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Interviews |
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Alain Andréoli
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Président,
COO (Chief operating officer)
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Verio
/ NTT
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"Nous
allons automatiser des clients de plus en plus gros sur
du SAP et du Peoplesoft" |
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La fusion entre l'hébergeur américain Verio
et l'opérateur japonais NTT
a été l'une des plus retentissantes de toute
l'année 2001. Tandis que certains géants
de l'hébergement comme Exodus se sont dirigé
vers une mort certaine, le nouveau binôme ainsi
formé a su tirer les conséquences de ces
échecs. Le maître mot de sa stratégie
est aujourd'hui l'automatisation, un concept initié
par la catégorie des MSP (Managed Service Providers)
dont Verio fait aujourd'hui figure de poids lourd aux
côtés de Genuity. Une stratégie efficace
et une vision d'avenir portées par un français
à sa tête. Alain Andréoli, qui dirige
globalement les opérations du groupe, était
de passage à Paris. L'occasion de vous faire profiter
de son approche avant-gardiste du marché, et de
vous livrer quelques pistes sur les offres de Verio, présentes
et à venir.
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Propos recueillis par
François Morel le 01
février 2002
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JDNet
Solutions: D'aucuns clament que vous possédez une
infrastructure de pointe. Pourriez-vous nous en dire un
peu plus ?
Alain Andréoli:
La plate-forme
de Verio est consacrée à l'hébergement
de type hosting. Nous avons aussi un réseau IP
large bande de classe 1 (Tier 1) au niveau mondial, qui
constitue la principale raison pour laquelle NTT a racheté
Verio. A travers notre activité de hosting, nous
hébergeons principalement les entreprises moyennes,
ce qui représente 20 % du marché mondial.
Dans ce domaine, nous sommes l'un des pionniers en tant
que société créée en 1996.
Depuis, notre plate-forme est en développement
continuel et nous avons 90 ingénieurs en R&D
pour la rendre la plus souple possible. A l'heure actuelle,
nous sommes en train de développer une nouvelle
plate-forme baptisée Confluence afin de mettre
en fonction sur nos sites des applications qui vont bien
au delà du pur hébergement de sites web.
Nous avons peu fait évoluer nos technologies ces
deux dernières années car nous étions
le leader. Et aujourd'hui, il s'agit d'une évolution
vers plus de souplesse dans le fait de nous adapter aux
solutions des clients à tous les niveaux.
S'agit-il
d'un positionnement industriel vis-à-vis des entreprises
moyennes ?
La flexibilité dont
nous parlions nous permet de créer des offres de
toutes sortes à l'attention de toutes les sociétés,
quelle que soit leur taille. Historiquement, les entreprises
se sont intéressées à l'hébergement
pour leurs sites web de base, et aujourd'hui elles ont
besoin de créer un véritable business en
ligne. Or, nous sommes le leader mondial du site web automatisé.
Nous avons lancé notre plate-forme webmail il y
a un mois qui nous permet de forger de nouvelles solutions.
De plus, notre plate-forme d'activités est très
large puisque nous répondons aux besoins de clients
très petits à très grands. Cela signifie
que nos offres sont commercialisée à partir
de quelques dizaines d'euros, et atteignent parfois des
millions d'euros par mois.
Nous nous lançons donc dans la flexibilité,
mais celle-ci n'est réplicable que lorsque nous
nous adressons à beaucoup de clients. Quand nous
servons les intérêts d'entreprises de taille
nettement plus importante, nous proposons des solutions
qui regroupent l'hébergement sur mesure et le réseau
clef en main. Parmi nos clients figurent Amazon.com, Microsoft,
Disney, l'UEFA et Goldman Sachs...
Quelle
est votre stratégie sur un marché de l'hébergement
en état de crise ?
Notre activité vis-à-vis
des plus gros clients était jusque-là concentrée
sur des services de colocation (ici, location d'espaces
sur-mesure sans intervention sur la spécificité
des plates-formes, ndlr). Nous avions des datacenters
de tous les côtés, et nous avons déployé
près de 100 000 m2 aux Etats-Unis. A
la lumière de ce qui s'est passé avec Exodus,
nous avons réalisé qu'il nous fallait pour
le moins gérer notre activité sur le long
terme. Et donc, ce sur quoi nous nous concentrons maintenant
est de consolider notre position de leader mondial de
l'hébergement automatisé. Chaque fois qu'une
solution comporte des éléments répétitifs,
nous voulons qu'ils soient répétés
de la manière la plus fiable et la plus économique
possible. Cela est cohérent avec le le fait que
nous ayons été racheté par des japonais,
qui ont une très haute conception de la qualité.
Nous avons développé des solutions qui permettent
de gérer quelques dizaines de clients sur un serveur.
Nous avons aussi lancé une solution de serveur
privé virtuel auprès des TPE, et qui s'avère
très souple. Cette année, nous renforçons
notre présence dans les serveurs dédiés
managés (de l'infogérance automatisée,
ndlr). A présent, nous commençons à
développer des solutions avancées dans le
domaine de l'hébergement complexe.
Aujourd'hui, ce qui contraste le plus avec le modèle
de la colocation de la fin des années 90, où
l'on retrouvait Exodus, est que les solutions sont de
moins en moins liées à la géographie.
Tout le monde a créé des datacenters partout,
et maintenant se présente un modèle plus
souple avec des clients partout. Ceci génère
une très grande faisabilité au niveau de
là où se trouve le client. Nous profitons
ainsi d'une flexibilité extraordinaire autour de
très gros centres, qui tient dans le fait de pouvoir
développer et répéter des solutions.
Nous essayons donc de concevoir des solutions souples
et globalisées, que nous sommes parmi les seuls
à pouvoir déployer partout. Genuity est
aussi acteur de cette tendance, et il y en a deux ou trois
autres seulement qui peuvent prétendre concourir.
Maintenant, quand nous mesurons la satisfaction du client,
nous sommes tout en haut de la pyramide.
Seriez-vous
intéressés par le fait de racheter un acteur
de l'infogérance automatisée comme LoudCloud
?
Nous recevons des propositions
en permanence d'à peu près tous les gens
qui sont passés à la trappe depuis deux
ans. Nous discutons toujours mais nous ne communiquons
les décisions que quand elles sont prises. Aujourd'hui,
nous pensons tout bonnement que ce n'est pas le meilleur
moment pour acheter. Nous vivons ni plus ni moins la période
du cactus qui doit durer encore pendant un certain temps.
C'est une période de sécheresse durant laquelle
nous jouons le cactus en investissant pour consolider
nos positions. Nous savons cela, car Verio est déjà
le fruit de plusieurs dizaines d'acquisitions sur lesquelles
nous passons beaucoup de temps. De ce fait, nous pensons
qu'il n'est pas opportun de suivre largement cette direction.
Dans la colocation, certains vous proposent aujourd'hui
d'acquérir gratuitement des centres, à la
seule condition que vous vous engagiez à payer
le loyer à coût fixe. Nous savons que nous
serons l'un des deux ou trois acteurs majeurs, et il nous
faut seulement limiter les risques. Nous observons avec
intérêt la tendance actuelle, mais sans évidence
sur le moment où l'économie va se retourner.
L'économie américaine vit une période
exceptionnelle de sécheresse qui ne s'était
jamais vue jusque-là. De petits signes de reprise
apparaîssent aujourd'hui mais il faut rester très
prudent. Ayant NTT à nos côtés, nous
pouvons compter sur une croissance continue. Ce qui ne
nous empêche pas nous-même de savoir comment
générer de la croissance interne. Pour nous,
cela signifie être aussi bons dans tous les pays
à travers le monde. Ceci dit, pour tout vous dire
et sans vous citer de noms, nous sommes en train de nous
intéresser à une ou deux sociétés
en particulier.
Voyez-vous
néanmoins d'autres consolidations s'opérer
sur votre marché ? En particulier de la part de
NTT ?
Chacun voit midi à
sa porte et d'aucuns peuvent se dire qu'ils en ont vraiment
besoin. En ce qui nous concerne, nous avons un véritable
potentiel global tout en connaissant nos priorités.
Nous voyons en effet des personnes qui ont une stratégie
de crabe avec beaucoup de pattes. Est-ce une fuite en
avant ou non, je ne saurais l'affirmer. Dans notre situation,
nous essayons plutôt d'arriver rapidement à
une profitabilité consolidée. Dans l'hébergement,
nous sommes l'un des rares à être profitables
en Ebitda (excédent brut d'exploitation). Nous
n'allons pas nous lancer comme d'autres dans des acquisitions
à tort et à travers. Si nous le faisons,
nous procéderons sur des aspects spécifiques
en terme de bases clients.
Quant à NTT, ils sont le plus gros opérateur
de réseau Internet en Asie et dans le monde, et
ils ont eu besoin de s'étendre en Europe et en
Asie. C'est pourquoi ils ont racheté Verio. Ce
qui, ne l'oublions pas, a été la plus forte
acquisition jamais opérée par une entreprise
japonaise. Pour NTT, le fait de reprendre un autre géant
n'est pas une priorité à court terme.
Pour conclure sur ce sujet, à peu près toutes
les sociétés ont vu leurs performances s'éroder.
Et malgré la situation de sécheresse de
notre marché, nous avons augmenté notre
profitabilité de 30 %. Ce qui prouve que nos
affaires se portent bien.
A
part Confluence, avez-vous d'autres projets sur le lancement
de nouveaux services ? Quelles sont les tendances que
vous suivez actuellement ?
Comme je vous l'ai déjà
dit, nous nous positionnons dans des solutions automatisées.
Ces solutions couvrent aussi bien les domaines du stockage
et des sauvegardes, que de la sécurité.
Ce sont des éléments de base de nos offres
que les clients regardent avec attention. Dans les principales
tendances, je peux vous citer les solutions de "disaster
recovery" qui sont à la mode aux Etats-Unis
depuis le 11 septembre. Parmi ce que nous allons
bientôt annoncer figure la répartition de
charge ("load balancing") globale.
Nous sommes aussi en train de finaliser un accord majeur
avec une société de service au niveau mondial.
En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas purement un
prestataire de services, et nous avons créé
de toute pièce notre infrastructure au niveau du
réseau global et de nos plates-formes d'hébergement.
Pour les services qui rentrent davantage dans la valeur
ajoutée applicative, nous préférons
travailler avec d'autres dont c'est le métier.
Nous sommes donc en train de finaliser un accord avec
un partenaire très connu en vue de créer
une alliance. Dans quelques semaines, nous pourrons vous
en dire plus.
Jusqu'où
allez-vous dans la synergie avec les équipes japonaises
de NTT ? Cette collaboration s'étend-elle aux technologies
mobiles de DoCoMo ?
Nous n'avons pas de projets
très précis autour des réseaux mobiles
avec DoCoMo. En revanche, nous travaillons beaucoup avec
NTT sur notre intégration globale en terme de développement,
en appui sur nos équipes croisées au Japon
et aux Etats-Unis. Cela concerne par exemple le domaine
du VPN (les réseaux privés virtuels). NTT
profite d'une position dominante économique particulière
avec des dizaines de milliers d'ingénieurs qui
ne pratiquent que la recherche pure. Nous pensons que
cela nous permettra d'arriver à nous imposer avec
des solutions très différenciées
dans les mois et les années qui viennent. Là
dedans, certains développements sont propres à
Verio, et d'autres à NTT. Il est clair que nous
voulons conserver une certaine flexibilité, mais
la R&D est très importante pour eux et pour
toute une famille de projets communs.
Au sujet de notre orientation sur les grands volumes,
l'un des importants projets concerne notre plate-forme
Confluence qui sera lancée bientôt. Et il
n'est pas un projet où NTT ne nous apporte une
très grande valeur ajoutée. Cette plate-forme
rentre dans le cadre de l'hébergement des plus
grands clients avec la possibilité d'intégrer
toutes sortes d'applications. Nous appelons ce concept
"managed the manager". Imaginez le fait de manager
(administrer) des gens qui managent vos applications.
Pour nous, cela revient à fabriquer et gérer
des briques lego pour des SAP, des Peoplesoft, des Oracle...
pour des grands comptes. Nous avons déjà
lancé un pilote au Japon qui s'est bien développé.
Notre volonté est donc de continuer à rester
le leader de l'automatisation, donc de la duplication,
et nous essayons à présent de le faire pour
des solutions plus imposantes.
Tout le problème d'une industrie comme l'hébergement
est que l'on ne gagne pas de l'argent très facilement.
Pour gagner de l'argent, il faut que la plate-forme soit
très solide, ce qui coûte très cher.
Et donc, l'avenir du hosting passe forcément par
l'automatisation. Nous avons déjà automatisé
l'hébergement pour de petits clients, et nous essayons
de poursuivre dans ce sens pour des clients de plus en
plus gros. Et cela représente un avantage considérable
en terme de coûts pour les entreprises qui gèrent
leurs plates-formes en interne, ou chez des prestataires
qui font du "cousu main".
Pouvons-nous
en conclure que vous cherchez à concurrencer en
même temps des prestataires comme IBM Global Services
et WorldCom ?
Nous adoptons une approche
répétitive, mais notre démarche s'apparente
plutôt à du prêt-à-porter. Tous
les prestataires qui vivent du "cousu main"
perdent beaucoup d'argent. Nous essayons donc de faire
la part des choses en regardant là où nous
pouvons être profitables, et là où
nous ne le sommes pas. Une entreprise a besoin à
la fois de partenaires sur du spécifique, et de
partenaires qui puissent répéter leurs opérations
pour parvenir à des économies d'échelle.
Ensuite, il s'agit de tout gérer sur un plan géographique.
Par exemple, le fait de déployer des datacenters
énormes partout coûte beaucoup d'argent et
il n'est possible de les remplir que lentement. Si, en
revanche, vous les remplissez les uns après les
autres car vous vous appuyez sur un modèle qui
permet de dissocier là où se trouve le datacenter
de là où se trouve le client, vous les ouvrez
les uns après les autres et cela change complètement
les données économiques de votre modèle.
Bertrand Usunier, notre directeur général
France, s'occupe du développement du marché
français. Certains de ses clients sont hébergés
physiquement aux Etats-Unis, d'autres à Paris,
à Lyon, à Londres ou même au Japon.
Cela dépend de leurs différents modèles
en fonction de notre gamme de prix clients et de la solution
dont ils ont besoin. Je ne connais pas beaucoup de fournisseurs
qui offrent une telle flexibilité.
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A la tête des opérations mondiales de
Verio/NTT à partir de juillet 2001, Alain Andréoli
occupe en simultané les postes de président
et COO (Chief operating officer). Depuis février
2000, ce français, parmi les rares à diriger
une société historiquement de droit américain,
était vice-président corporate et directeur
général du fournisseur de produits de stockage
de données StorageTek. Il est entré chez
ce dernier en janvier 1997 à la direction des opérations
EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique). Pendant 14 ans,
il a aussi occupé plusieurs fonctions dirigeantes
chez Texas Instruments, dont celles d'administrateur du
segment industriel mondial, co-administrateur du marketing
global, et directeur du segment industriel en Europe.
Titulaire d'un équivalent de MBA de la CERAM en
France, il a également suivi un programme diplômant
de l'université de Concordia au Canada.
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