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Interviews |
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Olivier Seznec et Alain Fiocco
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Directeur
technique France, Directeur marketing produits EMEA
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Cisco
Systems
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"Les
technologies Ethernet procurent un choix d'interfaces
plus élevé" |
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Fondé en 1984 par des chercheurs américains
de l'université de Stanford, Cisco
Systems est devenu depuis le premier équipementier
mondial sur de nombreuses lignes de produits réseaux.
Mais aujourd'hui, le géant n'échappe pas
à la règle du marché en crise même
s'il déclare ne pas avoir été touché
de plein fouet. Cet été, l'entité
de recherche et développement s'est réorganisée
autour de 11 grands thèmes, qui soulignent
les grandes tendances d'aujourd'hui et de demain. Pour
en parler, mais aussi pour évoquer les différentes
actions récentes engagées par Cisco, nous
nous sommes entretenus avec deux de ses dirigeants. Olivier
Seznec, directeur technique France et Alain Fiocco,
directeur marketing produits pour la zone couvrant l'Europe,
le Moyen-Orient et l'Afrique, nous dévoilent en
filigrane les tenants et les aboutissants de la stratégie
de Cisco. |
Propos recueillis par
François Morel le 09
octobre 2001
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JDNet
Solutions: Quel diagnostic faites-vous de la crise des
équipementiers ?
Olivier Seznec:
Globalement, le ralentissement
fort a touché les opérateurs qui étaient
massivement investi dans leurs infrastructures. Aujourd'hui,
ils ont des réseaux modernes qui sont sous-utilisés,
et sont tombés dans une surcapacité en face
du ralentissement de l'économie. En particulier,
beaucoup d'opérateurs alternatifs ont investi avec
des perspectives de business qu'ils croyaient sûres,
et ont connu ensuite des conséquences annexes dues
à une baisses des investissements et des ventes.
A partir de là, selon que les équipementiers
soient plus tournés vers les opérateurs
ou vers les entreprises, ils ont été plus
ou moins touchés. Du côté des opérateurs,
les conséquences ont été pires puisque
les projets ont été différés
dans le temps. Mais nous voyons que pour les entreprises,
l'impact n'a pas été de même nature
que du côté des opérateurs alternatifs.
Dans le même temps, nous nous apercevons aussi que
les opérateurs traditionnels résistent mieux
à la crise.
Quels
sont les domaines qui ont été les plus touchés
?
O.S.: En premier, il
s'agit du transport optique longue distance. Ensuite,
les infrastructures mobiles de troisième génération
ont aussi connu un ralentissement très significatif.
De ce côté-là, les opérateurs
n'ont pas encore amorti leurs réseaux GSM et les
perspectives liées au 3G ne sont pas toujours très
claires. L'investissement UMTS n'est pas garanti et ne
joue pas sur la rentabilité à court terme.
A
propos de la fibre optique, quelles sont les différences
entre le marché français, ou européen,
et le marché américain ?
Alain Fiocco: Sur la
partie correspondant aux coeurs de réseaux, si
nous regardons sur les dernières années,
la bande passante déployée par les opérateurs
quadruple régulièrement. Cette mise à
niveau des infrastructure aux Etats-Unis s'est passée
tous les huit mois. L'Europe, au cours des quatre dernières
années, a connu le même mouvement mais de
façon accélérée, tous les
12 mois. Donc tout d'abord, la bande passante augmente,
mais aussi elle est plus économique. Plutôt
que de faire cohabiter plusieurs liaisons STM-4 à
622 Mbps en parallèle, on va continuer à
mettre à niveau en passant à 2,4 Gbps
car cela permet souvent d'enlever une couche d'infrastructure
optique.
Par
conséquent, peut-on encore parler d'un retard français,
ou européen ?
A.F.: Aujourd'hui,
il n'y a peut-être plus que 6 mois de retard
au niveau des backbones européens par rapport aux
Etats-Unis. En Europe, les opérateurs upgradent
leur connectivité de 2,4 Gbps à 10 Gbps
en ce moment. C'est le cas de France Télécom
pour ses liaisons transatlantiques, mais aussi de Deutsche
Telekom qui effectue la même manipulation. Aux Etats-Unis,
ce mouvement a eu lieu il y a 6 à 12 mois.
En second lieu, nous nous rendons compte qu'aux Etats-Unis
les réseaux IP sont fortement liés aux zones
qui produisent les contenus. De fait, la structure est
plus maillée qu'en France où énormément
de services de contenu se trouvent sur Paris et sa région.
Il s'agit d'une structure en étoile, contrairement
aux Etats-Unis qui disposent d'une structure maillée.
Ceci dit, la tendance est très forte en Europe
quant au maillage des réseaux, en particulier sur
le fait de déployer le contenu vers les utilisateurs
avec des caches. Mais le point de départ a été
retardé.
Le phénomène de migration n'a pas lieu en
Allemagne où le réseau est traditionnellement
maillé comme aux USA, car le contenu est décentralisé.
En attendant, de plus en plus de contenu local se développe
aujourd'hui en France, avec en soutien tous les mécanismes
de cache et de serveurs miroirs qui font que celui-ci
se distribue plus rapidement.
Dans
ce contexte, comment se situe aujourd'hui la stratégie
de Cisco ?
O.S.: Nous sommes un
généraliste car nous fournissons aussi bien
les opérateurs en infrastructures et les entreprises
qui ont un fort besoin en télécommunications.
Par conséquent, le ralentissement ne nous a pas
touché de plein fouet sur toutes nos gammes de
produits car nous avons une offre de produits assez large.
Le fait que les investissements se soient amoindris dans
certains domaines nous amène à nous concentrer
sur les marchés en plus forte croissance. Donc,
nous éliminons un certain nombre de recouvrement
de gammes. Nous étions à plus de 50 %
de croissance annuelle, et cette pratique nous permet
d'être plus véloce sur les autres plans.
Lorsque le marché se réduit, il faut être
capable d'affiner sa couverture et de procéder
à un recouvrement pour obtenir des gammes plus
homogènes.
Avant cet été, notre structure toute entière
était orientée vers le client final avec
les unités opérateurs entre les grandes
entreprises et les PME-PMI. Chacune de ces entités
était responsable de la conception de produits
et de solutions. Nous avons donc identifié un certain
nombre de recouvrements entre les produits opérateurs
et les produits entreprises. Ce qui fait que nous avons
procédé au recoupement de nos entités
R&D sur 11 grands thèmes de solutions.
Quels
sont donc pour vous les marchés qui sont les plus
prometteurs ?
O.S.: Parmi ceux-ci,
le marché du routage et de la commutation de données
classiques de type Ethernet est un secteur encore en forte
croissance. Nos annonces de cette semaine s'inscrivent
dans ce contexte, autour de nos nouveaux routeurs 10 Gigabits.
Il s'agit des gammes Cisco 10 000 et Cisco 12 000
pour adresser la performance de l'ensemble des services
IP à très haut débit. Nous restons
donc focalisés sur notre métier traditionnel
de routage et de commutation. Et à côté,
nous développons tout une série de nouvelles
technologies dont certaines ont déjà décollé
comme la sécurité, qui est un marché
très significatif.
D'autre part, nous nous intéressons aux technologies
dans le domaine optique pour les réseaux métropolitains
en construisant des infrastructures à très
haut débit. Ici, nous fournissons entre autres
des équipements de technologie DWDM qui permettent
de faire du multiplexage optique. Nous proposons également
des technologies DPT qui permettent, sur des réseaux
de moyenne distance, de l'ordre de quelques centaines
de kilomètres, de constituer des liens à
haut débit avec une très forte disponibilité.
Pourquoi
cet engouement toujours soutenu envers les technologies
Ethernet ?
O.S.: Au niveau des
prix, les réseaux sont moins chers. D'autre part,
les technologies Ethernet procurent un choix d'interfaces
plus élevé car il est possible d'y relier
un plus grand nombre de routeurs, qu'il s'agisse de liaisons
ATM, Ethernet ou plus bas débit. Après,
nous pouvons aussi mettre en place des technologies FTTC
(Fiber to the curb) et FTTH (Fiber to the home) où
là, la technologie est moins puissante. Nous pouvons
proposer des technologies d'au moins 10 Gbps qui
peuvent être Ethernet ou basée sur du tramage
SDH, voire du pur optique en "n fois 10 ou 10,5 Gbps".
Ou "n fois" la technologie la moins chère
sur de faibles distances.
En Ethernet ZX, nous savons aller jusqu'à 70 kilomètres,
et aujourd'hui sur des interfaces à 10 Gbps,
nous atteignons 50 kilomètres. Ce ne sont
pas encore de très longues distances, mais c'est
le plus souvent suffisant. Ensuite, nous savons aussi
aggréger des liens Gigabits Ethernet et Gigabits
EtherChannel. Donc nous savons aller jusqu'à 8 liens
en parallèle avec un partage de charges. Nous montons
jusqu'à 10 Gbps full duplex, ce qui fait que
nous pouvons aller jusqu'à 80 Gbps. En EtherChannel,
la demande tourne en général autour de deux
liens, ce qui est assez classique au moins pour assurer
des fonctions de redondance avancée.
Des
opérateurs nous ont soufflé que vous participiez
aux discussions sur le dégroupage de la boucle
locale. Pouvez-vous nous faire part des évolutions
que vous avez pu constater, s'il y en a ?
A.F.: Il y a pas mal
de choses en cours. Ce que nous pouvons assez clairement
constater est la tendance forte au niveau des services
Data (de données), en particulier concernant la
pénétration du Gigabit Ethernet dans les
infrastructures des opérateurs. Nous voyons de
plus en plus de fournisseurs qui apportent soit des services
de connexion, soit de l'interconnexion de sites. Dans
le métropolitain, beaucoup de capacités
optiques ont été déployées
au cours des dernières années.
Ensuite, certains aspects du sujet sont plus compliqués.
Nous savons tous que le dégroupage n'est pas un
franc succès en Europe. Nous voyons bien les problèmes
que rencontrent des opérateurs comme Cegetel en
France et Energis en Grande-Bretagne. Sur le fil de cuivre,
cela se passe très mal outre-Manche au point qu'Energis
a décidé hier (en début de semaine,
ndlr) de ne pas participer au dégroupage car il
n'y a pas assez de points de raccordement libres dans
les centres de British Telecom. Et le coût de la
localisation est tel que cela constitue un cas d'affaire.
Autant sur la partie optique et au niveau du câble
cela se passe bien, autant sur le dégroupage de
la paire torsadée ce n'est pas un franc succès.
Et cela cause un problème majeur en terme de frein
à la disponilité de la large bande auprès
du marché résidentiel et des PME-PMI.
Quelle
est la participation de Cisco aux négociations ?
En quoi êtes-vous impliqués ?
A.F.: Nous faisons
partie du groupe de travail sur le dégroupage et
j'assiste personnellement aux sessions plénières.
Parmi les actions en cours, nous participons aux activités
de lobbying auprès des instances européennes.
Il existe une prise de conscience dans l'industrie en
faveur d'une accélération des services large
bande. Cela constitue l'une des partie des annonces que
nous avons diffusées récemment, avec des
produits comme le Cisco 15 700 autour duquel toute
une gamme va se décliner. L'idée est de
placer des routeurs au plus près des utilisateurs
dans les soubassements des buildings et des supermarchés.
Et avec ça, de fournir la connectivité Ethernet,
et de faire en sorte que le routeur soit raccordé
à des boucles optiques packées de type DPT,
ce qui permettra de fournir des services à haut
débit au marché résidentiel plus
spécifique des PME-PMI.
Dans ce marché résidentiel pur, la problématique
est intéressante. Soit les opérateurs doivent
recâbler, soit ils pourraient réutiliser
le câble téléphonique dans l'immeuble.
Mais là, il s'agirait de le détourner de
France Télécom et le cadre légal
n'est pas défini. Les propriétaires des
immeubles doivent souscrire un contrat de gestion et d'entretien
avec l'opérateur de boucle locale. Mais si l'on
se positionne sur des zones d'activité comme Marne
la Vallée ou Issy les Moulineaux, la problématique
est différente car le câblage est la propriété
du propriétaire de l'immeuble. Aux Etats-Unis,
cette problématique résidentielle du dégroupage
des derniers 100 mètres s'appelle le Last
Yard. Le Last Mile, quant à lui, se situe entre
le centre de l'opérateur dominant et le répartiteur
des PTT en Europe.
Pour
conclure, quelles sont aujourd'hui les grandes tendances
que vous allez suivre ?
O.S.: Nous travaillons
sur un certain nombre d'aspects en rapport avec la mobilité,
comme le fait que de plus en plus de personnes emploient
des PC portables et ont besoin de se connecter depuis
n'importe où à haut débit. Nous commençons
à voir se déployer des points d'accès
dans les salons d'hôtels, les gares et probablement
demain les hôpitaux ou tous les bâtiments
qui nécessitent un recâblage important. Dans
les hôtels, par exemple, nous déployons de
l'Ethernet LRE (Long Reach), où un modem est disponible
à partir d'un point sur lequel peut se concentrer
une forte demande d'accès en réutilisant
le câble existant pour fournir du haut débit.
A.F.: Aujourd'hui, un autre secteur d'activité
important correspond à tout ce qui touche aux architectures
CDN (Content distribution network). Le CDN est un "buzzword",
un terme que les gens ont parfois tendance à utiliser
pour qualifier des technologies différentes. En
ce qui nous concerne, nous fournissons des infrastructures
de contenus distribués pour les opérateurs,
les entreprises, et les entreprises dont les infrastructures
sont gérées par des opérateurs.
Les fonctions que nous proposons sont de l'ordre du Content
Switching (commutation de contenu) et du Load Balancing
(répartition de charge) et rentrent dans la catégorie
de nos produits CS 11000. Il s'agit de commutateurs
de niveaux 4 à 7. Même au niveau applicatif,
nous pouvons effectuer de la commutation SSL, et nous
trouvons en front-end de très gros serveurs web.
Enfin, les autres dimensions de l'architecture CDN sont
les Content Engine ou les moteurs de contenu qui visent
à créer des caches à l'intérieur
du réseau de l'entreprise, et le Content Routing
qui est plutôt une fonction fournie par l'opérateur.
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Olivier Seznec,
38 ans, dispose de 11 années d'expérience dans
les télécoms et réseaux. Directeur technique de Cisco
France, il est chargé de la fourniture d'expertise
technique pour l'ensemble des opérations sur le territoire
français, plus précisément auprès des clients
finaux et des partenaires, mais également en interne.
Il possède un diplôme d'ingénieur des Mines
de Paris. |
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