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Interviews |
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Thierry Bosser
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Vice-président
Global Marketing |
Worldcom
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"Le
monde des télécoms vit une grande période de métamorphoses" |
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Parmi les très grands opérateurs à l'échelle
mondiale, WorldCom
Inc. se scinde entre deux groupes principaux, MCI Group et WorldCom
Group, ce dernier intégrant la filiale Uunet. Sur un
marché assez cahotique, le géant américain
tient encore relativement la route avec une offre internationale
particulièrement variée. Pour faire le point sur
celle-ci, et éclaircir la situation de crise en distinguant
les principaux changements depuis un an, Thierry Bosser, vice-président
Global Marketing pour l'Europe, a répondu à nos
questions.
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Propos recueillis par François Morel le 27
juillet 1901
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JDNet
Solutions: Des opérateurs tels Ebone, Equant, Cable & Wireless
et Level 3 présentent rarement le même positionnement...
Quel est le vôtre ?
Thierry Bosser:
Worldcom est un opérateur
global. Notre force par rapport à certains opérateurs
que vous mentionnez est que nous avons développé
un réseau fixe en même temps qu'un réseau
sans-fil, avec une présence dans 60 pays. Notre
stratégie a pour objectif d'offrir des services dans
la plupart des pays à des sociétés qui
disposent d'une présence globale. Notre seconde force
est que nous fournissons des services standardisés dans
tous les coins du monde. Le client qui achète un service
à Tokyo bénéficie du même à
Frankfort et n'importe où ailleurs. Maintenant, certains
autres opérateurs se sont positionnés sur ce marché
avec plus ou moins de succès.
Mais
pour vous, lesquels sont concurrents ? Et quelle segmentation
pouvez-vous nous dessiner ?
Nous rencontrons chacun de ces opérateurs sur des segments
de marché différents. Pour Level 3, nous
les concurrençons avec l'offre WholeSale en vue de fournir
des services à d'autres opérateurs, qu'il s'agisse
de capacité de base, de vitesse ou de colocation. Ensuite,
nous rencontrons Equant, Infonet et BT Concert sur nos offres
voix/données à destination des grandes sociétés
mondiales, sachant que BT Concert est très fort
en Grande-Bretagne mais moins dans d'autres pays. Cable & Wireless
est également un peu présent sur ce segment de
marché, ainsi qu'au niveau du hosting (hébergement).
Quant à Ebone, il se situe à peu près dans
le même segment que Level 3 et nous le rencontrons
au niveau de l'offre IP/WholeSale.
Il existe une fissure en terme de segmentation entre les deux
tendances. Tout le monde voudrait bien monter au niveau des
clients institutionnels qui dégagent des marges supérieures
dans la vente de services. Au niveau WholeSale, en revanche,
l'impact est atténué avec le ralentissement que
connaissent en particulier les dotcoms. En ce qui concerne WorldCom,
nous essayons d'atteindre une proportion plus importante de
clients corporate que de sociétés concernées
par WholeSale, et nous tentons de maintenir un bon équilibre
sur les deux segments. Actuellement, plus de 50 % de nos
revenus viennent des multinationales.
Quels
sont les services les plus demandés ? Et ceux qui dégagent
le plus de marges ?
En communication traditionnelle, la voix nationale et internationale,
fixe ou mobile, est un marché qui n'est plus en forte
croissance mais croît quand même de 5 % par
an en valeur. En même temps, nous enregistrons une forte
croissance des services de données classiques comme le
Frame Relay et l'ATM en terme de connectivité. A ce niveau,
nous observons aussi la progression de tous les services IP,
avec une demande forte autour de la connectivité des
réseaux VPN/IP (réseaux privés virtuels
sur Internet). Or, les économies d'échelle et
les coûts sont en faveur du VPN/IP, car ce sont des infrastructures
partagées. Ceci, bien sûr, à condition d'avoir
les niveaux de chiffrement nécessaires.
Maintenant, cela prend un certain temps avant que l'ensemble
du monde corporate (traduire: les multinationales) ne soit prêt
à migrer sur Internet, mais je suis convaincu que le
mouvement est prêt à s'accélérer.
Ensuite, en plus des services réseaux, il y a tous les
services d'hébergement. Et malgré certaines affirmations,
nous voyons quand même une forte croissance de ce marché.
Les services démarrent de la colocation, montent à
la gestion du serveur et de l'OS, et atteignent le managed hosting
ou la gestion applicative. Sur ce dernier point, la demande
des clients est très forte.
Proposez-vous
une offre complète d'infogérance web ?
Oui. Sur l'offre d'hébergement, le client recherche un
prestataire qui s'occupe à la fois de l'infrastructure
et de l'applicatif. Nous proposons deux types de support applicatif.
Tout d'abord par le biais de nos partenaires comme KPMG, Accenture
et Cap Gemini Ernst & Young qui intègrent
et dispensent des services sur mesure pour nos clients. Ces
sociétés montent très haut dans la valeur
ajoutée, en se basant sur des personnes.
Ensuite, nous intervenons également en terme d'infrastructures
infogérées, notamment grâce au rachat cette
année de Digex par WorldCom. Ils ont développé
une plate-forme qui gère de façon standard des
applications comme Oracle. Nous partons donc de la fibre, puis
la colocation et nous remontons jusqu'aux applications standards.
Et sur ce plan, notre offre est unique car nous pouvons offrir
un service de bout en bout sans nous appuyer sur des partenaires.
Pouvez-vous
distinguer les avantages de votre gamme par rapport à
des réseaux privés virtuels ?
Le principal avantage de notre offre au niveau du VPN est l'étendue
de notre portefeuille de services. Nous supportons notamment
différents routeurs et technologies. Le client choisit
une solution d'accès au sein d'un catalogue très
étendu, qu'il s'agisse de liaison spécialisée
ou même de Dialup à travers le réseau GSM.
Ensuite, l'autre avantage de WorldCom en matière de VPN
est que nous utilisons notre réseau IP fondé sur
Uunet, qui s'étend au niveau mondial. Nous garantissons
enfin notre niveau de service en offrant des temps de réponse
et des SLA aggressifs.
Quels
sont les services émergents que vous avez choisi de proposer
? Et pour quelles raisons ?
Dans la même logique que le restant de nos services, nous
avons choisi de développer une offre de qualité
de services en périphérie du réseau, Nous
avons beaucoup investi dans les points critiques du réseau
et nous pouvons aujourd'hui assurer une exploitation intelligente
du réseau en nous positionnant à la périphérie.
Le retentissement se ressent plutôt au niveau des offres
de services applicatifs. Ensuite, nous proposons aussi une gamme
autour du stockage et des CDN (réseaux de distribution
de contenu). Et nous croyons beaucoup aux potentialités
du streaming pour gérer toute la communication en temps
réel à travers le réseau.
Mais tous ces services correspondent quand même à
des segments qui débutent. Si l'on prend le VPN/IP, par
exemple, le marché est en phase de démarrage.
La plupart de ces idées n'ont été lancées
qu'il y a un an et guère plus. Au niveau du cycle de
vie des produits, le stockage et les CDN en sont à peu
près au même niveau que l'hébergement il
y a un an.
Et
les orientations produits que vous allez suivre... ?
Aux Etats-Unis, nous sommes en train de lancer notre offre de
voix sur IP, qui nous permettra d'offrir des services à
valeur ajoutée au niveau de la voix. Le premier produit
que nous dessinons sera à destination des centres d'appels.
Il s'agira d'implémenter la notion de web center pour
nos clients, ou de l'intégrer aux centres d'appels existants.
Et ce service sera offert de façon packagée par
WorldCom.
Sur
ce plan, ne croyez-vous pas que certains éditeurs de
progiciels CRM (gestion de la relation client) ont voulu aller
trop vite ?
Je ne sais pas s'ils ont été trop vite. Mais il
est important de s'assurer que toutes ces plates-formes soient
compatibles, et nous voulons que la nôtre le soit avec
l'ensemble des applications de gestion de la relation client
du marché. Il existe une tendance au niveau du CRM qui
consiste à fournir une belle interface web très
design au client, mais sans aucun lien derrière avec
le back-office. Notre application web center, que nous avons
l'intention de lancer en Europe à la fin de l'année,
est conçue pour des interfaces standards avec les applications
CRM. Et il faut donc que nous soyons sûrs que la partie
web soit bien liée avec le reste du système d'information.
Dans le cas de WorldCom, le fait de monter au niveau du développement
applicatif est assez nouveau.
Et
enfin, quel est votre diagnostic de la crise que rencontrent
nombre d'opérateurs ? Etes-vous touchés directement
ou indirectement ?
Je pense que le monde des télécoms vit une grande
époque de métamorphoses. L'afflux de capital a
été rapidement investi dans des services faciles
à développer, c'est-à-dire les services
de base de transport, de capacités et d'hébergement.
A présent, l'offre est largement supérieure à
la demande, avec des prix parfois inférieurs aux Etats-Unis.
Le marché n'a pas atteint le niveau de stabilité
pour un rapport plus logique entre la demande et l'offre. De
ce fait, certains opérateurs essaient aujourd'hui de
survivre car les temps sont difficiles. Ce qui va faire la différence
alors est l'innovation des services, en même temps que
le service client et la chance qu'ont eu certains d'investir
dans les équipements au moment où les capitaux
ont été disponibles. A partir de là, nous
verrons qui sera le mieux placé. Mais les temps ont changé.
Pour WorldCom, il n'y a aucune inquiétude car nous sommes
l'un des opérateurs les mieux positionnés en Europe
et au niveau mondial. Donc peu s'avancent à remettre
en question notre stratégie. Il faut exécuter
celle-ci, et je pense que nous sommes en position idéale.
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Vice-président global marketing de WorldCom pour l'Europe,
Thierry Bosser est responsable à ce titre de toutes
les initiatives en termes de produits et de marketing. De mai
98 jusqu'à mi 2000, il était vice-président du développement
de l'opérateur Uunet, filiale de WorldCom Group qui regroupe
les activités réseaux de Worldcom. Il a par ailleurs
dirigé la filiale belge de cette dernière à partir de
son lancement en avril 1997. Avant de rejoindre la société en
trois ans auparavant, il était responsable du business planning
et de la stratégie marché pour MFS International. Avant cela,
il a notamment assumé plusieurs fonctions marketing chez
Motorola International, où il était en charge des produits ATM
, Frame Relay et X.25. |
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