JDNet
Solutions : Au vu de la crise de la Net économie, comment
considérez-vous l'évolution actuelle de la gestion de
contenu ?
Jeff Miller:
Il faut distinguer la crise
des 'dotcom' de la technologie Internet en elle-même.
Les dotcom ont été créées de toutes pièces, souvent
sans modèle de revenu clair, et par conséquent sans
beaucoup de chance de tenir dans la durée. Les investisseurs
ont suivi le mouvement en misant sur la nouveauté de
ce marché émergent et les revenus potentiels qu'il était
susceptible de générer. Chez Documentum,
elle n'aura pas entraîné de conséquences majeures sur
nos résultats, les jeunes pousses ne représentant qu'une
petite part de notre clientèle.
Et la généralisation des technologies Web dans les entreprises ?
En effet, le mouvement des start-up a également servi
de catalyseur aux technologies de l'information. Grâce
à cette première expérience du marché, l'ensemble des
secteurs d'activités sont aujourd'hui sensibilisés à
l'énorme potentiel que constitue Internet. Ce nouveau
paradigme entraîne une manière différente de
travailler et de concevoir les systèmes. Il implique
un changement profond des mentalités.
Mais, ce mouvement ne s'est pas fait sans heurts ?
C'est juste. Même si les start-up ont joué un rôle positif
d'évangélistes, leur influence n'a pas été bonne pour
tout. Elles ont également poussé les sociétés -notamment
américaines- à s'engouffrer sur ce nouveau terrain,
souvent sans réfléchir. Vente en ligne dans tous les
domaines, cybermarketing systématisé, etc. Dans une
vision tactique à court terme, certaines grandes entreprises
sont allées jusqu'à développer une centaine de sites
Web afin de structurer leur communication de marques.
Elles ont très vite fait face à de gros problèmes de
gestion et de coordination de contenu. Pour ces sociétés,
l'enjeu principal est aujourd'hui de rationaliser les
chaînes de traitement sous-jacentes. Un mouvement qui
passe souvent par la refonte de l'existant.
En est-il de même côté européen ?
L'Europe s'est lancée quelques mois après
dans la course. Et au vu de ce qui se passait de notre
côté de l'Atlantique, les grandes entreprises européennes
ont su penser beaucoup mieux leur positionnement sur
Internet et leur processus métier.
Aujourd'hui, quels sont les projets prioritaires autour
de la gestion de contenu ?
Je remarque deux types principaux d'initiatives dans
ce domaine.
- D'une part, le développement d'interfaces clientes
plus compréhensibles. La problématique principale étant
la réalisation de canaux de diffusion de contenus plus
cohérents -que ce soit en terme de marques, que de produits.
- D'autre part, l'optimisation des processus métier.
Une démarche qui passe par la mise en relation des différentes
étapes de la gestion de contenu (création, classification,
validation, etc.). Jusqu'ici déconnectées, ces tâches,
qui s'appuient sur un référentiel de base
de données unique, peuvent dès lors s'intégrer
dans des chaînes de traitement jusqu'à la publication
finale sur un site Web. Un processus de production qui
se décline et/ou implique de nombreux départements de
l'entreprise (marketing, achats, ventes, etc.).
Publiées en temps réel sur un portail, ces informations
sont accessibles en interne, mais également par les
clients, les fournisseurs et les partenaires. Partie
prenante du système, ces acteurs sont à la fois émetteur
et récepteur d'informations. Un tel projet implique
d'articuler avec une base de données centrale les applications
et des systèmes (internes ou externes) à la fois de
back office (SAP, etc.) et de front office (Siebel,
etc.).
Comment sont gérés les déploiements ?
Dans le monde des grandes entreprises industrielles,
qui constitue notre coeur de cible, les processus de
gestion de contenu sont des tâches réellement
critiques. Chez Airbus par exemple, ils assurent le
traitement de produits dont les spécifications techniques
sont infiniment complexes.
La criticité de telles applications oblige la plupart
de nos clients à procéder étape par étape. Un projet
de gestion de contenu commencera souvent par être déployé
pour gérer les caractéristiques techniques d'un
produit particulier (ce peut être le cas d'un médicament
dans le monde pharmaceutique). Dans un deuxième temps,
notre plate-forme sera étendue à l'ensemble de la chaîne
de traitement industrielle, avant d'adresser les données
marketing, puis les sites Web. Enfin, ce seront au tour
des partenaires d'être impliqués. Ainsi, dans le domaine
pharmaceutique, un laboratoire sera amené à générer
des liens avec des sites de voyagistes afin d'informer
les internautes des vaccins recommandés lors de déplacements
dans des pays à risques. Au total, le système de gestion
de contenu deviendra une solution d'infrastructure centrale
dans le système d'entreprise.
Ces déploiements doivent également prendre en compte
les dimensions humaines des entreprises ?
En effet, cette démarche par étapes ne doit pas dénigrer
les ressources humaines des sociétés. Les processus
de gestion de contenu informatisés constituent une changement
profond dans la manière de travailler. Souvent les salariés
sont habitués à certains outils, et les faire évoluer
n'est pas toujours facile. Par conséquent, il est important
d'initier une dynamique de changement en montrant les
bénéfices des nouveaux outils, et sur cette base une
stratégie d'implémentation graduelle des solutions est
aussi un plus.
Pensez-vous
que les Services Web
entraîneront la prochaine révolution du secteur
des Technologies de l'Information ?
Les Services Web
ne sont pas une révolution, mais une évolution.
Dans notre domaine, ils faciliteront l'utilisation des
systèmes de gestion de contenu par d'autres applications.
Reposant sur une couche de standards, ils n'impliquent
pas une refonte de l'existant, ce qui rend d'autant
plus aisé leur mise en oeuvre. En attendant,
il est clair que les premières expériences
client pèseront un poids important dans la sensibilisation
à cette nouvelle technologie... et sa généralisation.
Quels
sont aujourd'hui vos secteurs cibles ?
Documentum s'est positionné initialement sur le segment
de la GED (Gestion électronique de documents), qui se
caractérise par la prise en charge de la chaîne documentaire
exclusivement en interne. En 1999, nous avons effectué
un virage vers le Web. Une évolution qui nous
a amenés à proposer des produits couvrant à la fois
la gestion de contenu interne et externe. Comme je l'ai
dit, ceci nous conduit aujourd'hui à concevoir nos solutions
comme une brique centrale de l'entreprise dont le fer
de lance serait un référentiel doté d'une
couche de gestion des processus, et autour duquel graviteraient
l'ensemble des applications d'entreprise. Pour assurer
ces processus, portails internes et Services Web côté
client sont couplés à une intégration de la chaîne de
traitement aux autres systèmes d'entreprise.
Quels sont les enjeux actuels de Documentum ?
En terme de produits, l'architecture de notre application
est en train d'être structurée en composants Web (voir
l'article sur le sujet). Et ceci pour la rendre
accessible en temps que Web Services. Quant à notre
stratégie marché, l'objectif est aujourd'hui de se doter
d'une démarche commerciale globale. Documentum effectue
déjà 40 à 45% de son chiffre d'affaires en dehors des
Etats-Unis. Nous sommes présents en Asie, mais également
en Europe avec au total 250 personnes. Après l'Angleterre
(Londres), la France (Paris) et l'Allemagne (Munich),
l'Italie et l'Espagne sont également des zones sur lesquelles
nous gagnons des appels d'offres.
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