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Interviews |
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Kevin Lucas
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Senior
research analyst, gestion de la relation client
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AMR
Research
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"La
gestion de la relation client en mode ASP n'existe pas" |
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A l'occasion de la seconde conférence annuelle
européenne d'AMR
Research à Londres autour du thème
"Construire les champions pan-européens: stratégies
gagnantes pour l'e-business collaboratif", de nombreux
thèmes ont été abordés autour
de l'ECM (Enterprise commerce management), le modèle
lancé par ce cabinet de recherche reconnu pour
la qualité de ses analyses. Pendant les deux jours
où se sont succédées les conférences
à un rythme soutenu, celles-ci se sont focalisées
sur des domaines applicatifs tels que la gestion de la
chaîne logistique, et des approvisionnements à
travers les places de marché, la gestion du cycle
de vie des produits, la gestion des relations fournisseurs
et l'e-sourcing. Des domaines particulièrement
d'actualité outre-Manche et aux Etats-Unis, mais
qui concernent un peu moins la partie continentale de
l'Europe.
Peu abordée au cours des conférences, la
gestion de la relation client (CRM) n'en est pas moins
un pillier important de la stratégie applicative
de l'entreprise en particulier dans l'Hexagone, sondages
à l'appui. Entre deux conférences, nous
avons pu interroger à ce sujet Kevin Lucas,
le spécialiste de la question chez AMR. Qui donne
un bon coup de pied dans certaines idées reçues.
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Propos recueillis par
François Morel le 04
décembre 2001
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JDNet
Solutions: Avant d'aborder le CRM, pensez-vous que les
budgets IT dédiés aux applications, déjà
annoncés à la baisse avant la rentrée,
témoignent aussi d'une consolidation des infrastructures
sous-jacentes ou d'un report sur la sécurité
?
Kevin Lucas:
Certaines entreprises profitent
en effet de la dépression économique pour
investir dans leur organisation, dans l'acquisition de
cibles et dans l'infrastructure. Mais beaucoup, aussi,
reconnaissent que le temps (au sens time-to-market) est
essentiel et effectuent les extensions nécessaires
aujourd'hui à leurs systèmes d'informations.
Mais si l'entreprise ne peut pas supporter ce type d'investissement,
elle revoit ses priorités.
Au sujet de la sécurité, je ne pense pas
que toutes les entreprises soient concernées de
la même façon. Certaines d'entre elles seulement
affirment vouloir tout remettre en ordre. Du reste, j'ai
parlé récemment à un éditeur
spécialisé dans les plates-formes pour la
banque et la finance, et c'est un fait que dans ce domaine,
les investissements dans la sécurité sont
et vont rester très forts. En revanche, quand je
discute avec un acteur plus orienté vers le CRM
analytique, la sécurité vient rarement au
cours de la discussion. Et c'est presque dommage, car
je ne crois pas que ces éditeurs comprennent que
la sécurité ralentit leurs applications.
Les équipements deviennent très lents, et
pourtant il est possible de faire fonctionner les applications
bancaires deux fois plus vite lorsque cette sécurité
est optimisée.
Que
pensez-vous des applications de CRM en mode ASP (applications
hébergées) ? Vont-elles connaître
un décollage ?
La gestion de la relation
client en mode ASP n'existe pas. Si aujourd'hui vous posez
la question autour de vous à des acteurs des technologies
de l'information, beaucoup vous répondront oui.
Mais si vous leur demandez de quelle application il s'agit,
personne ne sait. Sauf aux Etats-Unis, avec une exception
vis-à-vis des centres de contacts où il
s'agit d'un marché très important. Mais
un centre de contacts externalisé fait-il partie
du système CRM ? Pour obtenir la vision holistique
du client, comment faire ? En fait, ces centres ne sont
pas du tout en rapport avec la stratégie CRM et
existent déjà depuis longtemps. Alors, la
vraie valeur de l'ASP en matière de gestion de
la relation client se révélera peut-être
pour les centres de contacts lorsque ceux-ci seront intégrés,
voire pour les applications analytiques du marketing.
Si nous prenons le cas de Siebel qui a essayé de
proposer son offre de modules en mode ASP, ils ont été
obligés d'arrêter.
Oui,
mais que pensez-vous du cas mySAP.com ?
C'est un cas très
intéressant. Je ne pense pas qu'ils aient beaucoup
de clients en mode hébergés. Ce que nous
savons est que dans la version 3 sortie il y a trois mois,
la gestion de la relation client ne marche pas comme elle
le devrait. De fait, ils n'ont pas ou très peu
de clients hébergés.
En revanche, les clients achètent toujours la version
2.
Comment
voyez-vous le marché du CRM évoluer en Europe
et en France ?
Il faut regarder les dépenses
consacrées par les entreprises dans les différents
domaines applicatifs. En France, le premier poste budgétaire
s'oriente vers les ventes, puis le marketing. En Grande-Bretagne,
les investissements se tournent d'abord vers les approvisionnements,
avec la chaîne logistique en troisième position
qui n'est même pas évoquée en France.
Nous pensons qu'actuellement, le Royaume-Uni se déplace
tandis que la France et l'Allemagne restent focalisées
sur les ventes. Partout, les applications analytiques
liées au marketing augmentent, mais elles sont
difficiles à implémenter. Les clients disent
qu'en général, il faut un an pour mener
à terme un projet de ce type. Or, les éditeurs
parlent de trois mois, ce qui a tendance à semer
la confusion.
Quels
sont les modules de la galaxie CRM les plus prisés
des entreprises ?
Si l'entreprise choisit d'implémenter
un moteur de messagerie pour automatiser les réponses,
le retour sur investissement commence au bout de trois
mois. Les éditeurs spécialisés sur
ce segment sont plutôt des acteurs comme Kana et
eGain. Il s'agit aussi du module le plus facile à
implémenter, avec le plus de succès à
l'arrivée. La seule complexité est de pouvoir
interpréter les messages. Ensuite, les applications
analytiques et le data mining génèrent beaucoup
de bénéfices avec une note de 8,5/10. Mais
il faut attendre un temps assez long avant de voir le
retour sur investissement.
En revanche, la personnalisation web ne génère
pas beaucoup de bénéfices et est la plus
mal notée. De plus, elle n'est pas toujours évidente
à mettre en oeuvre. Tout comme la configuration
des produits qui est l'apannage de sociétés
comme Selectica et Firepond (ou même Access Commerce,
ndlr). Pour mettre en place un composant de ce type, il
faut définir comment charger les données,
puis paramétrer les règles et les contraintes.
De plus, comme celles-ci évoluent, cela devient
très coûteux. Il faut tenir continuellement
les configurateurs à jour, et ce sont eux dont
l'implémentation dure le plus longtemps.
Dans
le modèle ECM, avez-vous défini des couches
d'information sur la partie analytique ?
Les seules parties ayant
trait à l'information se situent dans le système
des enregistrements, dans la couche des services et au
milieu, où chaque application doit répondre
à un modèle de données, qui se réfère
à différents pilliers parmi les sept que
nous avons définis (lire
l'interview de Nigel Montgomery parue en juin). Il
doit aussi y avoir un modèle pour le système
de gestion des processus, mais pas concernant l'information
transactionnelle.
Nous retrouvons donc les trois couches systèmes
(enregistrements, processus et entreprise étendue),
avec les sept pilliers. Là dedans, plusieurs types
de traitements analytiques peuvent être opérés,
et l'ECM ne dit rien à ce sujet. Les capacités
d'analyse sont souvent intégrées aux applications.
Nous apporterons probablement davantage de précisions
à ce sujet ultérieurement. Pour l'instant,
l'ECM se situe à très haut niveau et ne
rentre pas dans ce type de détails. Nous pensons
simplement qu'il s'agit d'un plan sensible apportant une
aide lors de la mise en place d'une architecture et de
l'achat de ses composantes. De ce point de vue, AMR va
faciliter plus que piloter l'adoption du modèle,
en incitant les éditeurs à obtenir une certification.
Et nous avons mis en place une déclaration d'intention
à leur égard afin qu'ils puissent harmoniser
la conception de leurs produits. Mais nous allons aussi
inventer d'autres formes de collaboration avec eux.
Que
dire aujourd'hui de cette harmonisation dans la conception
des produits ? Et les standards comme J2EE sont-ils vraiment
standards quand on sait qu'un composant BEA Weblogic ne
tourne pas forcément sous IBM WebSphere ? Où
en sont les éditeurs ?
Prenons l'exemple de PeopleSoft
qui dispose d'une architecture très robuste. Ce
que dit le modèle ECM est qu'il faut avoir soit
une architecture J2EE, soit une architecture .Net. Mais
PeopleSoft n'a aucun des deux, puisque leurs composants
sont développés en C++. Quant à SAP,
seulement une partie de leur progiciel est en Java et
ils sont à mi-chemin vers la migration. Si nous
avons choisi Java et .Net, c'est avant tout pour des raisons
de facilité notamment en terme d'intégration.
Au sujet des serveurs d'applications, ensuite, tout ce
que nous voulons d'un tel produit est qu'il puisse éxécuter
des applications Java. Mais certains éditeurs utilisent
aussi leur noyau pour fournir de la personnalisation ou
des boutiques en ligne. Je pense personnellement qu'un
éditeur qui procède ainsi ne fait pas son
travail correctement. Et si c'est le cas, il n'est pas
en conformité avec l'ECM.
Dans
un autre registre en rapport avec le CRM, certains éditeurs
disent aussi travailler sur l'intégration de VoiceXML.
Les applications enregistrant les appels téléphoniques
sous forme de textes analysables font-elles aussi partie
d'un avenir proche ?
Des
sociétés comme Peoplesoft et Siebel travaillent
en effet sur son implémentation dans leurs produits,
mais plutôt dans l'optique de donner de la voix
aux applications et de développer des portails
web vocaux. Maintenant, il existe un problème juridique
en rapport avec l'enregistrement des appels dans les centres
de contacts. L'une des applications qui se démocratise
aussi concerne l'authentification avec le numéro
de carte de crédit, et nous trouvons de plus en
plus d'acteurs positionnés sur ce marché.
Maintenant, je peux aussi vous évoquer une autre
tendance des technologies CRM qui est en train de prendre
forme aux Etats-Unis et qui a trait au GPS (global positioning
system). Déjà, ces technologies sont utilisées
avec la reconnaissance vocale par les services téléphoniques
d'urgence américains. Or, si l'éditeur de
produits de gestion de la relation client sait où
se trouve le consommateur, il pourra proposer des services
en relation. Là dessus, les américains n'ont
pas d'états d'âme. En Europe, c'est plus
difficile, mais il faut se rappeler que la plupart des
nouvelles fonctions commencent à apparaître
aux Etats-Unis. Et déjà, des sociétés
comme AOL se montrent intéressées par ces
technologies vis-à-vis de leurs clients.
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Avant de rejoindre AMR Research comme analyste senior
responsable de recherche autour de la gestion de la relation
client, Kevin Lucas a travaillé comme directeur
CRM et e-business dans des entreprises sur secteur IT
comme Touchstone et Independant Computer Solutions.
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