilisateurs des TIC (pas seulement les informaticiens) se regroupent dans une grande fédération pour constituer enfin un lobby de même poids que celui des grands de l'informatique. Peut-être alors que des sujets comme les brevets logiciels ou la LEN (plus généralement les "politiques numériques") seraient abordés un peu différemment… Le MUNCI pourrait être l'embryon de cette fédération au moins pour tout ce qui concerne les sujets socioprofessionnels !

 
Propos recueillis par Laëtitia BARDOUL, JDN Solutions

PARCOURS
 
 
Régis Granarole, 31 ans, Issy les Moulineaux
Consultant e-business (Nouvelles Technologies, Architectures XML, Business Intelligence)

Formation: Ingénieur Informatique IPSE-UTC en 1997
Expériences: Plusieurs années d'expériences en SSII (GFI) et Télécom (Ferma).

Co-rédacteur et relecteur de livres informatiques.
Demandeur d'emploi depuis 2003 (année où il fonde le Munci avec d'autres informaticiens demandeurs d'emplois, salariés de SSII et indépendants)
Travaille actuellement sur un projet de création d'entreprise (services de veille technologique et concurrentielle)

   
 
  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Auralog - Tellmemore | Publicis Modem | L'Internaute / Journal du Net / Copainsdavant | Isobar | MEDIASTAY
 
 


Emploi Voir un exemple
Solutions Voir un exemple
Management Voir un exemple
Rechercher dans les offres Emploi Stage
L'entreprise à l'affiche
   Dernières offres Toutes les offres 
    Responsable du site publicsenat.fr (CDD de 6 mois) H/ F - Chaine Parlementaire Public Sénat
    RESPONSABLE MAINTENANCE H/F - Page Personnel
    RESPONSABLE PÔLE ANALYSE H/F - Michael Page International
    DIRECTEUR(TRICE) DE RESTAURANT H/F - Michael Page International
    RESPONSABLE DES VENTES H/F - Michael Page International
Candidat Offres par mail | Son compte | Déposer son CV
Recruteur Publier une offre | Consulter les CV | Annoncer