Arrivé plus tardivement en France que ses alliés
IBM et I2 Technologies, l'américain Ariba,
qui ouvre tout juste sa filiale, se définit comme
le pionnier des fournisseurs de plates-formes b-to-b depuis
1996. Dès le départ ancré sur la gestion
des achats (e-procurement) entre les grands comptes et leurs
partenaires, l'éditeur affirme sa "Golden Rule" :
leur faire économiser avec ses solutions jusqu'à
300 millions de dollars l'année. Depuis ses
premiers clients historiques parmi lesquels Lucent, Visa
et Chevron, 425 marques de prestige les ont rejoint ces
5 dernières années. Résultat :
une croissance phénoménale de 687 % entre
1999 et 2000. Mais qui est Ariba ? Quelle est sa formule
magique pour transformer les affaires en or ?
Nous avons rencontré Ben Wright, son directeur
marketing EMEA et vingtième employé arrivé
dans la société en avril 1997, qui vient tout
expliquer sur les technologies du business-to-business.
Propos recueillis
le 20 octobre 2000 par François
Morel
JDNet
Solutions : Quel est le panorama de vos solutions ?
Ben Wright: Nous avons démarré avec
notre progiciel Ariba Buyer pour connecter les entreprises
avec leurs fournisseurs. Puis, nous avons lancé notre
infrastructure Ariba Commerce Service Network pour apporter
nos services à valeur ajoutée à des
chaînes logistiques de grande envergure. Cet environnement
s'est enrichi progressivement avec Transaction Routing pour
assurer des transactions entre des milliers de fournisseurs
et de clients connectés à l'aide de technologies
hétérogènes, comme XML, l'EDI, l'e-mail,
le fax... Puis, nous avons ajouté des modules pour
la logistique et les transactions afin de garantir des économies
aux entreprises. Aujourd'hui, nous proposons Ariba Marketplace
qui réunit tout au sein d'une même place de
marché b-to-b.
Quels
sont les objectifs de l'alliance avec IBM et I2 ?
Nous avons trois objectifs dans cette alliance. Tout d'abord,
il s'agit d'accélérer l'adoption du commerce
b2b. Ensuite, nous travaillons avec des partenaires de qualité :
IBM qui apporte une technologie de systèmes d'information
de haut niveau, et I2 qui apporte d'excellents outils de
gestion de la chaîne logistique. Enfin, nous utilisons
IBM pour revendre nos produits. Nous formons chez eux des
centaines d'ingénieurs et de commerciaux afin qu'ils
puissent implémenter nos solutions.
Les
multiples partenariats avec d'autres éditeurs "concurrents"
font-ils courir des risques à l'alliance ?
Il
ne s'agit pas d'un partenariat exclusif. Nous travaillons
par exemple aussi avec Hewlett-Packard. Tous ces partenariats
expriment la notion de coopétition sur des projets,
et non de compétition. Parfois, nous mettons en oeuvre
des projets avec nos deux partenaires de l'alliance, parfois
avec un seul, et parfois avec d'autres.
Que
proposez-vous pour favoriser l'adoption du commerce b-to-b
et harmoniser les transactions ?
Tout
d'abord, soit les différents fournisseurs et clients
se connectent de différentes façons. Auquel
cas, notre plate-forme assure les conversions entre les
différents standards. Ariba parle XML et convertit
en EDI, Fax, e-mail, Biztalk, etc.
Ensuite, nous nous sommes associés avec plus de 40 autres
éditeurs dont IBM, I2, Microsoft et SAP sur le standard
UDDI (Universal
Description Discovery and Integration). Ce standard s'appliquera
à toutes les places de marché qui seront construites
avec les systèmes de chacun des éditeurs.
D'autres spécifications
existent, comme eb-XML. UDDI n'est-il pas un standard de
plus en compétition ?
Il existe beaucoup de spécifications XML mais l'UDDI
est adopté par la plupart des éditeurs actifs
dans l'environnement du b-to-b. L'objectif d'UDDI est d'être
global. Il s'agit de la technologie la plus ouverte développée
au monde. Elle ne sera pas disponible la semaine prochaine
mais cela devrait arriver rapidement.
Quels
sont aujourd'hui les projets dans lesquels vous vous êtes
engagés avec IBM et I2 ?
Nous
travaillons ensemble sur six projets majeurs. Le premier
est e2-Open,
la place de marché du secteur industriel des hautes
technologies avec des acteurs comme Hitachi ou Panasonic
qui génèrent ensemble plus de 500 milliards
de dollars de revenus. De son côté, Worldwide
Retail Exchange regroupe la plupart des sociétés
de la grande distribution dont Auchan, Gap, Marks & Spencer
qui réalisent à peu près le même
volume de transactions. Ensuite, on peut citer Transora
pour les biens packagés, la place de marché
de Wolkswagen, et Omnex US.
Qu'est-ce
qui est le plus intéressant pour un grand compte
: disposer de sa propre place de marché ou participer
aux transactions sur une marketplace indépendante ?
Les
deux. Les très grandes entreprises peuvent à
la fois sélectionner leurs fournisseurs sur leur
propre place de marché, et profiter des opportunités
créées sur les places de marché indépendantes.
C'est le cas du géant de la grande distribution américain
K-Mart, par exemple.
Quels
sont vos modes de rémunération ?
Nous
fournissons nos technologies avec des licences et nous prenons
un pourcentage sur les revenus générés
par les transactions. Ariba Buyer coûte aux alentours
de 2 millions de dollars et Ariba Marketplace est à
environ 1 million de dollars. Cela nous assure des
moyens à court terme, ainsi que des revenus à
long terme. Au dernier trimestre, nous avons atteint l'équilibre
et nous avons maintenant 400 millions de dollars en
banque.
Et
quelles sont les raisons de votre succès ?
Cela
prouve que nous avons un bon modèle d'affaires (business
model). Les acheteurs économisent 10 % de leurs
dépenses. Nous regardons leur modèle d'affaires
et nous calculons le pourcentage au cas par cas.
IBM
a lancé le concept de l'e-XRP, ou l'ERP de l'entreprise
étendue qui intègre ses systèmes de
gestion internes et externes. Qu'en pensez-vous ?
Nous
ne sommes pas éditeur de progiciels de gestion intégrés
mais nous vendons des solutions qui se connectent aux ERP.
Ce seraient des plates-formes très difficiles à
mettre en oeuvre. Je crois que pour les deux années
à venir, les deux systèmes resteront séparés.
Certains
analystes prédisent l'explosion du marché
b-to-b en Europe. Qu'en est-il selon vous ?
En
Europe, seulement 2 % des entreprises seraient actuellement
connectées à des places de marché.
Elles seront 80 % dans les 3 ans à venir,
selon une enquête publiée sur le site américain
napm.org (National association of purchasing management).
Allez-vous
développer des modules pour la configuration d'achats
en fonction de règles et de contraintes complexes
?
Notre
objectif est de fournir des centaines de services à
valeur ajoutée à travers chaque point de la
chaîne logistique. Dans ce cadre, nous travaillons
notamment sur un composant Design Collaboration qui peut
gérer les processus entre des designers, graphistes,
etc. situés aux quatre coins du monde.
Allez-vous
aussi vous lancer dans les technologies peer-to-peer, ou
client/client, comme d'autres acteurs de la collaboration
et du b-to-b ?
Le
principe même de cette technologie est déjà
mis en oeuvre dans des sites d'enchères comme eBay.
Avec Ariba Marketplace, nous proposons ces enchères
ainsi que des enchères inversées. Il s'agit
d'un peer-to-peer mixte à travers le hub central.
Cette technologie va apporter la possibilité d'échanger
des documents de façon sécurisée et
privée.
Quels
sont les prochaines composantes qui vont enrichir votre
offre ?
Nous
allons bientôt proposer Sourcing Services qui permet
de dénicher les meilleurs fournisseurs sur un produit.
Dans cette optique, nous avons racheté SupplierMarket.com
et nous y intégrons notre outil de sourcing. Nous
allons aussi continuer d'acquérir des entreprises
pour enrichir notre offre de services à valeur ajoutée.
Et
les évolutions à venir côté Ariba,
notamment en matière de croissance externe ?
De
ce côté, notre stratégie se base sur
le "Build, buy or partner". Nous allons procéder
à quelques acquisitions stratégiques lorsque
cela sera nécessaire. Les dernières sont par
exemple Tradex qui édite une solution de place de
marché, et Trading Dynamics spécialisé
dans les enchères. Les personnes que nous récupérons
dans le cadre de ces rachats font aussi partie des plus
intelligentes dans le domaine des technologies. Or, il est
important de bénéficier de sang neuf dans
l'entreprise, en recrutant de jeunes gens compétents
et agressifs.
Avant de rejoindre Ariba en avril 1997 avec pour mission
de créer et de diriger les départements de
gestion des lignes de produits et du planning des sorties,
Ben Wright a travaillé pendant 7 ans
chez Oracle, et auparavant chez Bull. En avril 1999, il
quitte son poste de responsabilité des opérations
d'Ariba aux Etats-Unis pour devenir son nouveau directeur
marketing EMEA, assumant à ce titre l'ensemble des
fonctions marketing en collaboration avec l'équipe
dirigeante européenne.
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