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Interviews |
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Didier Lambert
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Directeur
des systèmes d'information
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Essilor
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Peu
d'entreprises sont prêtes à se lancer dans des chantiers d'urbanisation |
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Pourquoi les entreprises n'échappent-elles pas au chaos applicatif
? Les solutions d'EAI peuvent-elles répondre à leurs besoins
? Des questions que nous avons posées à Didier Lambert, directeur
des systèmes d'information d'Essilor et président de l'association
des utilisateurs français d'Oracle. Un éditeur
sur lequel l'intéressé garde un oeil critique...
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Propos recueillis par Cyril Dhenin le 06 juillet
2001
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L'AUFO
(Association des utilisateurs français d'Oracle) dont
vous êtes le président a récemment organisé
une session sur l'EAI. A quel point est-ce un sujet d'actualité ?
Il faut voir l'EAI
(Enterprise Application Integration) avant tout comme la
nouvelle manifestation d'un vieux besoin d'intégration.
Dans un premier temps, on échangeait des fichiers entre
les applications; puis on a cru pouvoir améliorer la
situation avec les ERP (progiciels de gestion intégré).
Mais les ERP n'ont pas réglé le problème
et cela pour plusieurs raisons: le système d'information
ne se résume pas à l'ERP, le déploiement
de ces gros progiciels est une affaire complexe et, surtout,
au fil des acquisitions qui surviennent dans la vie d'une entreprise,
on se retrouve forcément contraint de faire cohabiter
des ERP différents. Et dans ce cas de figure, retour
à la cas départ: les interfaces entre les progiciels
ressemblent peu à peu à un plat de spaghettis...
Les
échanges inter-entrerprises fondés sur l'EDI ne
représentent-ils pas un autre plat de spaghettis ?
Il
est vrai que l'EDI s'apparente dans la pratique à des
échanges de fichiers batch. Techniquement, ce n'est pas
toujours très élégant, mais le vrai problème
est ailleurs: avec de tels procédés, on est loin
du temps réel. Et à l'heure de la relation client
via Internet, il est hors de question d'attendre le batch nocture
pour enregistrer la commande d'un client. Bref, c'est à
la fois le chaos applicatif interne - toujours là en
dépit des ERP - et la nécessité d'améliorer
le dialogue inter-applicatif qui motivent les réflexions
autour de l'EAI. Les entreprises cherchent à simplifier
et à optimiser leur dialogue inter-applicatif en passant
par une plate-forme d'intermédiation
Beaucoup
d'entreprises se sont-elles engagées dans des projets
d'urbanisation ?
Pas
vraiment. Très peu d'entreprises ont pris la décision
stratégique de "refonder" en quelque sorte
leur système d'information autour d'une plate-forme d'EAI.
Sur ce sujet, ce sont toujours les mêmes exemples d'entreprises
qui reviennent...
Pourquoi
les entreprises temporisent-elles ? Quelles questions et doutes
suscite l'EAI ?
L'offre
ne semble pas assez mûre. De Sopra à webMethods
en passant par exemple par Crossworlds,
nous nous retrouvons face à des éditeurs dont
les origines et la couverture fonctionnelle sont très
différentes. Il est difficile de déterminer qui
sera le gagnant...
D'un
strict point de vue technologique, les solutions d'EAI ne vous
semblent pas encore fiables ?
Je
crois que les entreprises s'interrogent encore sur deux ou trois
points. Par exemple, a-t-on intérêt à s'appuyer
sur un EAI généraliste ? Une solution d'EAI verticale
capable de s'appuyer sur des couches très basses de l'infrastructure
technologique ne serait-elle pas plus efficace ? Sur le versant
B to B, même si XML s'impose pour structurer
les données, des questions restent aussi en suspens.
Quel trafic tous ces échanges vont-ils effectivement
générer sur les réseaux ? Dans quelle mesure
les serveurs seront-ils capables de tenir la charge ?
Chez
Essilor, quelle voie suivez-vous ?
En
interne, pour le moment, nous continuons de travailler avec
des interfaces point à point entre nos applications.
Personnellement, je pense qu'il existe encore trop d'inconnues
pour que je puisse prendre la décision stratégique
d'ouvrir un chantier d'urbanisation.
Pour le B to B en revanche, nous sommes actionnaires
d'une place de marché dédiée à notre
univers, Visionweb. Mais nous n'en sommes encore qu'au début
de l'histoire. Nous commençons tout juste par exemple
à travailler sur la structuration de nos échanges
en XML.
Face
aux problématiques de l'EAI, un éditeur comme
Oracle met en avant l'intérêt d'une suite, donc
d'un ensemble intégré de logiciels. Qu'en pensez-vous
?
Ce n'est pas un positionnement
très surprenant de la part d'Oracle et encore moins de
la part de son pdg Larry Ellison. Mais les faits sont là :
toutes les entreprises doivent gérer à des degrés
divers un chaos applicatif. Et cela même si elles utilisent
Oracle. Prenez le cas d'Essilor : nous sommes utilisateur
d'Oracle Applications mais nous exploitons aussi des logiciels
spécifiques à notre industrie. Par exemple pour
envoyer les coordonnées tridimensionnelles des verres
depuis les laboratoires d'optique jusqu'aux machines qui détourent
ces verres pour les ajuster aux montures. Vous croyez que ce
genre d'exercice se fait avec un logiciel d'Oracle ? Bien sûr
que non.
Oracle,
justement, vient de réviser
son modèle tarifaire. Ce changement vous satisfait-il
?
Résumons :
leurs logiciels étaient tarifés en fonction de
la puissance des processeurs ; désormais le critère
sera le nombre de processeurs. Ce n'est pas une mauvaise décision
mais elle ne répond que partiellement aux besoins des
utilisateurs. Ce que nous voulons, c'est de la lisibilité
et de la pérennité. Il est très difficile
pour une entreprise de savoir combien de processeurs elle aura
besoin d'ici à trois ans; il est plus facile pour elle
d'évaluer l'évolution de son nombre d'utilisateurs.
Dans ces conditions, il s'avère délicat d'élaborer
des budgets, surtout quand l'éditeur change son modèle
tarifaire tous les ans...
Les
entreprises françaises n'ont pas été concertées
pour élaborer ce nouveau modèle tarifaire ?
Très
peu et c'est assez dommage. Ces questions tarifaires sont assez
complexes et je crois que tout le monde gagnerait à écouter
les uns et les autres. Et puis, pour un éditeur qui entend
uvrer dans le domaine de la gestion de la relation client,
écouter ses clients ne serait pas forcément considéré
comme un acte déplacé...
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Directeur des systèmes d'information d'Essilor depuis
septembre 1994, Didier Lambert est aussi président de
l'Association des utillisateurs français d'Oracle (AUFO)
et membre du Cigref (Club informatique des grandes entreprises
françaises). Avant de rejoindre Essilor, Didier Lambert
avait la responsabilité des systèmes d'information
de Digital France. |
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