JDNet
Solutions. La transformation des SI vers l'e-business
impose t-elle aux DSI une remise en question de leurs
méthodes ? Si oui, en quoi ?
Alan Fustec.
Aujourd'hui, l'e-business entraîne une modification
substantielle de l'organisation de l'entreprise. Il
devient nécessaire d'intégrer l'information avec les
autres activités de l'entreprise. On devrait donc assister
à un rapprochement des DSI avec leurs "clients" (les
gens avec qui ils travaillent au sein de l'entreprise).
La relation entre maîtrise d'uvre et maîtrise d'ouvrage
est peu fluide, il s'agit parfois même d'un fossé. Il
est important de résorber ce fossé. Dans le cadre de
l'e-transformation d'une entreprise (l'alignement de
l'entreprise sur le modèle e-business), les DI doivent
se sentir impliqués et se rapprocher des utilisateurs,
c'est à dire les directions opérationnelles de l'entreprise.
Avant que la bulle de la net économie n'explose, la
notion d'e-transformation y était très présente. On
a beaucoup glosé sur les processus de réorganisation
des systèmes existants. Malheureusement, la bulle a
explosé avant que le travail ne soit réellement amorcé.
Depuis deux ou trois ans, il ne s'est pas passé grand
chose dans l'entreprise, mais aujourd'hui nous nous
situons au début d'une deuxième vague e-business. Si
la première vague avait l'allure d'une déferlante (grosse
activité, explosion rapide et disparition), la deuxième
prend plutôt la forme d'une houle, plus longue, moins
rapide mais beaucoup plus durable. Sa montée en puissance
est indéniable, les DSI doivent absolument se préparer
à ce processus inéluctable, complètement différent des
mouvements de la première vague.
Pouvez-vous décrire
les spécificités de ces vagues e-business
"pré-krack" et "post-krack"
?
La première vague était caractérisée
par des développements rapides et déconnectés
de l'information de l'entreprise ; il n'y avait pas
de lien entre produits et services en ligne, par exemple.
Les Web agencies n'étaient pas prêtes. Parties trop
fort, elles possédaient en plus un savoir faire technologique
trop léger.
La nature des projets de deuxième vague est différente.
Il sont plus complexes et sophistiqués, plus intégrés
au SI existant. Les Web Agencies ont cédé la place à
des SSII mieux préparées, avec notamment un savoir faire
technologique bien plus important. Le mouvement d'intégration
front-back (des applications intégrées et greffées sur
des SI existants) produit une technologie hybride (par
exemple, une base de données DB2 avec des applicatifs
développés en Java). On a tendance à reprendre l'existant
et à l'adapter au marché. On en se contente plus, comme
lors de la première vague, de créer des services orienté
clients (vente en ligne de tout et n'importe quoi).
Il s'agit aujourd'hui de rénover le SI, avec des nouvelles
technologies et de façon plus globale dans l'entreprise.
Comment
justifier dans le contexte actuel les investissements
technologiques vitaux vis à vis des DG et DF ?
Les DSI ne sont pas bons pour ça et ne
l'on jamais été. Aujourd'hui, les DG en ont assez de
lancer des projets qui ne créent pas de valeur. La justification
peut se jouer, non pas sur des calculs de création de
valeur, mais sur des calculs de rentabilité différentielle.
En comparant les systèmes utilisés dans une entreprise
et le nouveau système à adopter, un DSI a des arguments
tout trouvés. Le SI actuel coûte cher (notamment au
niveau des modifications et du développement). Le nouveau
SI coûtera moins cher à maintenir. On compare dépense
actuelle et dépense future. Les moyens de calculs traditionnels
échappent aux DSI car ils sont concentrés dans les services
de marketing. C'est une raison de plus pour essayer
de se rapprocher des utilisateurs internes du SI.
Comment
le DSI peut-il initier les changements stratégiques
liés à la technologie ?
Les DSI doivent prendre deux aspects
en compte. Tout d'abord, il est nécessaire d'effectuer
une bonne veille technologique, afin de mieux préparer
et sélectionner les bonnes technologies. Cette activité
représente un poids marginal dans le budget annuel (à
peine 3%) et elle permet de mieux vendre son projet
en interne. L'autre aspect, complètement nouveau pour
les DSI, est la prépondérance de la communication financière.
Les années 90, époque du "tout nouveau, tout beau" sont
terminées. Les évolutions pré-Internet, du type client-serveur,
ont subi des échecs cuisant. On a voulu aller trop vite,
trop loin et trop fort. Les DG ne veulent plus des arguments
relevant de la facilité d'utilisation, de l'esthétisme,
du fun
Elles en ont marre de dépenser de grosses sommes
d'argent sans résultat tangible : elles veulent de la
rentabilité. Combien ça coûte ? combien ça rapporte
? Quand est-ce que ce sera opérationnel ? Voilà le genre
de questions auquel le DSI doit se préparer à devoir
répondre. L'an 2000 et l'Euro, ajoutés aux débordements
de la première vague, ont coûté cher aux entreprises.
Le DSI devra se montrer compétent, pour justifier ses
choix technologiques, et rompu à la technique de communication
financière, pour convaincre la DG.
Quelles
préoccupations doivent être les plus importantes pour
un DSI aujourd'hui: est-ce l'e-business, la sécurité,
la gestion des données, les réseaux, l'intégration...
? Pourquoi ?
Pour le domaine qui me concerne, c'est
à dire le domaine tertiaire financier, le secteur e-business
n'est pas la première, ni la dernière préoccupation
du DSI. En tête, je citerais plutôt les grands
mouvements transformationnels des entreprises, comme
par exemple la réduction des SI au Crédit Agricole.
Toutes les opérations de fusion, réorganisation, filialisation,
ou éclatement des SI (le tout à très grande échelle)
pour réduire les coûts sont extrêmement importantes.
Le but est, comme je l'ai déjà dit, d'introduire l'informatique
dans la maîtrise d'ouvrage. Il ne faut pas oublier que
l'objectif de tout cela est la réduction des coûts,
et à court terme, bien sûr.
Les
enjeux technologiques majeurs comme les serveurs d'application,
les web services ou les logiciels libres sont-ils bien
perçus par les DSI ?
Ils sont bien évidemment considérés avec
le plus grand sérieux. Mais les montées en puissance
des nouvelles technologies, dans le cadre de la deuxième
vague, ne sont plus aussi rapides qu'auparavant. De
plus, le domaine tertiaire financier (domaine dans lequel
j'évolue) est un secteur relativement lent à ce niveau.
Les
évolutions technologiques entraînent-elles
un changement dans la manière de gérer
les équipes et les projets ?
Les évolutions technologiques
comme le Web ne représentent pas véritablement
un problème. Elles sont récurrentes et
régulières, environ tous les deux ou trois
ans. L'intégration d'une nouvelle technologie
engendre une courbe d'apprentissage naturelle, l'activité
de l'entreprise est ralentie le temps de l'adaptation
des utilisateurs.
Les DSI n'ont pas pour habitude de mesurer leur activité.
Cependant, le processus de production gagnerait à
être professionnalisé. L'objectif est de
rendre l'activité indépendante de la technologie.
Aujourd'hui, la maîtrise d'un processus est plus
importante que la nouveauté de la technologie,
qui comporte de forts risques de dérapages. Les
DSI ont plus intérêt à s'inscire
dans des gestions de projets que dans du technologique.
Ainsi, ils gèreront mieux leur équipe
et ils convaincront leur DG.
|