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Interviews |
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Christophe Lahaye
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Vice-président
Europe du Sud |
Ebone
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"Les
gens qui posent des centaines de fibres ont perdu la raison"
(Partie 1) |
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Backbone historique européen face à Arpanet, l'ancêtre américain
d'Internet, Ebone
est un véritable géant du monde des réseaux IP.
Pour arriver à ses 24 000 kilomètres
de fibre optique européenne supportant de 2,5 à
10 Gbps de bande passante, la société a beaucoup
évolué depuis l'époque où elle s'appelait
GTS-Omnicom, fusion entre GTS et l'opérateur de l'ancienne
Union Soviétique. Face à des questions récurrentes
comme le surplus de bande passante du monde occidental et le
dégroupage de la boucle locale, le vice-président
d'Ebone apporte plus que des réponses. Et des analyses
incisives. |
Propos recueillis par François Morel le 28
juin 2001
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JDNet
Solutions: GTS-Omnicom, puis GTS-Ebone et enfin Ebone. Pourriez-vous
résumer pour nos lecteurs l'historique de votre entreprise
?
Christophe Lahaye:
L'historique remonte à 1991-92,
avec la fondation du premier réseau européen Ebone
fondé par tous les grands opérateurs historiques.
Ceux-ci s'étaient réunis en consortium pour échanger
des données à travers le protocole IP, sur le
même modèle que Arpanet aux Etats-Unis. En 1998,
GTS a repris une majorité des parts et a racheté
la totalité d'Ebone en 1999. Cette acquisition a été
réalisée par apport en nature, sous forme de morceaux
de réseaux. Au départ, il s'agissait d'un petit
réseau à 34 Mbps qui pour 1999 n'était
pas assez dimensionné. Très vite, le backbone
a été retaillé en STM-1 et ensuite nous
avons établi des liaisons à "n fois 2 Gbps"
entre les grandes villes européennes. Dès 1999,
Ebone est devenu le premier réseau IP en DWDM (multiplexage
sur fibre optique) couvrant toute l'Europe.
Voici
pour l'histoire ancienne. Et l'histoire plus récente ?
Depuis, sur la partie correspondant
à l'évolution technologique, les liens ont augmenté
à 2,5 Gbps, et maintenant nous fonctionnons sur
les nouvelles cartes Cisco à 10 Gbps. Ebone est
à présent le premier backbone à opérer
ce débit en natif.
L'an dernier, le nom GTS Omnicom a perduré jusqu'en septembre.
A cette date, le conseil d'administration a séparé
les activités voix non profitables des activités
données qui le sont beaucoup plus. Les premières
ont été vendues notamment dans le cadre d'un plan
de reprise de GTS Omnicom par les salariés, et le nom
de l'entreprise est devenu Esprit en Europe. Aujourd'hui, les
deux sociétés sont complètement séparées.
GTS est sorti de GTS-Omnicom, et Ebone est en train de faire
totalement disparaître la dénomination GTS.
A
l'heure actuelle, quelle est l'étendue de votre réseau IP
en fibre optique ?
Ebone profite notamment du réseau
en fibre optique Hermès repris par GTS en 1998. Maintenant,
nous disposons d'un réseau qui couvre 24 000 km
de fibre optique en Europe, et qui relie Oslo à Madrid,
et Dublin à Bucarest. Tout le monde y va de son cocorico,
mais nous avons 60 villes couvertes sur 20 pays d'Europe,
plus une liaison vers New-York aux Etats-Unis où nous
avons deux POP.
Aujourd'hui,
quel est votre positionnement en tant qu'opérateur face
aux autres géants de l'IP, comme Worldcom, KPN, Infonet,
Equant/GlobalOne... ?
Il est un peu difficile de répondre
à cette question. Selon les pays et les marchés,
nos concurrents sont différents. Sur le marché
de la bande passante, nous nous trouvons face à Worldcom,
KPNQwest et LDCom. Sur celui du transit IP, nos concurrents
sont plutôt Level 3 et Cable&Wireless. Et sur
les marchés IP/VPN (réseaux privés virtuels)
nous sommes en face d'Equant/Global One et Infonet.
Mais ces opérateurs sont en même temps de gros
clients, aussi bien Equant que KPN et Worldcom. Leurs réseaux
reposent sur des liens DWDM que nous fournissons sur toute l'Europe.
Peut-on
parler de positionnement unique ?
Oui, car nous exploitons ce backbone
européen à partir des couches basses du réseau.
Sur notre spécialité qui est l'exploitation, nous
n'avons pas vraiment de concurrents. Nous nous adressons à
différentes couches OSI ou ISO, et traditionnellement
nous étions sur la couche 3 qui correspond au protocole
IP et en dessous. Et maintenant, avec le streaming et les réseaux
privés virtuels, nous sommes sur les couches 4 et
5. Nous dérivons de nos produits de tradition "carrier"
et de transit vers une offre plus large point à point,
avec notamment notre plate-forme sophistiquée de diffusion
audio/vidéo lancée fin 2000. Tout ceci étant
bien sûr complété par notre offre d'hébergement.
Récemment, nous avons aussi déployé des
MAN (réseaux métropolitains) que nous appelons
SEN dans 13 villes d'Europe. Et ceci nous permet d'aller
chercher les très grandes entreprises utilisatrices et
de les relier sur les 10 à 15 points de concentration
du trafic comme les Telehouse et les backbones opérés
par des Interxion et Redbus Interhouse.
S'agit-il
de réseaux métropolitains Ethernet pour assurer
une continuité avec la boucle locale ?
Nous n'avons pas de couche Ethernet,
mais nos routeurs ont l'avantage d'être très flexibles.
En boucle locale, nous ne couvrons pas tous nos besoins et dans
ce cas, nous faisons appel à d'autres opérateurs
plus spécialisés comme Colt, France Télécom
ou même TelecomItalia pour connecter nos grands clients
mais aussi les ISP.
Alors
qu'en est-il exactement ?
Aujourd'hui, nos MAN sont en DWDM et SDH (Synchronous Digital
Hierarchy), qui est un protocole de transport européen
connu sous le nom de Sonet aux Etats-Unis. Le DWDM s'adresse
aux opérateurs internationaux et nous apportons la fibre
jusque chez eux. Il n'est pas possible d'atteindre des débits
de 2,5 ou 10 Gbps sans le DWDM. Pour des débits
plus faibles, de l'ordre de 620 Mbps, nous délivrons
le trafic par une interface SDH. Il s'agit vraiment d'un protocole
standard qui nous permet de tout faire car il est à la
fois très protégé et redondant.
SDH est souvent utilisé comme couche inférieure
à IP. Nous mettons IP directement sur du DWDM mais la
plupart des réseaux utilisent SDH comme couche intermédiaire.
Mais en plus des opérateurs, nous pouvons satisfaire
les très grandes entreprises avec SDH, ce qui correspond
typiquement aux backbones des grandes banques. L'un de nos grands
clients est Alcanet qui utilise ce type de protocoles, mais
aussi France Télécom qui nous achète certaines
destinations.
Vous
lancez une offre de bande passante liquide. Avez-vous implémenté
un protocole de routage intelligent comme le MPLS (Multiprotocol
Layer Service) ?
Cette offre est à destination
des opérateurs télécoms. Nous sommes partis
du constat que les réseaux de nos clients évoluent
dans le temps, et nous voulons leur fournir une capacité
flexible au bon endroit avec des temps de configuration courts.
La bande passante liquide, comme nous l'avons appelée,
nous permet de leur proposer une variété de configuration
de la capacité que nous mettons à leur disposition.
Il ne s'agit pas de MPLS mais toujours des couches situées
en dessous, comme DWDM et SDH. Grâce à ces technologies,
nous savons provisionner la capacité très vite,
en 24 ou 48h, là où se trouve le besoin. Ceci
vaut pour les trois couches : DWDM, SDH et IP. Et nous sommes
présents dans toutes les villes d'Europe où les
opérateurs en ont besoin.
Vous
intéressez-vous aux liaisons satellitaires ?
Il s'agit effectivement d'un moyen
intéressant d'accès à partir de certaines
zones du monde. Certains de nos clients sont des opérateurs
satellites. Mais en terme de coûts et de capacités
de transmissions, ces liaisons rencontrent des limitations que
nous ne connaîssons pas avec la fibre.
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En tant que vice-président Europe du Sud, Christophe
Lahaye est chargé des opérations pour Ebone en France,
en Espagne et en Italie. Il est notamment en charge des ventes,
du marketing et de la relation clients sur ce secteur. Avant
de rejoindre Ebone, il travaillait au sein de L'Agence pour
l'implantation des Entreprises en tant que directeur Asie. Il
avait pour mission de conseiller et d'accompagner les entrepreneurs
asiatiques s'implantant dans la région parisienne. En tout,
il compte 15 années d'expérience dans l'industrie des télécommunications.
Il est titulaire d'un MBA de l'université de San Francisco et
d'un diplôme d'ingénieur chimiste obtenu à l'université de Montpellier.
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