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Interviews

Tracy Smith
Responsable senior, Télécommunications et Médias
Deloitte Consulting

"Les opérateurs mobiles doivent prendre garde à leurs promesses clients"
          

Le passage de la deuxième à la troisième génération d'infrastructures mobiles ne se fera pas sans heurts. Beaucoup moins spectaculaire qu'annoncé en 1999 et début 2000 par les analystes, le démarrage du Wap s'est même avéré plutôt laborieux, ne répondant pas le plus souvent aux attentes qu'il véhiculait. A présent, les technologies GPRS (General packet radio service) et UMTS (Universal mobile telecommunications system) parmi d'autres pointent le bout de leur nez, mais déjà des retards sont annoncés dans le déploiement de certaines d'entre elles.

Après avoir creusé des gouffres dans les finances des opérateurs titulaires de licences, l'UMTS sera-t-il rentable ? Et demain, quel paysage d'acteurs les problématiques déjà apparentes vont-elles dessiner ? Afin de ne plus se tromper sur les véritables enjeux des prochaines générations de technologies mobiles, nous avons interrogé un expert en la matière. Tracy Smith, du cabinet de conseil renommé Deloitte Consulting, répond à nos questions.

Propos recueillis par François Morel le 25 septembre 2001 .

JDNet Solutions: Deuxième, troisième génération... comment bien situer l'UMTS par rapport au GPRS et au GSM Data ?
Tracy Smith: La deuxième génération correspond bien au GSM (Global system for mobile communications) et fait suite aux réseaux analogiques de la première génération. Lorsque l'on parle de la génération 2.5, l'on fait référence au GSM+ ou au GPRS. A ce niveau, le changement intervient dans l'ajout d'une composante logicielle, qui permet d'augmenter les débits, et dans l'apparition de la nouvelle version du Wap. Celui-ci apporte notamment les protocoles comme EMS (Electronic message service) et le MMS (Multimedia message service) qui sont les évolutions attendues du SMS (Short Message Service).

La troisième génération, c'est bien l'UMTS. Cette fois-ci, il s'agit d'un changement fondamental sur le plan technique, qui nécessite le redéploiement complet d'un réseau avec de nouvelles normes dont en Europe le W-CDMA (Wideband - Code Division Multiple Access). La 2,5G (G pour génération) apporte donc plus de vitesse sur le réseau existant, et la 3G constitue un réseau encore plus rapide. Ceci dit, le saut de génération ne devrait pas atteindre les débits promis, et la réalité sera plus proche du GPRS avec 60 Kbps voire 100 Kbps après. Il ne faut pas se leurrer. La vitesse de 2 Mbps ne devrait être possible que dans des liaisons point à point et dans des conditions très spécifiques.

Le japonais NTT-DoCoMo semble vouloir développer une nouvelle norme en Europe, l'i-Mode qui a déjà cours au Japon. De quoi s'agit-il exactement ?
Aujourd'hui, l'i-Mode au Japon fonctionne à des débits qui sont les mêmes que le GSM en Europe. Mais la principale différence est que l'i-Mode fonctionne déjà en mode IP. Résultat, les japonais disposent donc déjà d'une connexion permanente. En Europe, la transmission par paquets arrivera aussi avec la mise en place du GPRS. Par ailleurs, l'i-Mode se base sur XHTML pour un transport plus simple des pages Internet, mais au Japon ce langage est commun aux accès depuis des postes fixes. Le Wap européen (dans la version aujourd'hui mise en oeuvre, ndlr) s'appuie sur WML qui comporte l'avantage de fonctionner en mode dégradé.

Ce choix des protocoles d'affichage souligne une différence importante par rapport aux terminaux. NTT-DoCoMo est nettement intégré verticalement, et les frontaux sont en avance au Japon par rapport aux nôtres. Leurs terminaux ont des écrans couleur, et des accords ont été signés avec Sun autour de Java pour ajouter une couche d'animations. Ces énormes différences s'expliquent par des contextes divergents notamment sur les modes d'organisation des deux zones géographiques. Les japonais utilisent beaucoup leurs portables en déplacement, souvent dans un cadre de divertissement, et en raison du faible taux de pénétration de l'Internet sur les PC, le mobile est le premier moyen d'accès au réseau.

Pensez-vous qu'il existe à terme un enjeu européen pour l'i-Mode ? En d'autres termes, l'idée de NTT-DoCoMo a-t-elle réellement un avenir ici ?
Aujourd'hui, pour mettre en place l'i-Mode, il faut que les opérateurs aient migré vers des réseaux en paquets donc qu'ils aient au minimum mis en place le GPRS. Donc, il faut se poser plutôt la question des terminaux. Or, il n'est pas évident que les terminaux japonais seront faciles à exporter en Europe. D'autre part, il existe une série d'incompatibilités entre différents logiciels et technologies au niveau du réseau. Au Japon, le marché est intégré avec un contrôle de l'ensemble des technologies sur toute la chaîne.

En matière de Wap, de GPRS et de migration vers l'UMTS, les étapes sont moins bien définies, ce qui souligne une certaine complexité qui sera plus difficile à g
érer en Europe qu'au Japon. Ceci explique la question de l'implantation de l'i-Mode sur le Vieux Continent d'un point de vue technologique. On est aussi en droit de se demander si les applications ludiques vont bien décoller ici et si les terminaux seront bien adaptés.

Revenons-en au GPRS. Pourquoi des retards ont-il été annoncés dans son implémentation alors que les fabricants annoncent des terminaux compatibles depuis le début de l'année ?
Tout d'abord, il y a eu l'échec relatif du Wap: la promesse des opérateurs créé des attentes très importantes. Les opérateurs doivent prendre garde à leurs promesses clients et sont en train de le réaliser. Ensuite, le GPRS a connu un certain nombre de difficulté lors de son implémentation sur les réseaux GSM. Les opérateurs ne parlent pas assez entre eux, et ils ont voulu diversifier le risque en implémentant des équipements de différents constructeurs. De ce fait, ils ont connu des problèmes d'intéropérabilité et les débits annoncés n'étaient pas au rendez-vous. De plus, la commercialisation des terminaux a connu de gros retards. Nokia a par exemple annoncé que son terminal ne serait pas disponible avant la fin de l'année. Bref, au final les opérateurs n'ont pas voulu cette fois créer de fausses attentes et ont préféré jouer la carte de la prudence plutôt que de se brûler les ailes avec des offres qui ne correspondraient pas aux annonces. Car, ne l'oublions pas, il faut également des offres de services intéressantes pour les clients.

Aujourd'hui, où en sont les opérateurs à la fois sur l'implémentation du GPRS et le déploiement des nouveaux réseaux UMTS ?
Sur le GPRS, je crois qu'ils sont passés à travers la majeure partie des difficultés. Et s'ils font désormais preuve de prudence, c'est qu'ils veulent s'assurer qu'ils ne rencontreront pas d'autres problèmes. Sur le plan technique, la majeure partie des soucis sont déjà réglés. En revanche, pour l'UMTS, les opérateurs avancent avec prudence sur la technologie elle-même. Au Japon, DoCoMo prévoyait de mettre en route son service début 2001 mais l'a retardé à la fin de l'année. Vodaphone, de son côté, pensait être prêt en 2002 mais ce sera plutôt 2003. En fait, il faut savoir que plusieurs générations cohabitent au sein de la "troisième génération". Et aux Etats-Unis, les débats ont toujours cours sur la norme qui sera exploitée. Des rumeurs courent d'ailleurs en Amérique selon lesquelles les enchères de licences seraient repoussées de 2002 à 2004.

Quelles sont les conséquences des retards sur les opérateurs ? Et comment peuvent-il tirer parti de cette crise, s'il s'agit bien d'une crise... ?
Pour les opérateurs, il n'est pas forcément mauvais de retarder l'UMTS. Cela rentre dans la logique de développer ces réseaux et les offres qui vont avec. Surtout, le marché n'est pas suffisamment mature et tout ne passe pas forcément à travers le débit proposé. Etant donné les partages d'usage entre le sans fil et le fixe, mais les problèmes de terminaux qui peuvent être des téléphones mobiles ou des PDA, ce n'est pas forcément une mauvaise idée de rentabiliser au maximum son réseau GSM puis GSM+/GPRS. L'UMTS ne se fera certainement pas du jour au lendemain, et si les opérateurs jouent bien la carte du GPRS, ils seront bien préparés à l'UMTS.

Aujourd'hui, les opérateurs connaissent les coûts mais pas les revenus, et il n'est donc pas aberrant pour eux de retarder les dépenses. C'est d'autant plus vrai que le calcul est simple. Ils doivent payer leurs licences mais également leurs réseaux. Environ 50 % de la population a un téléphone mobile, et toutes ces personnes ne migreront pas vers le online. Or, chaque abonné coûte déjà plus de 1 000 euros par an, et l'on ne sais pas du tout si cette somme pourra être rentabilisée...

Pour prendre un cas particulier, Bouygues Telecom pensait acheter une licence, puis s'est retiré. A présent, ils seraient de nouveau intéressés. Quelles réflexions cela vous suggère-t-il ?
Je pense qu'il a été assez logique pour Bouygues Telecom de jouer la carte du retrait. Devant les coûts affichés, ils étaient les plus menacés car leur taux de pénétration était le plus faible. Leur réaction a donc été assez logique. Cela leur a permis de gagner un peu de temps pour comprendre quels seraient les revenus générés par les services de données. Maintenant, est-ce qu'ils reviendront un jour sur l'UMTS ? C'est fort possible, si les conditions d'attribution des licences deviennent intéressantes. En tout cas, je trouve qu'ils ont été assez rusés. Ils n'ont rien dépensé et sont dans la logique de développer des offres et de tester leur rentabilité. En fait, ils se sont acheté du temps.

A propos de l'échec relatif du Wap, n'existe-t-il pas un intermédiaire plus raisonnable qu'une euphorie suivie d'un véritable abattement au sujet du marché des technologies mobiles ?
En effet, sur le premier point, les valorisations boursières d'il y a un an étaient exagérées face à des courants de revenus qui n'étaient pas encore connus. Le marché était très croyant, très agressif, d'où la surévaluation. En contrepartie aujourd'hui, la réaction s'effectue dans le sens inverse, ce qui crée un peu le jeu de la pendule.

La réalité se situe entre les deux et le marché devrait trouver cette logique-là dans le temps. De plus avec les récents événements, les effets de seuil sont très contrastés. A quand la reprise exacte du marché ? Je crois qu'il faut être un peu patient, mais il existe déjà de bons signes. En France, le taux de croissance a remonté: nous voyons que les consommateurs achètent des portables et que les services en SMS génèrent du revenu. Au delà, nous voyons aussi l'avenir de ce secteur avec le développement des offres GPRS. Certes, il faut attendre que les modes de rémunération se mettent en place, mais il n'y a pas lieu de tirer la sonnette d'alarme.


Responsable senior au sein du groupe Télécommunications et Médias de Deloitte Consulting France, Tracy Smith a débuté sa carrière dans le secteur bancaire. A cette époque, il y a développé des solutions financières ayant pour but de réduire les risques liés aux transactions à l'international. Après avoir obtenu un MBA à l'Université d'Ottawa, il rejoint Deloitte Consulting Canada qui lui confie des missions pour des opérateurs canadiens et américains. En France depuis près de 4 ans, il conseille des opérateurs fixes et mobiles, des câblo-opérateurs ainsi que des équipementiers européens. Parmi d'autres, il intervient sur des questions en rapport avec l'Internet à haut débit et les services de données mobiles.

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