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Interviews |
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Nigel Montgomery
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Directeur
de recherche
Applications E-business
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AMR Research
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Notre
modèle décompose les architectures e-business en sept couches |
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Depuis quelques mois, le cabinet d'études et de recherche américain
AMR Research
travaille sur le modèle des architectures e-business de prochaine
génération. Baptisé ECM pour Enterprise Commerce Management,
celui-ci se définit en plusieurs couches pour aider les entreprises
avec un barême. Afin de faire le point sur l'existant
et de comprendre l'intérêt d'une telle spécification globale,
nous avons interviewé le gourou britannique d'AMR en matière
de commerce inter-entreprises, alias Nigel Montgomery. Car le
futur de l'e-business se dessine dès aujourd'hui, pour préparer
les applications de demain. Prospective et limites.
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Propos recueillis par François Morel le 22
juin 2001
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JDNet
Solutions: Quelles sont les raisons qui vous poussent à définir
un nouveau modèle d'architecture e-business ?
Nigel Montgomery:
Si nous regardons de plus près
l'industrie et les grandes organisations qui la composent, ce
qui compte le plus pour elles, c'est le retour sur investissement
en matière d'e-business. Or, les attentes de la plupart
d'entre elles tournent autour de 18 mois pour atteindre un seuil
de rentabilité. Et parfois, celui-ci n'arrive qu'au bout de
deux ou trois ans. De plus, 67 % d'entre elles n'ont même pas
la vision de ce ROI. Pourtant, tous les éditeurs parlent d'un
retour sur investissement rapide dans chacun des domaines concernés.
Mais la réalité est qu'aucun de ces éditeurs n'a de preuves
concrètes à présenter. En fait, ils veulent satisfaire leur
propre rentabilité.
Avec les investissements pour le passage à l'an 2000, les grandes
entreprises ont parfois dépensé 2 milliards de dollars sans
que cela n'améliore leurs affaires. De plus, la démarche de
révision des systèmes d'information a montré à quel point ceux-ci
sont désordonnés. C'est pourquoi il faut apporter une structure
à l'e-business. Et pour cela, nous devions construire un modèle
tactique dans un contexte très stratégique.
Quel
exemple concret pouvez-vous apporter à nos lecteurs ?
Imaginez
une entreprise avec une chaîne de production industrielle. Celle-ci
a besoin de traçabilité. Pour assurer une transaction particulière
sur un produit, elle doit pouvoir couvrir tout son cycle de
vie. Et l'entreprise doit collaborer avec ses partenaires en
vue de concevoir l'accomplissement de sa chaîne logistique.
Car la traçabilité n'est pas un simple produit mais un processus
qui englobe les partenaires, et qui assure un contrôle sur les
enregistrements de la façon dont les transactions sont menées.
L'ECM est donc un modèle que les éditeurs peuvent s'appliquer
à eux-même pour être en accord avec ces systèmes. Des sociétés
comme Thomson, par exemple, ont besoin de cette compatibilité
s'ils veulent acheter une solution de design collaboratif. Et
c'est pourquoi il est important que l'ECM soit accompli. C'est
la raison pour laquelle nous travaillons sur des critères d'évaluation
des solutions pour connaître les composants et les besoins d'évolution
des architectures. Et nous pourrons aider les utilisateurs dans
leurs choix applicatifs.
Les
5 grands éditeurs de progiciels de gestion intégrés, pour ne
citer qu'eux, évoluent vers des systèmes pour l'entreprise étendue.
Ne sont-ils pas déjà prêts ?
L'ECM modélise 7 couches de conformité au niveau de l'architecture.
Or, aucun des éditeurs ne peut tout couvrir. Les systèmes devront
interopérer entre eux. De plus, l'entreprise a besoin de faire
évoluer les applications qu'elle utilise. L'ECM correspond à
tout ce dont vous avez besoin pour fournir n'importe quoi. Effectivement,
les compagnies les mieux placées sont les éditeurs d'ERP traditionnels
comme SAP, PeopleSoft, Oracle et IFS. Mais nous pensons que
le progiciel de gestion intégré est simplement une petite partie
du paysage. Et l'ECM permettra une acceptation plus forte du
modèle des places de marché.
L'important est d'obtenir une architecture ouverte avec des
systèmes qui puissent communiquer entre eux. Et c'est pourquoi
nous devons travailler avec les éditeurs pour les aider à concevoir
leurs produits, tout en nous assurant que les entreprises disposent
des systèmes de communication appropriés. Il faut une conformité
à l'ECM pour satisfaire les besoins d'intégration.
Les systèmes isolés doivent être reliés
entre eux mais aussi opérer avec les places de marché
privées, le tout dans un environnement sécurisé.
Donc,
quelles sont les 7 couches de conformité d'architecture que
représente l'ECM ?
La
première est (1) le serveur d'application compatible
J2EE et .Net. La seconde correspond au (2) modèle de
données analytique, pour définir des indicateurs
de performance clef. Puis, vient le domaine de (3) l'intégration
entre applications indépendantes, basée sur une
architecture XML. En quatre, il s'agit du (4) modèle
autour de la gestion des processus d'affaires, pour s'assurer
que ceux-ci s'accordent avec certains standards requis. La cinquième
couche concerne (5) les niveaux de sécurité requis
sur une place de marché privée. Ensuite, nous
abordons (6) l'environnement du portail. Et enfin, le dernier
niveau est celui de (7) la gestion du système, c'est
à dire comment gérer ces systèmes collaboratifs.
Pour chacun d'eux, nous développons des tableaux d'évaluation,
avec des tests pour voir à quel pourcentage les solutions
répondent aux capacités fonctionnelles. Tous les
éditeurs devront effectuer ces tests de conformité.
Et les entreprises pourront choisir leurs logiciels en fonction
de cette conformité au modèle ECM.
Souhaitez-vous
aboutir à une standardisation complète des architectures
?
C'est
ce que nous développons en ce moment. D'autres standards
sont élaborés par IBM, Microsoft et différentes
sociétés. Mais il faut s'assurer que les entreprises
qui sont les utilisateurs finaux seront satisfaites dans leurs
exigences. Une partie des standards seront des web services.
Mais les 7 couches du modèle doivent être
standards. La couche des services applicatifs, par exemple,
devra comporter des paramètres de conformité standards
pour tous les éditeurs à l'intérieur d'un
même secteur. Et il y aura une conformité verticale
pour l'industrie. Nous avons réalisé une étude
sur les sociétés du domaine de la logistique comme
FedEx, et 5 d'entre elles ont actuellement le pouvoir et
le business model leur permettant d'y arriver.
Où
en sont exactement les éditeurs ?
En
fait, personne n'a évolué radicalement. Quelques-uns
sont sur le point de terminer leur part du travail. Aujourd'hui,
nous avons le modèle global, mais pas les détails.
Le premier domaine qui devrait aboutir correspond à la
couche ERP. Il y a déjà Baan qui inclut dans son
offre des modules conformes au modèle ECM. SAP et Peoplesoft
sont en train de faire de même. Chacun d'eux dispose des
processus d'évaluation pour tester sa conformité.
Puis, viendra le tour de la couche correspondant à la
conception du cycle de vie des produits. D'ici Noël, nous
espérons disposer du modèle abouti en position
finale avec les 7 couches.
Tous
les éditeurs sont-ils d'accord sur le principe de vous
suivre ?
Le
problème est actuellement le suivant. IBM développe
un standard sur l'habilitation des transactions. Oracle est
sur un autre, et Microsoft aussi. Pour les entreprises, cela
devient de plus en plus compliqué. Or, nous voulons les
aider à déterminer de quel cadre elles ont besoin
pour l'avenir. Chaque éditeur développe ses propres
standards. Et c'est pourquoi l'ECM joue son rôle, afin
d'aider les entreprises à effectuer leurs décisions
sur les logiciels qu'elles utiliseront en conformité
avec leur stratégie.
Qu'est-ce
qui vous permet d'être aussi certains que les entreprises
utilisatrices vont vous suivre ?
Nous
avons interviewé 203 grandes entreprises en Europe,
sur la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Lorsque nous
leur posons la question du plus grand obstacle à la réussite
de leurs projets de places de marché privées,
86 % répondent que leurs partenaires ne sont pas
prêts. Car ils n'ont pas les infrastructures e-business
qui permettent des échanges automatisés. Et un
produit comme celui de Webmethods ne suffit pas. Il manque par
exemple le système d'enregistrement cohérent.
Encore une fois, le problème est là et c'est pourquoi
notre modèle d'architecture répond à un
réel besoin.
Sur
les trois pays que vous avez cités, y en a-t-il de plus
avancés que d'autres ?
Lorsque
nous avons demandé aux entreprises comment elles perçoivent
la valeur de leur business, 46 % des britanniques ont répondu
que la fonction des achats était la plus précieuse
et générait un meilleur retour sur investissement.
L'Allemagne était comparable. En France, 43 % ont
répondu les ventes. Ce qui soulève deux remarques.
D'abord, que la France est moins avancée que la Grande-Bretagne
et l'Allemagne. Et ensuite, que la chaîne logistique française
est différente de l'anglaise. Et les entreprises françaises
ne croient pas à un véritable retour sur investissement
car les marges ici sont très très réduites.
Allez-vous
revendre du conseil en architecture aux entreprises sur la base
de vos tableaux de conformité ?
AMR
n'est pas un cabinet de conseil. Nous travaillons là
dessus en particulier car nous sommes indépendants de
chaque éditeur, constructeur et distributeur. Et ceci,
sur les sept couches différentes. C'est à IBM,
Microsoft et les autres de rentrer en conformité avec
notre modèle. Selon leurs stratégies. Mais les
entreprises utilisatrices ont une forte demande sur des solutions
ECM.
Nos clients font partie des Global 1000 et ont besoin de ce
modèle. Et le premier point critique sera la rapidité
des éditeurs d'ERP à adopter le modèle.
Mais je ne crois que l'un d'entre eux aura une position dominante.
Quelques-uns cependant ne comprennent pas les besoins finaux
de leurs clients.
Qu'en
est-il des sociétés comme I2 Technologies, Ariba
et Commerce One ? Et les éditeurs de progiciels de gestion
de la relation client comme Siebel ?
I2
et Ariba auront aussi à s'y intéresser de près
pour s'assurer de leur interopérabilité aux autres
systèmes. Et je dois avoir une réunion avec JDEdwards
et Commerce One dans les prochains jours (à la date de
l'entretien le 11/06) pour discuter sur ce sujet.
Quant au CRM, il fait évidemment partie des progiciels
d'entreprise étendue. Sur ce plan, nous sommes également
proches de Siebel et d'autres éditeurs. Ceci dit, nous
n'avons pas de préférence pour l'un ou l'autre.
Egalement, la gestion des connaissances et le décisionnel
sont des parties importantes du système d'information
de l'entreprise étendue.
Si
vous réussissez à imposer l'ECM, va-t-il obliger
les éditeurs de produits EAI (AtoA et BtoB) à
revoir radicalement leurs offres sur le long terme ?
Cela
dépend de leur façon de regarder le monde. Le
facteur clef de l'ECM est qu'il permet aux entreprises utilisatrices
de réfléchir stratégiquement sur leur évolution
à long terme en matière de business et de besoins
technologiques. Et ceci, tandis qu'elles agissent tactiquement
pour résoudre des problèmes technologiques à
court terme pour satisfaire des besoins spécifiques comme
le fait de fournir un catalogue électronique à
un client majeur. Si elles ont adopté l'ECM, elles sont
assurées d'avancer sans se compromettre.
Si l'éditeur EAI regarde seulement l'impact direct de
ses solutions sur un client, par exemple la connection entre
deux systèmes spécifiques, alors il sera laissé
sur le côté. S'ils adoptent le modèle ECM
tout en assurant l'évolution de leurs produits en même
temps que celle du cadre technologique de leurs clients, ils
réussiront. Certains devront donc certainement revoir
leurs solutions, mais la plupart y gagneront une récompense
avec des engagements plus long. Car ils deviendront des partenaires
stratégiques et non plus des fournisseurs de solutions.
Pour
terminer, êtes-vous les seuls à travailler sur
un projet comme l'ECM ?
Gartner
a déjà le modèle ERP-2 qui a été
développé dans le même esprit. Mais celui-ci
ne concerne que les ERP, et le progiciel de gestion intégré
est juste une petite partie du système d'information
de l'entreprise étendue.
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Avant de rejoindre AMR Research, dont il est le directeur
de recherche pour les applications e-business, Nigel Montgomery
était directeur marketing Europe chez l'éditeur
australien d'applications e-business Aspect Computing. Auparavant,
il travaillait chez Computer Associates, d'abord en tant que
responsable d'unité d'affaires, puis responsable des
ventes et du support, et enfin directeur produit interational.
Il dispose également de 13 ans d'expérience comme
responsable de systèmes pour la région Sud chez
le constructeur automobile Rover Cars plc.
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