JDNet
Solutions: Deuxième, troisième génération...
comment bien situer l'UMTS par rapport au GPRS et au
GSM Data ?
Tracy Smith:
La deuxième génération
correspond bien au GSM (Global system for mobile communications)
et fait suite aux réseaux analogiques de la première
génération. Lorsque l'on parle de la génération
2.5, l'on fait référence au GSM+ ou au
GPRS. A ce niveau, le changement intervient dans l'ajout
d'une composante logicielle, qui permet d'augmenter
les débits, et dans l'apparition de la nouvelle
version du Wap. Celui-ci apporte notamment les protocoles
comme EMS (Electronic message service) et le MMS (Multimedia
message service) qui sont les évolutions attendues
du SMS (Short Message Service).
La troisième génération, c'est
bien l'UMTS. Cette fois-ci, il s'agit d'un changement
fondamental sur le plan technique, qui nécessite
le redéploiement complet d'un réseau avec
de nouvelles normes dont en Europe le W-CDMA (Wideband
- Code Division Multiple Access). La 2,5G (G pour
génération) apporte donc plus de vitesse
sur le réseau existant, et la 3G constitue un
réseau encore plus rapide. Ceci dit, le saut
de génération ne devrait pas atteindre
les débits promis, et la réalité
sera plus proche du GPRS avec 60 Kbps voire 100 Kbps
après. Il ne faut pas se leurrer. La vitesse
de 2 Mbps ne devrait être possible que dans
des liaisons point à point et dans des conditions
très spécifiques.
Le
japonais NTT-DoCoMo semble vouloir développer
une nouvelle norme en Europe, l'i-Mode qui a déjà
cours au Japon. De quoi s'agit-il exactement ?
Aujourd'hui, l'i-Mode au
Japon fonctionne à des débits qui sont
les mêmes que le GSM en Europe. Mais la principale
différence est que l'i-Mode fonctionne déjà
en mode IP. Résultat, les japonais disposent
donc déjà d'une connexion permanente.
En Europe, la transmission par paquets arrivera aussi
avec la mise en place du GPRS. Par ailleurs, l'i-Mode
se base sur XHTML pour un transport plus simple des
pages Internet, mais au Japon ce langage est commun
aux accès depuis des postes fixes. Le Wap européen
(dans la version aujourd'hui mise en oeuvre, ndlr) s'appuie
sur WML qui comporte l'avantage de fonctionner en mode
dégradé.
Ce choix des protocoles d'affichage souligne une différence
importante par rapport aux terminaux. NTT-DoCoMo est
nettement intégré verticalement, et les
frontaux sont en avance au Japon par rapport aux nôtres.
Leurs terminaux ont des écrans couleur, et des
accords ont été signés avec Sun
autour de Java pour ajouter une couche d'animations.
Ces énormes différences s'expliquent par
des contextes divergents notamment sur les modes d'organisation
des deux zones géographiques. Les japonais utilisent
beaucoup leurs portables en déplacement, souvent
dans un cadre de divertissement, et en raison du faible
taux de pénétration de l'Internet sur
les PC, le mobile est le premier moyen d'accès
au réseau.
Pensez-vous
qu'il existe à terme un enjeu européen
pour l'i-Mode ? En d'autres termes, l'idée de
NTT-DoCoMo a-t-elle réellement un avenir ici
?
Aujourd'hui, pour mettre
en place l'i-Mode, il faut que les opérateurs
aient migré vers des réseaux en paquets
donc qu'ils aient au minimum mis en place le GPRS. Donc,
il faut se poser plutôt
la question des terminaux. Or, il n'est pas évident
que les terminaux japonais seront faciles à exporter
en Europe. D'autre part, il existe une série
d'incompatibilités entre différents logiciels
et technologies au niveau du réseau. Au Japon,
le marché est intégré avec un contrôle
de l'ensemble des technologies sur toute la chaîne.
En matière de Wap, de GPRS et de migration vers
l'UMTS, les étapes sont moins bien définies,
ce qui souligne une certaine complexité qui sera
plus difficile à gérer
en Europe qu'au Japon. Ceci explique la question de
l'implantation de l'i-Mode sur le Vieux Continent d'un
point de vue technologique. On est aussi en droit de
se demander si les applications ludiques vont bien décoller
ici et si les terminaux seront bien adaptés.
Revenons-en
au GPRS. Pourquoi des retards ont-il été
annoncés dans son implémentation alors
que les fabricants annoncent des terminaux compatibles
depuis le début de l'année ?
Tout d'abord, il y a eu
l'échec relatif du Wap: la promesse des opérateurs
créé des attentes très importantes.
Les opérateurs doivent prendre garde à
leurs promesses clients et sont en train de le réaliser.
Ensuite, le GPRS a connu un certain nombre de difficulté
lors de son implémentation sur les réseaux
GSM. Les opérateurs ne parlent pas assez entre
eux, et ils ont voulu diversifier le risque en implémentant
des équipements de différents constructeurs.
De ce fait, ils ont connu des problèmes d'intéropérabilité
et les débits annoncés n'étaient
pas au rendez-vous. De plus, la commercialisation des
terminaux a connu de gros retards. Nokia a par exemple
annoncé que son terminal ne serait pas disponible
avant la fin de l'année. Bref, au final les opérateurs
n'ont pas voulu cette fois créer de fausses attentes
et ont préféré jouer la carte de
la prudence plutôt que de se brûler les
ailes avec des offres qui ne correspondraient pas aux
annonces. Car, ne l'oublions pas, il faut également
des offres de services intéressantes pour les
clients.
Aujourd'hui,
où en sont les opérateurs à la
fois sur l'implémentation du GPRS et le déploiement
des nouveaux réseaux UMTS ?
Sur le GPRS, je crois qu'ils
sont passés à travers la majeure partie
des difficultés. Et s'ils font désormais
preuve de prudence, c'est qu'ils veulent s'assurer qu'ils
ne rencontreront pas d'autres problèmes. Sur
le plan technique, la majeure partie des soucis sont
déjà réglés. En revanche,
pour l'UMTS, les opérateurs avancent avec prudence
sur la technologie elle-même. Au Japon, DoCoMo
prévoyait de mettre en route son service début
2001 mais l'a retardé à la fin de l'année.
Vodaphone, de son côté, pensait être
prêt en 2002 mais ce sera plutôt 2003. En
fait, il faut savoir que plusieurs générations
cohabitent au sein de la "troisième génération".
Et aux Etats-Unis, les débats ont toujours cours
sur la norme qui sera exploitée. Des rumeurs
courent d'ailleurs en Amérique selon lesquelles
les enchères de licences seraient repoussées
de 2002 à 2004.
Quelles
sont les conséquences des retards sur les opérateurs
? Et comment peuvent-il tirer parti de cette crise,
s'il s'agit bien d'une crise... ?
Pour les opérateurs,
il n'est pas forcément mauvais de retarder l'UMTS.
Cela rentre dans la logique de développer ces
réseaux et les offres qui vont avec. Surtout,
le marché n'est pas suffisamment mature et tout
ne passe pas forcément à travers le débit
proposé. Etant donné les partages d'usage
entre le sans fil et le fixe, mais les problèmes
de terminaux qui peuvent être des téléphones
mobiles ou des PDA, ce n'est pas forcément une
mauvaise idée de rentabiliser au maximum son
réseau GSM puis GSM+/GPRS. L'UMTS ne se fera
certainement pas du jour au lendemain, et si les opérateurs
jouent bien la carte du GPRS, ils seront bien préparés
à l'UMTS.
Aujourd'hui, les opérateurs connaissent les coûts
mais pas les revenus, et il n'est donc pas aberrant
pour eux de retarder les dépenses. C'est d'autant
plus vrai que le calcul est simple. Ils doivent payer
leurs licences mais également leurs réseaux.
Environ 50 % de la population a un téléphone
mobile, et toutes ces personnes ne migreront pas vers
le online. Or, chaque abonné coûte déjà
plus de 1 000 euros par an, et l'on ne sais
pas du tout si cette somme pourra être rentabilisée...
Pour
prendre un cas particulier, Bouygues Telecom pensait
acheter une licence, puis s'est retiré. A présent,
ils seraient de nouveau intéressés. Quelles
réflexions cela vous suggère-t-il ?
Je pense qu'il a été
assez logique pour Bouygues Telecom de jouer la carte
du retrait. Devant les coûts affichés,
ils étaient les plus menacés car leur
taux de pénétration était le plus
faible. Leur réaction a donc été
assez logique. Cela leur a permis de gagner un peu de
temps pour comprendre quels seraient les revenus générés
par les services de données. Maintenant, est-ce
qu'ils reviendront un jour sur l'UMTS ? C'est fort
possible, si les conditions d'attribution des licences
deviennent intéressantes. En tout cas, je trouve
qu'ils ont été assez rusés. Ils
n'ont rien dépensé et sont dans la logique
de développer des offres et de tester leur rentabilité.
En fait, ils se sont acheté du temps.
A
propos de l'échec relatif du Wap, n'existe-t-il
pas un intermédiaire plus raisonnable qu'une
euphorie suivie d'un véritable abattement au
sujet du marché des technologies mobiles ?
En effet, sur le premier
point, les valorisations boursières d'il y a
un an étaient exagérées face à
des courants de revenus qui n'étaient pas encore
connus. Le marché était très croyant,
très agressif, d'où la surévaluation.
En contrepartie aujourd'hui, la réaction s'effectue
dans le sens inverse, ce qui crée un peu le jeu
de la pendule.
La réalité se situe entre les deux et
le marché devrait trouver cette logique-là
dans le temps. De plus avec les récents événements,
les effets de seuil sont très contrastés.
A quand la reprise exacte du marché ? Je
crois qu'il faut être un peu patient, mais il
existe déjà de bons signes. En France,
le taux de croissance a remonté: nous voyons
que les consommateurs achètent des portables
et que les services en SMS génèrent du
revenu. Au delà, nous voyons aussi l'avenir de
ce secteur avec le développement des offres GPRS.
Certes, il faut attendre que les modes de rémunération
se mettent en place, mais il n'y a pas lieu de tirer
la sonnette d'alarme.
|